Teardrop
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Pendant crise - Kwai - Lun 29 Oct 2018 - 22:59
Il était encore tôt quand le coréen se mit en selle. A vrai dire, le soleil perçait à peine l'horizon. Mais il n'arrivait pas à dormir, et il ne pouvait pas rester dans l'appartement, alors il avait préféré se lever et sortir. Il avait trouvé Io dans le salon de leur appartement, assise à même le sol, dessinant sur un carnet à dessin. Ils s'étaient disputer en murmurant -pour ne pas réveiller Sora et Yen-, Io voulant venir avec lui, alors que lui préférant qu'elle reste à l'appartement, mais il avait fini par céder. Io avait alors griffonné un mot à l'attention de sa mère sur un morceau de son carnet, qu'elle avait laissé bien en évidence dans la cuisine devant la cafetière avant de filer s'habiller pour accompagner son père. Le coréen l'avait patiemment attendu, reniflant de temps en temps. Sa grippe ne passait pas, bien qu'elle était désormais moins forte. Si au départ elle avait été bien réelle, elle n'était désormais plus que psychosomatique, comme ce qu'il avait cru au départ. Ezra restait persuadé qu'elle disparaîtrait quand les choses iraient mieux dans son couple. Il n'avait rien répondu à cette remarque, s'enfermant dans un silence qui le caractérisait beaucoup ces temps-ci, de l'accord de tous.
En compagnie de Io, silencieuse, le coréen se dirigea vers l'élevage de Liam, où était hébergé Gandalf's Nightmare. Il n'était pas certain que l'achat de ce cheval ait été une bonne idée, mais il l'appréciait de plus en plus. Il commençait à avoir de bonnes bases et restait toujours à l'écoute et concentré. C'était un réel plaisir de le monter. Le coréen entra dans le box doucement, saluant son grand bicolore de quelques mots doux, en japonais, et quelques caresses, avant de lui enfiler son licol. Les rations n'avaient pas encore été servie et l'écurie était plus que calme. Il était encore bien trop tôt pour les chevaux se réveillent vraiment... Et d'ailleurs, Gandalf était plus calme et lent qu'à son habitude, cela se sentait. Kwaïgon confia la longe à Io, qui amena le cheval jusqu'à une aire de pansage, pendant que lui allait chercher le matériel dont il aurait besoin, profitant de son passage dans la sellerie pour enfiler ses bottes d'équitation. Quand il revint, Gandalf était attaché des deux cotés et Io était assise par terre, devant lui, appuyée contre ses antérieurs. L'étalon somnolait. C'était une image rare. Le warmblood était d'ordinaire très vif et il n'était pas commun de le voir aussi calme. Pour autant, le coréen poursuivit sa routine, sans rien dire. Io s'était remise à dessiner sur son carnet et il poursuivait sa préparation tranquillement.
Le pansage fut rapide, le cheval n'était pas très sale. L'étalon se réveilla un peu quand le coréen le sella et il était pratiquement prêt à y aller quand il lui présenta le mors, malgré qu'il poussa un gros bâillement une fois le mors dans la bouche. Le coréen laissa l'étalon libre dans la stalle de préparation et prit Io, la posant sur une pile de botte de paille rangé dans un coin de l'allée. Son carnet dans une main, ses crayons et sa gomme dans sa poche, elle attendit sagement que son père se mette en selle et la prenne devant lui au passage. Sans doute que nombre de ses collègues, et Yen la première, hurleraient à le voir faire ainsi, partant à cheval avec sa fille devant lui, sans casque sur la tête ni l'un ni l'autre, mais il avait confiance en Gandalf et en ses capacités à rester à cheval et à retenir Io en cas d'écart. Mais dans ce frais matin, il doutait qu'il ne se passe quoi que se soit, surtout dans un Haras aussi calme. Il laissa les rênes longues à l'étalon, le laissant aller tranquillement, le guidant de ses jambes vers le manège. La porte était ouverte -fort heureusement- et le manège était vide. Il déposa Io en haut d'une lice. Elle était assez petite encore pour tenir sur la large bordure du contre mur. S'appuyant contre une poutre, elle ressorti son carnet et ses crayons, se remettant au travail avec calme. Le coréen cependant lui laissa son téléphone, adressant un léger sourire à la jeune fille, prenant la parole d'une voix rauque, encore enrouée.
K - Tu nous mets un peu de musique ?
Elle répondit au sourire et hocha de la tête avant de rechercher dans le téléphone de quoi diffuser une mélodie. Les premières notes de What are you doing here de Janee ne tardèrent pas à envahir le manège et les accompagneraient jusqu'à la fin de la séance. Quand Io aimait une chanson, elle pouvait l'écouter en boucle des jours durant. Mais cela ne dérangea pas le coréen. Il aimait bien le rythme de la chanson et son côté un peu mélancolique. Il se mit au travail, poursuivant la détente de son cheval sans un mot...
