Chapitre 02
Episode 11
Mise au point ;
Véto — Je crois que ça va être bon maintenant. On tente une sortie en paddock ?
Le jeune homme sourit, ravi, bien qu'avec une certaine appréhension. Cela faisait deux semaines qu'Arès était enfermé dans un box d'isolation. Sa première sortie risquait d'être assez mouvementé, et avec la neige au dehors, il risquait de se blesser à nouveau. Mais si le vétérinaire lui-même le proposait, alors il n'y avait pas de raison.
Walig — Allons-y !
Il entra dans le box avec une longe de travail et s'approcha avec précaution du pie. Arès ne se laissait toujours pas faire avec douceur. Ses gestes étaient toujours brusques et même si Izikel était assez leste pour éviter ses coups de sabots, il se faisait encore régulièrement pincer. Il tendit la longe au cheval, mais celui-ci ne réagit pas. Il restait au fond du box, avec les oreilles dans les crins. Le jeune homme venait de le voir mais cela n'empêchait pas le cheval de l'accueillir en menaçant. Mais malgré ses babines retroussées et ses oreilles en arrière, il ne fit pas un geste. Izikel s'approcha donc doucement et clipsa avec lenteur la longe dans les anneaux du licol éthologique qu'il portait tout le temps. Il se recula ensuite, laissant filer le flot de la longe et sortit du box devant le pie. Il l'encouragea ensuite à le suivre, prêt à le renvoyer dans le box s'il se précipitait dehors.
Walig — Arès, aller, viens...
Le warmblood leva la tête en signe de défense mais aussitôt la longe se tendit, exerçant une pression sur sa nuque et son chanfrein. Il baissa automatiquement la tête et fit un pas en avant. Le jeune homme le félicita aussitôt avant que le cheval ne fasse quelques pas de plus avec hésitation. Il sortit doucement du box mais fit un petit bond dans l'allée pour passer les postérieurs. Le vétérinaire se décala aussitôt alors qu'Izikel tendait de nouveau la longe pour le stopper.
Walig — Wooow... Oooh là... Doucement...
Arès planta ses quatre fers dans le sol un peu caoutchouteux de l'allée et ronfla des naseaux, les oreilles toujours plaquées en arrière. Il fouilla de la queue. En douceur, le jeune homme reprit la marche en avant, pas après pas, jusqu'à obtenir un pas normal et sans incident. Les approches durant les soins avaient beaucoup aidés le garçons à établir un lien avec l'étalon et ce dernier acceptait de marcher derrière Izikel sans faire trop de complications. Ce qui était déjà un bon point. Par ailleurs, une fois qu'il serait au paddock, le jeune homme doutait de pouvoir le récupérer sans une aide extérieure... Mais ça, se serait une autre histoire. Pour l'instant, le but était de rejoindre l'un des paddocks du Haras et c'est ce qu'ils firent. Arès leva la tête et pointa les oreilles en voyant le carré de liberté, mais se montra pas plus enthousiaste que cela. Il récupéra vite son air menaçant en regardant Izikel. Ils entrèrent tous deux dans le paddocks et le jeune homme fit faire demi tour au pie avant de le stopper. Il enleva avec délicatesse le crochet et se poussa pour laisser de la place au pie. Mais contre toute attente, le cheval resta planté là où son cavalier l'avait laisser. Le jeune homme fit un geste brusque du bras en sifflant et cette fois, le cheval partit. Il effectua un demi tour sur les postérieurs avant de prendre le galop jusqu'au fond du paddock. Le jeune homme le regarda un instant avant de soupirer et sortir pour fermer la porte.
Véto — Je pense que ça ira. S'il ne se fait pas un claquage dans les cinq minutes, il pourra passer la journée là.
Walig — D'accord. On le rentre pour la nuit ?
Véto — Je préférerais oui. Venez vers six heure et on tentera. Si vraiment au bout d'une demi heure on ne l'attrape pas, il passera la nuit dehors. Peut-être qu'au matin il comprendra qu'il aurait dû rentrer !
Walig — Ok, pas de soucis.
Le vétérinaire le salua en souriant avant de retourner au centre de soins. Il avait encore pas mal de choses à faire. Izikel resta devant le paddock, acceptant désormais sans broncher les derniers flocons qui tombaient sur le Haras. Heureusement que la tempête se calmait désormais... Il le voyait bien de toute façon ; C'est comme si le Haras tout entier poussait un soupir de soulagement. Il soupira lui aussi quand son téléphone vibra dans sa poche. Il le sortie et vit « Liam » sur l'écran. C'est la seconde fois qu'il filtrait l'appel. Mais au vu de l'insistance du garçon, il était peut-être temps d'y répondre. Il pressa le coin d'écran tactile sur le téléphone vert et porta le smartphone à son oreille...
Walig — C'est bon j'arrive...
