Teardrop
Admin
Ep 08 | Une rageante impuissance - Mar 15 Déc 2020 - 14:00
L'ambiance était morose dans l'équipe. Les cris de désespoir d'Izikel leur avait à tous glacé le sang. Il avait ensuite disparu plus ou moins durant quelques jours et Liam avait eu l'occasion de leur raconter ce qu'il s'était passé. Cela avait fait un coup à tout le monde. Mais Myriam avait tenu à ce que personne n'approche Izikel mis à part elle, Ezra et Inna. L'éthologue n'était de toute façon pas en état de voir qui que ce soit... Depuis, ce n'était plus vraiment la même chose au sein de l'équipe. Même s'il était d'humeur morose depuis quelques mois, il bossait, il était là, il arrivait tout de même à les faire sourire. Il apportait quelque chose à l'équipe. Tout le monde s'inquiétait pour lui et le soutenait. C'était devenu une habitude. Il était omniprésent. Il apportait des solutions, les aidait plus qu'il ne le fallait. Son absence provoquait un vide dans le groupe. Physique de par sa non présence mais aussi moral. Désormais, quand ils pensaient à lui, tous étaient tristes. Et ils peinaient à retrouver le sourire, tous autant qu'ils étaient...
Lorsque le réveil sonna ce matin-là, Lou était déjà éveillée, ce qui était très rare. Jamais elle n'avait passé une si mauvaise nuit. Installée dans le fauteuil de bureau de Siobhan, enroulée dans un plaid tout doux, elle fixait les bois au-delà de la fenêtre. Elle entendit Siobhan se lever et s'approcher d'elle, enroulant ses bras autour de ses épaules.
« Hey... Qu'est-ce qu'il t'arrive ? »
Sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi un vague de colère monta en elle. Elle repoussa le vétérinaire et se leva, laissant derrière elle le plaid.
« Rien ça va. »
Pourquoi lui avait-il posé cette question ? Ne voyait-il pas ce qu'il se passait ? Ne voyait-il pas combien Walig allait mal ? Et combien cela comptait pour eux tous ? Le choc que cela avait fait à toute l'équipe ? Elle était en colère contre Siobhan. Il ne comprenait pas... Et tant qu'il ne comprendrait pas, elle aurait bien du mal à prendre sur elle. Pour elle, Izikel était plus qu'un ami. Il était presque un membre de sa famille. Il était un frère... Le voir aussi mal lui était insupportable. Elle entra dans la salle de bain comme un ouragan et fila sous la douche, sans attendre que l'eau ne chauffe, ignorant la morsure de la première eau glacée. Siobhan ne la rejoint pas, et quand elle ressorti, il n'était plus là. Cette constatation la mit plus en colère encore qu'elle ne l'était. Et c'est d'une humeur mitigée qu'elle descendit rejoindre les autres au petit déjeuner.
Il ne manquait pas grand monde à la table du petit déjeuner. Siobhan et Liam discutaient, debout en bout de table. A la droite de Liam se trouvait Ale. Il avait l'air soucieux lui aussi, le nez plongé dans sa tasse de café, la joue soutenue par son poing. En face de lui se trouvait Kwaïgon, concentré sur son téléphone, occupé à lire quelque chose. Ezra était à côté du coréen et leva les yeux vers la demoiselle quand elle entra. Dean, en face du métis discutait avec Neyla, assise à côté de lui. Myriam, Logan et Louna n'étaient pas là. La canadienne fit le tour de la table et s'avança vers Ezra sans aucune hésitation. Le jeune homme se leva instinctivement et prit la rouquine dans ses bras, brièvement. Quelques secondes mais ce fut juste le temps nécessaire à Lou pour reprendre ses esprits et retrouver son sang-froid. Ils s'installèrent l'un à côté de l'autre au moment où Siobhan les quittait. Liam reprit également sa place alors que Logan s'installait également. Ezra servit une tasse de café à la rouquine alors que Liam réclamait l'attention de tout le monde.