Quarante minutes plus tard, au galop sur un vaste cercle, le coréen s'exerçait aux changement de pied en l'air, en profitant d'une barre au sol unique, resté seule au milieu du manège. Il dessinait un huit dont le centre était cette barre, et lui permettant de facilité le passage d'un pied sur l'autre. Il avait préparé cet exercice avec soin dès la fin de sa détente, enchaînant les changements très rapproché en prenant le trop, mais aussi en rassemblant le cheval, et en travaillant ses changements de pli. Gandalf se montrait concentré, attentif. C'était habituel chez lui, qu'il se montre d'une aussi grande concentration et c'était donc plus facile de le garder avec soi pour ce genre d'exercice. Il avait remarqué que le cheval avait tendance à se caler sur la musique, ce qui rendait son allure très cadencée et agréable. Le coréen n'avait presque pas besoin de réfléchir à sa cadence, d'y faire attention. Il savait le cheval très régulier en se calant sur le rythme. Il passa au dessus de la barre et demanda le changement de pied, que l'étalon passa sans problème, sans défense d'aucune sorte ni gêne. Le coréen poursuivit au galop encore un moment, avant de finalement reprendre le pas et laissant filer ses rênes. C'était une séance parfaite, un peu hors du temps. Il jeta un œil à sa montre ; la magie ne durerait plus très longtemps. Il soupira, soudain las. Il n'avait pas spécialement envie de quitter cette bulle dans laquelle il s'était mise... Mais il n'avait guère le choix. Il laissa Gandalf marcher librement quelques minutes encore, le temps qu'il récupère et refroidisse, avant de finalement se rapprocher de Io. Elle le regarda arrivé, ses grands yeux un peu étonné et il en sourit.
K - Ça fait pratiquement cinquante minutes qu'on est là.
I - Ah bon ?
Le coréen hocha de la tête, lui laissant le temps de ranger ses affaires avant de reprendre place devant lui sur la selle de l'étalon. Il quitta le manège de la même façon qu'il y était entré, mais il sentait Io s'appuyer un peu plus contre lui, se faire un peu plus lourde. L'élevage était encore vide quand il entra, mais il y avait un peu plus d'activité. Les chevaux se réveillaient, l'heure de la ration approchait. Le coréen déposa Io sur la même botte de paille et mit à son tour pied à terre, ramenant le cheval dans la stalle de préparation pour le déshabiller. Il ne fut pas surprit cependant, de voir que Io ne lui suivait pas. Il ne s'en offusqua pas, s'occupant de Gandalf tranquillement. Quand il revint vers Io après l'avoir remit au box, il eut un bref sourire en a trouvant endormie sur la botte de paille où il l'avait laissé. Avec délicatesse, il la prit dans ses bras, attrapant ensuite son carnet à dessin, avant de reprendre le chemin de l'appartement, une légère appréhension au creux du ventre. Comment Yen allait-elle l'accueillir de si bon matin ? C'était là une question dont il n'avait plus la réponse depuis ce qu'il lui semblait être une éternité...* * *
Quand le coréen passa à nouveau les portes de l'élevage plus tard dans la journée, l'activité habituelle avait reprit ses droits. Il passa voir Gandalf, qui vint le saluer à la porte de son box et ne fut pas étonné de voir Alejandro apparaître peu de temps après.
A - T'as sorti Gandalf ce matin ?
K - Oui. Je n'ai pas encore rempli le carnet, on a fait une séance de plat assez tôt.
Ale paru soulagé mais eu finalement un sourire avant de filer dans l'allée d'à côté. Le coréen l'entendit, triomphant, rétorqué à Dean que l'étalon ne s'était bel et bien pas mit de l'argile tout seul dans la nuit. Le coréen en sourit, secouant doucement de la tête avant de se diriger vers le bureau, dans l'intention de remplir le carnet de liaison de l'étalon. En entrant, il trouva Liam assit derrière le bureau, l'air clairement fatigué et dépité. L'éleveur releva les yeux sur lui et eut un léger sursaut.
L - Kwai ! Tu tombes bien, j'aurais... Voulu te voir, si c'est possible.
Le coréen eut un bref hochement de tête, glissant les mains dans ses poches et tournant toute son attention sur Liam, mais il paraissait toujours aussi gêné.
L - Fermes la porte s'il te plaît... Viens t'asseoir.
Le coréen eut un léger temps d'hésitation, avant de finalement faire ce qui était demandé, ne sachant pas trop à quoi s'attendre. Mais il le saurait tôt ou tard de toute façon. Il s'assit, avec un soupir las, et attendit, sans rien dire, que Liam reprenne la parole, ce qu'il ne tarda pas à faire.