Le feu crépitait dans la cheminée. L'air chaud lui donnant cette impression de ronflement quand il s'échappait par la trappe qui menait au conduit. Izikel était assit dans un fauteuil face à la cheminée. Il avait abandonné son manteau à l'entrée du salon et n'avait gardé que son écharpe qui gisait à côté de lui sur l'accoudoir. Il portait un de ces pull noir favori, avec un col v. Ses cheveux, négligemment repoussé sur le côté, gardaient leur forme avec sagesse. La bouche appuyée contre ses doigts, le coude sur l'accoudoir droit, il gardait ses yeux clairs fixés sur le feu, l'air pensif. L'autre main négligemment posée sur l'autre accoudoir, les jambes, dans leurs jean bleu, étendues devant lui. Ses après ski s'égouttaient sur la moquette bleu nuit sans un bruit.
Dans son dos, la porte du salon s'ouvrit. Il entendit le pas colérique de Louna alors qu'elle traversait la pièce rapidement, et celui, tendu, de Liam qui suivait plus doucement. Louna se laissa rageusement tomber sur le canapé deux places de droite, dardant sur Walig un regard empli de colère. Elle ne quitta pas son manteau, se contentant simplement d'enlever son écharpe en laine rouge. Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval et elle portait encore son pantalon d'équitation gris, avec son ensemble de boot-chaps noir. Elle planta les mains dans les poches de son manteau sombre et tapota rageusement du pied, son regard coulant entre Liam et Izikel -qui n'avait pas esquisser le moindre mouvement.
Le trentenaire lui, arriva à pas mesuré. Il avait prit le temps d'enlever son manteau noir et de le pendre à un porte manteau. Il avait aussi enlevé son écharpe grise et ses gants rouge, pour les laisser avec le manteau. Il portait un pull bleu ciel qui lui allait parfaitement au teint. Il portait également un jean sous des chaps de cow-boy brune. Il avait les traits tirés et semblait fatigué. Sans doute que leurs comportement respectifs lui avait fait passé quelques nuits blanches... Lui qui tenait tant à ce que tout soit parfait... Il soupira en les regardant tour à tour, restant debout devant le canapé identique à celui de Louna, de l'autre côté de la table basse de bois et finalement, il prit place, s'asseyant au bord, les coudes sur les genoux et les doigts croisés devant lui.
À cette heure-ci, ils avaient le salon que pour eux. La plupart des élèves terminaient leurs séances du matin ou se dirigeaient tranquillement vers la salle à manger pour le premier service du midi. Seul un homme, assit dans un coin face à un journal, avec un casque sur les oreilles, occupait le salon avec eux. Il n'y avait donc que le feu pour venir perturber le lourd silence qu'il y avait entre eux. Louna ouvrit la bouche comme pour parler, mais elle se ravisa et ne dit plus rien, jouant finalement avec ses doigts, le regard baissé vers eux. C'est Liam qui, enfin, prit la parole avec cet air grave qu'on ne lui voyait presque jamais. Il était souvent sérieux, mais jamais autant.
Liam — Bon... Comme vous l'avez tous les deux comprit, on est là pour parler. Et comme je sais que la chose est un peu délicate, c'est oi qui vais prendre la parole le premier. Je vais vous dire ce que nous, les autres membres de l'équipe, en pensons...
Il laissa un léger temps d'arrêt, les regardant tour à tour. Izikel avait enfin tourné le regard vers lui et semblait attentif. En tout cas, il respirait le calme et le sang-froid, plus que les deux autres. Louna gardait le regard fixe sur ses doigts, sans rien dire mais se contenant avec difficulté.
Liam — Vous avez tous les deux jeté un froid dans l'équipe. Même si certains semblent s'en ficher, la situation touche tout le monde. Mais, ce qui nous a le plus choqué dans vos comportements respectifs, c'est le tien Louna.
La demoiselle releva vivement les yeux pour rétorqué quelque chose mais Liam l'en empêcha d'un geste ferme et sévère.
Liam — Tu savais, et tu sais, comme nous tous, le feeling qu'à Izikel avec les chevaux. Tu sais aussi qu'il est, avec Logan et de loin, le plus expérimenté de nous tous. Il a tout de même passé toute sa vie ou presque avec des chevaux et il les comprend mieux que personne. Tu sais que s'il décide de ne pas faire ce qu'on lui demande pendant une séance, ce n'est pas par pure fantaisie ou désir de rébellion. Bien au contraire. C'est par sagesse et attention... L'excuse de Priam était donc de loin la plus mauvaise et la plus déplacée qui soit à faire à Izikel.
Le regard du jeune moniteur s'éclaira un peu. Il avait rarement autant de compliments d'un coup et surtout de la bouche de Liam. Entendre ce que l'éleveur pensait réellement de lui faisait chaud au coeur et il en eu un élan d'affection pour le trentenaire. Mais il se contint, restant dans la même position, et faisant preuve d'un sang froid sans pareil.
Liam — Que tu ai un différent avec Izikel, je veux bien le croire. Mais utilisé un cheval comme excuse pour lui jeter à la figure, c'est un peu trop. J'avoue, et je ne suis pas le seul, ne pas comprendre ce qui motive tes sentiments envers Izikel. Je ne vois vraiment pas ce qu'il a fait de travers ces derniers temps. Si tu as un problème en dehors de l'équipe et que tu veux en parler, tu peux, mais ne prends pas, s'il te plaît, un membre de l'équipe comme souffre-douleur.