« Bonjour à ceux qui viennent d'arriver ! Je viens de mettre Siobhan au courant, Myriam et Louna le sont également donc... Je voudrais vous dire deux mots à propos de ce qu'il va se passer durant les prochains jours... Myriam, Walig et Kwaïgon vont partir quelques temps. Myriam et Walig iront chercher la petite à Great Falls alors que notre ami ici présent -il désigne Kwaïgon- aura la lourde tâche d'aller retrouver Naïg, la sœur de Moïra, pour lui annoncer la mauvaise nouvelle... »
Le coréen soupira et baissa les yeux sur son café. Il ne semblait pas ravi de cette tâche mais il ne faisait aucun doute qu'il s'était porté volontaire...
« Inutile de vous préciser que les semaines qui vont suivre vont être très difficile pour Walig... Il aura besoin de tout notre soutien et de toute notre aide. Il... Il ne connaît pas le rôle de père... Il n'en a jamais eu. Alors, j'aimerais que chacun d'entre vous fasse tout ce qui est en son pouvoir pour l'aider et le soutenir quand ils seront revenus... Je peux compter sur vous ? »
Une salve de « oui » lui répondit. Ils n'allaient pas abandonner Izikel. Ce n'était pas même concevable, pour aucun d'entre eux. Bien sûr qu'ils l'aideraient. Ce serait étrange sans doute. Il serait perdu au début. Mais ils seraient tous là pour lui... Le petit déjeuner se poursuivit ainsi dans un silence étrange, chacun étant plus ou moins plongé dans ses pensées. Oui... Les prochaines semaines allaient être dures...
L’humeur morose de la jeune femme ne la quitta pas de la matinée, rendant la séance de saut collective compliquée pour elle. Rocky Raspoutine avait été plus craintif que jamais face à son humeur massacrante. Pour le déjeuner, elle avait délaissé Siobhan et le reste du groupe pour rester un peu seule face à ses pensées. Au haras, il y avait pas mal d’endroit où l’on pouvait s’isoler. Elle ne voulait pas regagner sa chambre et croiser une de ses colocataires et encore moins retrouver la chambre de Siobhan pour l’y croiser. Elle avait donc décidé de flâner un peu entre les murs du pavillon nord, siège des pièces communes du Manoir. Elle savait que de temps à autre, les membres de l’équipe y passaient, souvent à la bibliothèque ou dans le salon, la cuisine et salle à manger ne comptant pas vraiment. Mais à cette heure de la journée, il y avait peu de chances qu’elle croise quelqu’un de la Team…
Elle avait prévenu Liam qu’elle ne participerait pas au cours e l’après-midi et avait simplement été prendre une douche dans la chambre d’Ezra et Inna. Emmitouflée dans un gilet en laine, plongée dans ses pensées elle se laissa porté jusqu’au salon. A première vue, il était vide. Plutôt satisfaite, la jeune femme s’approcha de la cheminée dans laquelle ronronnait un feu rassurant. Cette vision lui rappela sa famille et les hivers canadiens. Aussitôt, elle retrouva le sourire. Elle resta un instant immobile devant cette vision, fermant à demi les yeux, laissant cette sensation de chaleur apaisante l’envahir. Quand elle ouvrit les yeux elle se figea, une angoisse soudaine lui enserrant le cœur. Izikel, assit en travers du canapé, la fixait. L’éthologue était pâle, le regard cerné et rougie. Ils se regardèrent un instant sans rien dire et la jeune femme se sentit rougir. Toute sa colère retomba d’un coup. Elle se sentait complètement démunie. Le discours de Liam du matin même lui parut tout à coup bien dérisoire. Comment faisait-il pour trouver les mots justes et le soutenir ? Tant qu’elle ne voyait pas Izikel, elle se sentait capable de tout cela, solide comme un roc. Mais maintenant qu’elle voyait la douleur sur son visage, toute sa détermination s’envolait. Ne voyant qu’aucune réaction de sa part ne venait, elle finit par ouvrir la bouche et balbutier.