L - Voilà je... Je euhm... J'ai un soucis...
Le regard de l'éleveur était fuyant et il ne cessait de croisé et décroisé ses doigts et de tapoter du pied. Le coréen trouvait ce genre de comportement agaçant mais il ne dit rien, lui laissant le temps de venir au cœur du problème de lui-même...
L - J'ai un soucis avec les... Avec les finances de l'élevage... J'ai fait un mauvais placement, je n'ai pas écouté James et...
K - Combien ?
Le coréen avait coupé le français au beau milieu de son explication et il s'en retrouva tout étonné, cessant ses gestes nerveux et relevant la tête sur lui.
K - Je ne veux pas savoir ce qu'il s'est passé, ça arrive à tout le monde. La prochaine fois tu sauras qu'il faut écouté James, il est toujours de bon conseil. Ce que je veux juste savoir, c'est de combien il faut combler le solde.
L - Deux cent... Mille...
Le coréen eut un bref hochement de tête et attrapa le pc, se redressant sur sa chaise. En quelques clics, il se retrouva connecté à ses comptes et sur la page des virements. L'élevage était enregistré depuis longtemps parmi ses bénéficiaires.
L - Mais c'est.. C'est beaucoup trop, je... Je te rembourserais il faut juste que...
Le regard que lui lança le coréen le coupa dans sa phrase, se perdant dans un murmure. Il avait l'air si las que Liam en fut un instant inquiet.
K - Liam, c'est ce que mon casino californien me fait gagné en à peine deux jours... Et je ne te parle même pas des autres hôtels et de l'entreprise là. Dans deux jours ça ne se verra même plus, d'autant qu'il y a bientôt un gros festival donc l'hôtel va être plein...
Il secoua doucement de la tête, négativement avant de finaliser sa transaction et se retourner sur Liam à nouveau, lui rendant son pc.
K - Je t'ai fait un virement de trois cent mille. Et ne dis rien ! Cesser de croire que ça me gêne, je ne le vois même pas passer au quotidien. et tu ne me dois rien, c'est cadeau. Tu me supportes, et c'est déjà bien assez...
Le coréen pinça des lèvres et se leva, attrapant le carnet de Gandalf de se diriger vers la porte, coupant à Liam toute envie et possibilité de répliquer. Mais avant qu'il ne puisse toucher ladite porte, elle s'ouvrit sur Myriam, les joues rouges, le souffle court.
M - Kwai ! Tu es là... Mon dieu... Il faut que tu viennes vite, c'est Kim...
Son sang se glaça et il ne réfléchit pas une seconde de plus, suivant Myriam d'un pas rapide, proche de la course. Kim était à la retraite dans les prés du Haras, le coréen n'avait pas eu le cœur encore de l'envoyer chez Louna pour une retraite sédentaire. Il préférait que l'étalon participe encore un peu à la vie du Haras, même si ce n'était que pour la reproduction et des balades en main. Il participait aussi à l'éducation chevaline des jeunes poulains à peine sevré de l'élevage, comme il avait partagé le pré d'Okina Ai quand ce dernier avait un peu grandi. Malgré tout, il ne tarda pas à interroger Myriam, inquiet en la voyant aussi pressée.
K - Qu'est-ce qu'il se passe ?
M - Siobhan est passé le voir ce matin, il devait pucé un des poulains et il l'a trouvé en colique... Couché, agité, tremblant et fiévreux...
K - Pourquoi il ne m'a pas appelé ?
M - Je n'en sais rien ! Peut-être qu'il comptait le faire mais je l'ai croisé avant. Il avait son téléphone à la main quand je l'ai vu...
Le coréen eut un soupir un peu colérique et serra les dents, mais ne dit rien pour autant. Ils restèrent silencieux jusqu'au centre de soins et cherchèrent Siobhan un moment, pour finalement le trouver dans l'allée des box de quarantaine. Avec une de ses apprenties, il était en train de perfuser l'étalon, qui avait effectivement mauvaise mine. Pendant un instant, le coréen se retrouva en état de choc, paralysé devant cette vision, les oreilles sifflantes, une vague glacé lui parcourant le corps. Il fallu un moment pour qu'il ne se reconnecte à la réalité et entende ce que disait Siobhan.
S - ...une torsion des intestins, il faut qu'on l'opère tout de suite. J'ai appelé du renfort. On est en train de le sédater, le temps qu'on prépare le bloc, et après on y va... Je voulais que tu puisse le voir avant qu'on y aille au cas où il ne revienne pas...