De nouveau il laissa quelques secondes de pause pour laisser le temps à tout monde de tout assimiler. Izikel s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, croisant ses mains devant lui, les coudes en appui sur les accoudoirs. Voyant que personne ne se décidait à prendre sa suite, Liam reprit la parole.
Liam — Izikel, tu souhaites donner tes impressions ?
Le jeune homme releva les yeux avant de tout doucement hocher de la tête. Il inspira profondément, cherchant ses mots avant de se lancer.
Walig — Je... Euh... En fait... Je ne comprends pas non plus pourquoi tu t'acharne sur moi Louna. Tu as l'air bien contente et tu es toute mielleuse quand je suis dispo pour travailler tes chevaux ou devant les autres, mais dès qu'il n'y a plus personne tu es impossible avec moi... Je ne comprends pas, je ne sais même pas ce que je t'ai fait et j'avoue que j'aimerais bien savoir. Cette situation me pèse tout autant que pour les autres, si ce n'est plus.
De nouveau, le silence retomba, lourd. Louna avait les joue rouge mais fixait ses doigts avec obstination. Elle avait cessé de tapoter du pied frénétiquement et semblait ne plus vouloir ouvrir la bouche. Liam les regardait sagement, maintenant qu'il avait lancé la chose, il attendait simplement.
Walig — Si... Si tu as quelque chose contre moi, dis le tout de suite. Je pourrais peut-être même le changer... Mais ne me laisse pas dans l'ignorance comme ça.
À son tour, Louna releva les yeux vers eux. Ils étaient humides, et les larmes se devinaient au coin de ses yeux, mais aucune ne coula le long de ses joues. Elle détourna le regard pour fixer le feu, le temps de reprendre un souffle correct et une voix claire, pas brisée par les sanglots qui s'agglutinaient au fond de sa gorge. Puis enfin, elle parla. Doucement, mais avec calme et constance.
Louna — Je n'ai rien contre toi Izikel. Je suis juste... Fatiguée et stressée. J'ai longtemps eu des doutes sur tes sentiments envers moi mais... J'ai fini par comprendre que tu avais tourné la page. C'est juste qu'il y a... Des choses étranges dans le Haras en ce moment et tu es une cible facile.
Elle haussa les épaules, comme honteuse.
Louna — Et puis cette tempête est insupportable, j'en peux plus de rester là enfermé, j'ai besoin d'un peu d'air... Je suis désolée, je ne voulais pas que les choses aillent aussi loin.
Elle pinça les lèvres et adressa un regard d'excuse à chacun. Au moins les choses étaient dites mais cette révélation de "choses étranges" fit froncé les sourcils de Liam.
Liam — Pourquoi tu ne nous as rien dit avant ? Et c'est quoi ces choses étranges ?
La demoiselle haussa des épaules. Izikel la regardait avec un peu plus de douceur bien qu'une pointe de tristesse. Il avait presque l'impression que quelque chose s'était brisé entre eux, sans qu'il ne sache vraiment quoi.
Louna — Je ne sais pas... Seulement de mauvais pressentiments et Caïpi qui grogne après des fantômes... Je pense que c'est la tempête qui tapait sur les nerfs de tout le monde...
Liam soupira en faisant une moue sévère. Il y avait quelque chose qui lui paraissait étrange. Il jeta un regard complice à Izikel qui approuva d'un hochement de tête. Mais pour l'instant, ils ne pouvaient pas faire grand chose. Ils se contenteraient d'attendre et d'observer.
Liam — Bon. On reprend Izikel dans l'équipe ?! Et tu le laisse remonter tes chevaux.
Louna — Oui bien sûr.
Izikel se redressa. Ils étaient bien mignons mais il n'avait toujours pas envie de revenir.
Walig — Sauf que je n'ai pas envie de revenir dans l'équipe. Pas pour l'instant. J'ai besoin d'un peu de temps. Après, si vous avez un jour besoin d'un coup de main avec un cheval, je viendrais, mais... Je ne veux pas être réintégré à l'équipe pour le moment.
Son ton était ferme et sans appel. Liam eut un bref hochement de tête. Louna baissa les yeux sur ses mains une fois de plus.
Liam — Bon... Je respecte ta décision.
Il soupira avant de se lever, glissant les mains dans ses poches.
Liam — On va déjeuner tous ensemble ? Tu ne vas quand même pas rester dans ton coin Walig ?
Cette fois, le jeune moniteur sourit en se levant à son tour.
Walig — Non quand même pas.
Liam tendit la main à Louna pour qu'elle se relève et doucement, ils prirent tous le chemin de la salle à manger. Les choses n'avaient pas encore reprit leur cours normal mais le poids sur leur épaules s'était au moins envolé. Maintenant, seul le temps pourrait guérir leurs blessures...
Halloween
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