« Je… Je suis désolée je… Je ne pensais pas… »
« Me trouver là ? »
La jeune femme se contenta d’acquiescer. Il avait la voix enrouée, pas comme d’habitude, ce qui troubla d’autant plus la demoiselle. L’éthologue soupira et s’assit plus convenablement sur le canapé.
« Ne me regardes pas comme ça s’il te plait, j’ai l’impression que je te fais pitié… »
« Ce n’est pas du tout ça ! »
« Je sais… »
Il se frotta doucement les yeux et laissa Lou approcher. Elle prit place à côté de lui, tout en délicatesse.
« Comment tu te sens ? »
« Mal Lou. Mais je ne veux pas en parler. »
Encore une fois, la jeune femme se retrouva sans voix face à la franchise et au ton abrupte de l’irlandais. De nouveau, c’est lui qui désamorça la situation alors que ça devrait être tout le contraire.
« Bon, dis-moi, comment s’est passé le ferrage de Viking ? »
La jeune femme se retrouva complètement abasourdie. Avec sa matinée exécrable elle avait complètement oublié ce rendez-vous avec Dean.
« Je… J’ai oublié… »
Izikel soupira et replongea le visage dans ses paumes. C’était étrange aussi de le voir habillé en « civil ». Un pantalon rouge, type jean, un pull-gilet gri chiné sur une chemise rouge-rosé et une paire de tennis toute simple grise. C’était de bon goût et Lou le redécouvrait un peu de cette façon-là. Finalement il tourna la tête pour regarder la jeune femme et se leva, lui tendant la main.
« Aller viens. Dean est au centre de soin aujourd’hui, on va lui amener ton tacheté. »
Elle prit sa main avec délicatesse et se laissa entraîner par l’éthologue, un peu agacé intérieurement par sa faiblesse. Cela aurait dû être le contraire : elle qui l’entraîne lui par la main… Mais elle en était incapable. Le jeune homme alla directement à l’allée des chevaux de mission, sans lâcher la main de la demoiselle, en prenant quelques chemins de traverses, pour éviter de croiser d’autres membres de l’équipe sans doute. Il ne lâcha la main de la rouquine qu’une fois devant le box de l’étalon et entra sans attendre, lui enfilant son licol. Lou le laissa faire. Viking était un cheval un peu turbulent en main et elle avait un peu de mal à se faire respecter du bicolore aux yeux clairs. Mais Izikel lui, n’avait aucun mal à cela !
Ils sortirent de l’écurie et Lou glissa sa main dans la main libre de l’éthologue, qui ne broncha pas, serrant même un instant la main de la jeune femme avant de se relâcher doucement. Il inspira profondément, comme quelqu’un qui réprime un sanglot soudain et poursuivit son chemin comme si de rien était, la tête haute, le dos droit, gardant Viking à hauteur d’une main ferme. Ils restèrent silencieux jusqu’au centre de soins. L’éthologue contourna le bâtiment, remettant régulièrement Viking aux ordres sur le trajet et ils entrèrent dans l’aire du maréchal. Il n’y avait aucun cheval : l’irlandais attacha donc Viking dans l’allée, des deux côtés de la tête. Il avait tendance à être un peu remuant et le jeune homme voulait éviter au maximum les débordements. Il terminait d’attacher le bicolore quand Dean entra dans l’allée, un gobelet de café à la main. Aussitôt qu’il les vit, l’américain sourit.