Le regard du coréen, encore un peu sous le choc, se posa sur Siobhan avec une certaine vivacité, mais il ne dit rien, reposant très vite les yeux sur l'étalon. L'apprentie avait terminé, et elle se glissa hors du box. Siobhan ne tarda pas à la suivre. S'il avait dit quelque chose, le coréen ne l'avait pas entendu. Il avait à peine sentie la main du vétérinaire sur son épaule quand il était sorti du box capitonné dans lequel était le cheval. Myriam avait également disparu de son champs de vision, mais peu lui importait. A cet instant là, il n'y avait plus que Kim.
Avec lenteur, le coréen entra à son tour dans le box et posa doucement la main sur l'encolure de l'étalon. L'isabelle sabino ronfla un peu, comme il avait l'habitude de le faire pour le saluer et posa maladroitement le nez sur son épaule. Le sédatif rendait ses gestes un peu lent et balourd, mais il ne tremblait plus. Le coréen posa la main sur sa nuque et la tête contre sa joue, restant longtemps ainsi sans bouger, fredonnant tout bas un air de berceuse. Il sentait l'étalon doucement partir dans les limbes de la sédation, sa respiration se faisait de plus en plus lente, sa tête de plus en plus lourde sur son épaule. Mais il ne bougea pas pour autant. Kim était son cheval de cœur, l'étalon de toute une vie. Il savait que jamais il ne retrouverait un tel cheval. Depuis le début leur relation avait été particulière et sans doute qu'elle le resterait. Tout le monde s'accordait à dire que c'était un cheval exceptionnel... Et ça faisait mal au cœur de le voir dans un tel état...
Le coréen n'avait aucune idée du temps qu'il s'était écoulé, mais Siobhan fini par revenir. Il avait enfilé une tenue de bloc et remonté ses manches. Myriam était avec lui, ainsi qu'un autre vétérinaire. Avec délicatesse mais fermeté, il posa la main sur l'épaule du coréen pour attiré son attention et le dégager en douceur du contact de Kim. L'étalon avait du mal à garder les yeux ouvert et luttait un peu pour rester sur ses appuis. Kwaïgon recula avec lenteur, prenant une grande inspiration.
S - Tu devrais sortir, ou rejoindre le hall. Il ne faut pas que tu vois l’anesthésie et le transfert au bloc... Myriam va t'accompagner.
Incapable de parler tant le nœud dans sa gorge était serré, le coréen se contenta de hocher de la tête, accordant une dernière caresse à l'étalon avant de glisser les mains dans ses poches et rejoindre le hall à pas vif, Myriam sur ses talons. Il passa les grandes portes battantes du centre de soins et leva les yeux vers le ciel bleu, luttant contre les larmes qui lui montait aux yeux. Il sentit la main de Myriam se posé sur son épaule mais se dégagea du contact, lui tournant le dos. Elle croisa les bras, en se pinçant les lèvres, impuissante face à sa détresse.
M - Tu veux que j'appelle Yen ?
Il haussa des épaules, toujours incapable de dire quoi que se soit.
M - Tu veux que je reste avec toi ?
Il prit quelques secondes pour réfléchir à ce qu'il voulait, mais ne trouva pas de réponse. Il se sentait plus seul que jamais... Il finit par prendre la parole d'un murmure rauque, légèrement tremblant.
K - Non. Ce n'est pas la peine. Tu as ton emploi du temps, tu peux y aller.
M - Tu es sûr ? Je peux rester si tu veux, je n'ai qu'à...
K - Non. Laisses-moi.
Il lui tourna le dos une fois de plus, faisant quelques pas lents et mesurés vers un zone d'herbe à côté du bâtiment. Myriam mit quelques temps à réagir et à partir ; le coréen entendit ses pas remonter doucement l'allée pour quitter le centre de soins. Mais il attendit longtemps, pour sa part, avant de finalement se retourné et refaire face à cette même allée. Il gardait les yeux sur le sol, les mains dans les poches et faisait les cent pas devant le bâtiment, attendant patiemment des nouvelles de Siobhan. Il avait l'impression qu'une véritable éternité était en train de s'écouler, qu'elle ne trouverait jamais de fin, et qu'il serait condamné à faire les cent pas devant ce bâtiment, seul, pour toujours... Chaque minute était une véritable torture pour lui. Combien de temps allait durer l'opération ? Il n'en savait rien... Il était complètement perdu...
Il essayait de ne pas penser à l'opération et à ce qu'elle représentait. Il savait Siobhan compétent, mais l'anesthésie dangereuse, et le réveil d'autant plus. Nombre de chevaux avaient du mal à retrouvé leurs appuis au réveil et retombaient, provoquant parfois une fracture généralement fatale. Tous les scénario possible passait devant ses yeux et il se rendait compte peu à peu que les chances de survie de son étalon -qui prenait de l'âge en plus de cela- étaient de plus en plus réduites. Machinalement, il jeta un regard à sa montre et pesta contre lui-même, incapable de lire l'heure avec ses yeux embué par les larmes. Il réprima un sanglot léger, relevant les yeux, essayant d'arrêter de penser à ce qu'il pouvait se passer dans ce maudit bloc, mais il n'y parvint pas. C'était plus fort que lui. Des pas s'approchaient, mais il continuait de faire les cent pas, tournant résolument le dos au nouveau venu pour cacher ses larmes silencieuses...
Elle avait tout quitté lorsqu'elle reçut le message de Myriam qui lui expliquait la situation avec Kim. Et machinalement, elle resserra la veste qu'elle s'était drappée sur les épaules, comme si elle était soudainement glacée. Au fond, elle savait parfaitement que l'inquiétude commençait doucement à pulser dans ses veines. Elle ne tarda pas à être au niveau de la clinique, et son regard se posa sur une silhouette plus que familière. Elle s'approcha de lui, demandant rapidement d'une voix assez émotive.
Y - Ils ont commencé l'opération ?
C'est avec un étonnement certain que le coréen se retourna pour faire face à Yen en entendant sa voix. Mais il gardait les yeux baigné de larmes. Il se contenta de hocher de la tête au départ avant de prendre la parole d'une voix rauque et brisé par l'émotion.
K - Oui... Mais je suis incapable de dire depuis quand...
Il sorti un mouchoir de sa poche pour s'essuyer le visage, avant de demander timidement, levant son regard sombre sur Yen. Il essaya de reprendre une contenance mais c'était peine perdue, l'inquiétude était trop présente.
K - C'est Myriam qui t'as prévenu ?
Y - Oui...
Elle jeta un regard vers la clinique, comme si elle espérait voir apparaître Kim en parfaite santé. Une pensée illusoire, qui l'aidait à chasser ses sombres pensées plus réaliste.
Y - Il va s'en sortir, il est résistant notre Kim.
Bien que l'étalon était au coréen, il a su prendre une place importante dans le cœur de Yennefer. Il avait été un pilier lors de la présumée mort de Kwaïgon. Le coréen hocha de la tête, sentant son menton trembler d'émotion. Il eut un moment d'hésitation avant de finalement doucement s'approcher d'elle, n'osant pas, pourtant, la prendre véritablement dans ses bras. Il se contenta de poser le front sur son épaule en passant une main délicate, hésitante, dans son dos, l'autre poing farouchement refermé sur son mouchoir, à s'en blanchir les articulations... Elle se tourna au bout d'un moment, venant d'elle-même dans ses bras.
Y - Siobhan est un bon vétérinaire, puis ses collègues aussi... On a une super clinique aussi.
Encore une fois, le coréen hocha doucement la tête, incapable de prononcer un mot. Il referma sa prise sur Yennefer cependant, s'abandonnant un peu plus à l'étreinte, tout en faisant au mieux pour retenir ses larmes... Mais le temps passait et Siobhan ne revenait toujours pas, et l'inquiétude se faisait tout de même grandissante...
Siobhan apparu finalement à l'entrée du centre de soins. Il ne portait plus sa blouse de bloc et semblait légèrement éreinté. Il ne tarda pas à s'approcher du couple et leur sourit tout de suite, se voulant rassurant. Avant qu'ils ne puissent prendre la parole, il leur exposa la situation avec chaleur.
S - C'était bel et bien une torsion et on l'a prise à temps. Kim s'est réveillé de l'anesthésie avec quelques difficultés mais pas de bobos à déploré au réveil, qui peut être un peu brutal parfois. Il est un peu léthargique mais tout va bien. Il va rester en soins ici pendant un mois avant de pouvoir rejoindre à nouveau les prés des retraités...
Le soulagement se lut tout de suite sur le visage du coréen, mais une fraction de seconde seulement. Il porta instinctivement les paumes à ses yeux et se retourna, étouffant un sanglot entre ses mains. Siobhan le regarda faire un instant avant de reporter son attention sur Yen, souriant, patient, attendant de voir si elle avait des questions... Ou pas.
Y - On peut aller le voir ou il est préférable d'attendre qu'il soit totalement réveillé ?
Même si c'était juste pour lui faire une petite caresse, elle se sentirait rassurée de le voir pleinement debout. Elle rajouta rapidement, tout en posant tendrement une main sur le bras du coréen.
Y - Merci beaucoup pour l'opération.
S - Pas de soucis... Vous pouvez aller le voir. Il est toujours dans le box de réveil mais il est debout. Il va passer la nuit là et on le déplacera demain matin dans la zone de soins, dans un box sur copeaux. Dean le re-ferrera d'ici une semaine quand il aura récupéré. Si vous avez des questions, je reste dans le bureau...