« Hey ! J’ai cru que t’allais reporter Lou ! C’est cool que tu sois venu aussi Walig ! Alors ce loustic, il a besoin de quoi ? »
« Ferrure toute neuve je pense ! C’est ça Lou ? »
La rouquine acquiesça, retrouvant peu à peu ses esprits. Elle leur adressa un fin sourire et se mit un peu en retrait, observant Dean se mettre au travail et Izikel se placer à la tête de Viking pour le remettre en ordre su besoin. Le pie était plutôt turbulent à l’attache alors autant prévenir toute tentative de lutte de sa part… Dean reprit la conversation comme si de rien était, parlant à Izikel d’un autre cheval de mission, Crazy Boy. Dean s’occupait de lui conjointement avec Siobhan et Izikel leur donnait un coup de main. Tout en parlant, Dean prit les pieds du bicolore et les cura avec attention mais rapidement, pour éviter au cheval de garder le pied en l’air trop longtemps et de lui donner l’idée de faire une bêtise. Il para les quatre pieds à une rapidité surprenante mais avec un geste juste et précis. Il travailla ensuite les fers, gardant le silence après quelques échanges avec Izikel. D’ailleurs, les trois cavaliers gardèrent le silence. Viking s’agitait un peu, mais l’éthologue le reprenait en douceur, le rassurant autant que le remettant aux ordres. Lou observait le tout, en silence. Ce n’est qu’en arrivant au ferrage du dernier pied que le maréchal reprit la conversation, attaquant sur un sujet plus douloureux.
« Quand est-ce que vous partez alors ? »
L’éthologue se tendit un peu et serra brièvement la mâchoire, mais il répondit quand même, sans vraiment trahir ses émotions profondes.
« Ce soir. On a un vol à vingt-deux heures. Et Kwaïgon part demain matin très tôt mais il va passer la nuit sur Paris. »
« Ok. Et tu sais quand vous reviendrez ? »
« Non pas encore… Mais je ne pense pas qu’on reste longtemps à Great Falls. »
Le maréchal acquiesça l’air grave et posa son fer en silence. Izikel était perdu dans ses pensées quand Dean les libéra.
« Si on ne se revoit pas d’ici là : bon courage mon vieux… Et ne t’inquiète pas, tu feras un papa merveilleux ! »
Il lui offrit un grand sourire avec une accolade chaleureuse et Izikel ne put que sourire, même si son regard était brillant de larmes. Il le remercia à demi-mot et il emporta Viking à sa suite, avec Lou. Sur le chemin du retour aux écuries, le bicolore fut plus sage. Ses fers, pesant sur ses sabots rendaient ses pas plus hésitants et il était plus occupé à essayer de marcher convenablement que de faire des bêtises. Lou ne disait toujours pas un mot. Elle se laissait porter par le cavalier. Il mit le bicolore dans son box, lui enleva le licol pour sortir et referma la porte derrière lui, accrochant le licol au crochet près de la porte. Il se tourna ensuite vers Lou, essayant de lui sourire, mais elle voyait bien que l’envie n’y était pas vraiment.
« Et voilà ! Comme ça c’est fait… »
La jeune femme n’y tient plus et se pend au cou du cavalier, qui retient un sanglot à grand peine. Il lui rend tout de même son étreinte et ils restent un moment ainsi, dans les bras l’un de l’autre, devant le box du bicolore.
« Je suis désolée Walig… Tellement désolée… »
Le jeune homme passa une main dans le dos de la demoiselle, réconfortante. Quand il répondit, la jeune femme sentit bien qu’il avait la gorge nouée. Mais elle fut incapable de réagir.
« Ça va aller Lou. Ne t’inquiète pas. »
Il la serra dans ses bras un peu plus fort et la lâcha, s’esquivant pour quitter l’allée à grand pas. Lou le laissa s’en aller, incapable de bouger plus que cela. En colère contre elle-même d’être incapable de le réconforter plus que cela… Elle resta là un instant avant de regagner sa chambre. La colère avait amené une grande lassitude et elle ne voulait qu’une chose : s’étendre sur son lit. Ce qu’elle fit, le joues humides de larmes…
Lorsque le réveil sonna ce matin-là, Lou était déjà éveillée, ce qui était très rare. Jamais elle n'avait passé une si mauvaise nuit. Installée dans le fauteuil de bureau de Siobhan, enroulée dans un plaid tout doux, elle fixait les bois au-delà de la fenêtre. Elle entendit Siobhan se lever et s'approcher d'elle, enroulant ses bras autour de ses épaules.
« Hey... Qu'est-ce qu'il t'arrive ? »
Sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi un vague de colère monta en elle. Elle repoussa le vétérinaire et se leva, laissant derrière elle le plaid.