Il leur sourit, jetant un dernier regard à Kwaïgon qui s'était lentement retourner, visiblement encore un peu sous le choc de ses émotions, et s'éclipsa. Instinctivement, le coréen prit doucement la main de Yen, l'entraînant à la suite de Siobhan à l'intérieur du centre de soins, mais bifurquant vite vers le box capitonné de vert dans lequel était Kim. La porte était ouverte, l'entrée était simplement marquée par une chaîne gainé de mousse, mais Kim n'aurait certainement pas idée de partir, au vu de son état actuel. Il était debout, mais semblait fragile et fatigué, la tête un peu basse. Un bandage autour de son encolure maintenait la perfusion, relié au plafond par un long tube étirable et il portait une couverture polaire. En les voyant arriver cependant, il releva un peu le nez, ronflant sans bruit ; ses naseaux avaient frémit mais aucun son n'en était sorti. Il ne bougea pas, restant à sa place et les laissant venir, n'ayant clairement pas la force et la volonté de faire un pas en avant pour l'instant. Le coréen serra un peu la main de Yen avant de la lâcher, s'approchant du cheval avec précautions et venant doucement lui caresser le chanfrein. L'étalon eut un soupir las et posa doucement le chanfrein sur le torse de son cavalier, somnolant sans bruit, profitant seulement du contact.
Yennefer s'approcha de l'encolure, caressant les zones où le pansement n'était pas présent. Le soulagement s'était illuminé dans son regard, malgré l'inquiétude toujours un peu présente. Elle serait pleinement sereine lorsqu'elle pourra l'admirer dans son paddock après sa convalescence terminée.
Y - Tu as intérêt à rester parmi nous encore de longues années... Tu es vraiment un cheval incroyable...
Le coréen acquiesça, simplement. Les mains caressant les joues de l'étalon, les yeux fermés, le nez au contact de son toupet. Les oreilles de l'isabelle lui chatouillait le visage, mais qu'importe. Il resta de longues secondes ainsi, calmant son rythme cardiaque qui avait fait de sacrés envolées et dénouant sa gorge. Il fini par se redresser pour chercher le regard de Yen, prenant la parole d'un murmure rauque.
K - Je sais qu'il y a une équipe de garde mais... Je pense que je vais rester ici, cette nuit... Je reviendrais après le dîner...
Il serait plus rassuré s'il pouvait veiller l'étalon, il le savait. Tout comme il avait veillé chaque nuit de potentielle mise bas... Là, se serait différent, c'était la vie de Kim qui ne tenait pas à grand chose mais il voulait quand même prendre ce temps là... L'inquiétude restait présente, bien qu'elle s'était un peu atténuée maintenant...
Y - Je comprends oui.
Elle aurait probablement la même réaction s'il arrivait la même chose à Jaskier ou à Hatsu. Elle s'approcha pour déposer un chaste baiser sur ses lèvres, un geste devenu rare depuis le froid qui s'était installé entre eux. Mais à cet instant, elle avait ressenti l'envie de lui témoigner son soutien, mais aussi son affection. Elle reposa son regard sur Kim, lui offrant une dernière caresse avant de quitter le box. Le coréen resta longtemps dans le box de l'isabelle, jusqu'à ce que la tête de Siobhan ne réapparaisse dans l'encadrement de la porte à vrai dire ; pour lui signaler que l'heure du dîner approchait. Kwaïgon laissa Kim, qui s'était endormi debout entre temps. Il signala à Siobhan qu'il reviendrait plus tard et resterait avec Kim. Il sentit bien au pincement de lèvre du vétérinaire qu'il n'était pas vraiment fan de cette idée mais il savait aussi qu'il ne l'en empêcherait pas...
C'est avec un drôle de sentiment qu'il rejoignit l'appartement. La journée avait été riche, un peu trop peut-être, et également un peu trop longue. Elle avait pourtant bien commencé, dans une bulle de calme et de douceur bienvenue dans ces temps troubler. Puis elle avait doucement tournée au cauchemar. Il ne retenait même pas le virement qu'il avait fait à Liam, même s'il savait que l'éleveur reviendrait tôt ou tard sur le sujet. Il ignorait comment il aurait réagit si Kim n'avait pas réchapper de l'opération -même si au fond, il savait qu'il n'était pas encore complètement sorti d'affaire- mais une chose était certaine : pas très bien. Cependant, le soulagement de cette fin d'opération et le contact de Yennefer, devenu rare depuis des semaines, lui donnait un sentiment d'espoir. Peut-être qu'il se leurrait, qu'une fois Kim à nouveau sur pied, tout redeviendrait comme avant ces quelques instants ? Il voulait croire que non, mais il ne pouvait pas en être sûr...
Quand il passa la porte, il eut à peine le temps d'enlever ses chaussures que Io lui avait déjà sauté dans les bras. Elle avait grandi... Et prit l'habitude de sauter pour s'accrocher à lui, en toute confiance, restant persuadé qu'il la rattraperait quoi qu'il arrive. Elle avait raison. Il referma ses bras autour d'elle, la remontant un peu -elle ne sautait pas assez haut pour s'accrocher directement à son cou- et la rassura en quelques mots de sa voix rauque permanente. Sora également avait grandi, lui arrivant à la taille facilement. Il rattraperait sa soeur dans un temps qui n'était plus si loin que cela maintenant... Il avait reprit un peu de son comportement habituel mais le froid entre ses parents continuait de l'atteindre et de l'inquiéter, même s'il ne posait pas de questions. Le coréen fini par lâcher Io, pour aller s'attaquer à la préparation du repas, essayant de laisser derrière lui son inquiétude pour Kim, afin d'avoir avec les enfants un comportement plus enthousiaste, mais ce n'était pas un exercice facile. Pas aujourd'hui. Trop de choses bouillonnaient dans son esprit. Io lui montra cependant les dessins qu'elle avait fait le matin même, dans le manège, pour se rendre compte qu'elle l'avait prit pour modèle, avec Gandalf. Elle commençait à avoir un très bon coup de crayon, réaliste... Les cours de dessin commençaient à porter leurs fruits... Il profita d'un moment où les enfants avaient filé dans leurs chambres pour s'approcher de Yen, surveillant la fin de cuisson de son plat. Il avait le nez rouge et les yeux encore bouffis mais il avait une expression un peu plus neutre...
K - Tu as vu les dessins qu'à fait Io ce matin ?
Il avait demandé d'un ton calme, un peu curieux, mais avec les pincettes qu'il prenait tout le temps quand il s'adressait à elle depuis quelques semaines... Yennefer posa son regard sur le coréen, délaissant le mail qu'elle tentait d'écrire.
Y - Oui, elle m'a montré ça. Saskia est très fière du niveau qu'elle a atteint, elle pense même demander à une connaissance de poursuivre ses cours en complément. Mais cela se ferait à visioconférence.
Elle lança un regard à l'écran de son ordinateur avant de finalement le fermer, elle terminerait demain.
Y - Vous êtes partie à quel heure ce matin ?
K - Vers quatre heures et demi... Elle était dans le salon en train de dessiner quand j'ai voulu y aller.
Il avait répondu un peu machinalement. Il n'avait pas demandé à la jeune fille depuis combien de temps elle était debout, mais il n'avait pas été étonné de la retrouver endormie au moment de rentré au Haras, et elle avait ensuite eut le temps de dormir un peu avant le véritable réveil pour l'école.
K - Si elle veut continuer dans cette voie, peut-être que dans quelques années il faudra envisager de l'envoyer à New York ou à Paris pour qu'elle puisse poursuivre ses études... Ça arrivera plus vite qu'on ne le pense... Il faudra se renseigner sur les écoles supérieures et ce qu'elles proposent...
Lui trouver un logement ne serait pas un problème non plus, mais il ne le précisa pas, c'était presque logique désormais. En revanche, le plus dur serait sans doute de la laisser y aller seule, ou de faire le choix de l'accompagner, mais cela signifiait sans doute quitter le Haras... Et chambouler les habitudes de Sora, qui serait encore loin de ces questions là...
Y - Oui...
Elle marqua une pause, où des souvenirs envahissaient ses pensées un court instant. Elle ne pouvait qu'approuver ses paroles, leurs enfants grandissaient bien trop rapidement à son goût. Même si d'un côté, elle était fière d'eux, des progrès que chacun faisait de jours en jours.
Y - On va devoir commencer à se renseigner, car je pense qu'elle veut continuer dans cette voie-là. Elle est très investie, cela lui plaît. Saskia dit qu'elle y met toujours autant de passion.
Elle était heureuse pour sa fille, ce n'était pas toujours facile de trouver sa voie. Et en tous cas, elle comptait bien la soutenir jusqu'au bout de ses projets et envies.
Y - Elle a toujours été très autonome, je ne serais pas surprise qu'elle soit contente de partir faire ses études ailleurs. C'est pour nous que cela risque d'être difficile...
Il esquissa un bref sourire à la dernière remarque de Yen. A la fois amusé mais ne pouvant également réprimé une certaine vague de chaleur. Il n'en dit rien à Yennefer pourtant et acquiesça doucement.
K - Elle ne pourra pas continuer au Haras de toute façon... Elle ne pourra pas toujours être en visioconférence... Pour l'instant c'est suffisant mais ça ne le sera vite plus.
Il pinça les lèvres, avant de doucement retourner jusqu'à la cuisine pour remuer une dernière fois le contenu de ses poêles et casseroles avant d'éteindre le feu. C'était prêt, mais il n'appela pas les enfants pour autant. Il se retourna et s'appuya contre le comptoir de la cuisine pour faire face à Yen croisant les bras sur son torse.
K - Je connais du monde à New York et Paris qui pourraient garder un oeil sur elle si elle décide d'aller là-bas... Et Tokyo bien évidemment, où il y a toujours Misako... Ça m'étonnerait qu'elle ne veuille pas prendre sa petite fille avec elle si Io décidait d'aller étudier à Tokyo !
A nouveau, il esquissa un sourire du coin des lèvres, amusé à cette idée. Cependant, son demi sourire se terni assez vite quand un autre genre d'idée lui vint à l'esprit. Et c'est avec une certaine détresse qu'il releva les yeux vers Yen en poursuivant.
K - Mais c'est aussi l'époque des premiers petits copains et tout ce qui... va avec...
Sa voix s'était quelque peu éteinte en fin de phrase, son regard se faisant un peu plus vague alors que son imagination s'envolait... Un éclat de rire s'échappa des lèvres de Yennefer, et elle eut beaucoup de mal à se calmer, sentant même des larmes qui glissait sur ses joues en conséquence à son fou rire.
Y - Pourquoi je sens que la personne chargée à veiller sur notre fille devra aussi veiller à sa vertu ?
Le coréen sentit le rouge lui monter aux joues et il décroisa les bras pour les poser sur le comptoir, de chaque côté de lui, avant de baisser les yeux, un peu honteux.
K - Bah... C'est euhm... Enfin je sais bien que... Je...
Il prit une grande inspiration et essaya de reprendre une contenance, mais avec ses joues colorés, c'était peine perdu...
K - Je crois que je ne préfère pas imaginer... souffla-t-il en quelques mots rapides.
Un sourire était toujours affiché sur les lèvres de la polonaise, ce n'était pas un mythe que les pères ont toujours du mal à accepter que leur fille puisse grandir intimement.
Y - Tu sais, Io a un caractère bien trempée. Je ne doute pas sur sa capacité à renvoyer chier les mecs irrespectueux qu'elle pourrait croiser.
Peut-être que si leur fille avait un caractère plus doux, Yennefer pourrait s'inquiéter des éventuelles adolescents qu'elle pourrait rencontrer dans sa vie. Il hocha la tête face à cette vérité, bien que dans sa tête, il se passait tout les moyens d'auto défense qu'il connaissait, allant de bombe au poivre aux cours de self défense, en passant par le garde du corps permanent...
Y - Tu penses la même chose pour Sora ? Demanda-t-elle amusée.
La question eut le don de couper un peu le court de ses pensées inquiétantes et il mit quelques secondes à répondre, haussant un peu des épaules, le rouge commençant doucement à délaisser ses joues.
K - Et bien... Non en fait... Il est plus petit... On est encore loin de ce genre de questions avec lui et... Et c'est pas pareil, j'avoue... C'est un garçon... Alors...
Il haussa des épaules une nouvelle fois, indécis, avant de finalement retourner la question à Yennefer, plus ou moins.
K - Ça ne t'inquiète pas toi ? Qu'est-ce que tu en penses ?
Y - Je te mentirais si je dis que cela ne m’inquiète pas, mais connaissant notre fille et son caractère je lui fais totalement confiance. Elle sait qu'elle peut nous appeler à l'aide au moindre soucis. Et je sais qu'elle est très débrouillarde.
Elle marqua une pause avant de rajouter avec une pointe d'humour.
Y - Mais il est vrai que si elle a hérité du karma de son père, je vais peut-être l'enfermer elle aussi dans une chambre capitonnée !
Le coréen sourit, avec un certain amusement cette fois, avant de répondre, faussement sérieux -bien que...
K - On lui achètera quand même une bombe au poivre... Au cas où...
Y - Bien sûr, dit-elle en souriant.
Il se redressa, terminant d'assembler ses différents composants dans un plat unique avant de le déposer sur la table dressée avec les couverts de service. Mais il n'appela pas encore les enfants. Il voulait prendre encore quelques secondes. Il s'approcha doucement de Yen, déposant un baiser rapide au coin de ses lèvres, murmurant doucement, véritablement reconnaissant.
K - Merci pour tout à l'heure...
Y - De rien...
Il s'éloigna aussitôt, allant directement vers les chambres des enfants pour leur signaler que le repas était prêt... Sora n'en serait que ravi, il en était persuadé... Yennefer le suivit un instant du regard avant de s’intéresser au repas avec une certaine curiosité. Malgré la journée, et l'inquiétude que celle-ci engendra, elle avait faim. Et elle savait d'avance qu'un plat préparé par le coréen était toujours un délice à savourer.