« Rien ça va. »
Pourquoi lui avait-il posé cette question ? Ne voyait-il pas ce qu'il se passait ? Ne voyait-il pas combien Walig allait mal ? Et combien cela comptait pour eux tous ? Le choc que cela avait fait à toute l'équipe ? Elle était en colère contre Siobhan. Il ne comprenait pas... Et tant qu'il ne comprendrait pas, elle aurait bien du mal à prendre sur elle. Pour elle, Izikel était plus qu'un ami. Il était presque un membre de sa famille. Il était un frère... Le voir aussi mal lui était insupportable. Elle entra dans la salle de bain comme un ouragan et fila sous la douche, sans attendre que l'eau ne chauffe, ignorant la morsure de la première eau glacée. Siobhan ne la rejoint pas, et quand elle ressorti, il n'était plus là. Cette constatation la mit plus en colère encore qu'elle ne l'était. Et c'est d'une humeur mitigée qu'elle descendit rejoindre les autres au petit déjeuner.
Il ne manquait pas grand monde à la table du petit déjeuner. Siobhan et Liam discutaient, debout en bout de table. A la droite de Liam se trouvait Ale. Il avait l'air soucieux lui aussi, le nez plongé dans sa tasse de café, la joue soutenue par son poing. En face de lui se trouvait Kwaïgon, concentré sur son téléphone, occupé à lire quelque chose. Ezra était à côté du coréen et leva les yeux vers la demoiselle quand elle entra. Dean, en face du métis discutait avec Neyla, assise à côté de lui. Myriam, Logan et Louna n'étaient pas là. La canadienne fit le tour de la table et s'avança vers Ezra sans aucune hésitation. Le jeune homme se leva instinctivement et prit la rouquine dans ses bras, brièvement. Quelques secondes mais ce fut juste le temps nécessaire à Lou pour reprendre ses esprits et retrouver son sang-froid. Ils s'installèrent l'un à côté de l'autre au moment où Siobhan les quittait. Liam reprit également sa place alors que Logan s'installait également. Ezra servit une tasse de café à la rouquine alors que Liam réclamait l'attention de tout le monde.
« Bonjour à ceux qui viennent d'arriver ! Je viens de mettre Siobhan au courant, Myriam et Louna le sont également donc... Je voudrais vous dire deux mots à propos de ce qu'il va se passer durant les prochains jours... Myriam, Walig et Kwaïgon vont partir quelques temps. Myriam et Walig iront chercher la petite à Great Falls alors que notre ami ici présent -il désigne Kwaïgon- aura la lourde tâche d'aller retrouver Naïg, la sœur de Moïra, pour lui annoncer la mauvaise nouvelle... »
Le coréen soupira et baissa les yeux sur son café. Il ne semblait pas ravi de cette tâche mais il ne faisait aucun doute qu'il s'était porté volontaire...
« Inutile de vous préciser que les semaines qui vont suivre vont être très difficile pour Walig... Il aura besoin de tout notre soutien et de toute notre aide. Il... Il ne connaît pas le rôle de père... Il n'en a jamais eu. Alors, j'aimerais que chacun d'entre vous fasse tout ce qui est en son pouvoir pour l'aider et le soutenir quand ils seront revenus... Je peux compter sur vous ? »
Une salve de « oui » lui répondit. Ils n'allaient pas abandonner Izikel. Ce n'était pas même concevable, pour aucun d'entre eux. Bien sûr qu'ils l'aideraient. Ce serait étrange sans doute. Il serait perdu au début. Mais ils seraient tous là pour lui... Le petit déjeuner se poursuivit ainsi dans un silence étrange, chacun étant plus ou moins plongé dans ses pensées. Oui... Les prochaines semaines allaient être dures...
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L’humeur morose de la jeune femme ne la quitta pas de la matinée, rendant la séance de saut collective compliquée pour elle. Rocky Raspoutine avait été plus craintif que jamais face à son humeur massacrante. Pour le déjeuner, elle avait délaissé Siobhan et le reste du groupe pour rester un peu seule face à ses pensées. Au haras, il y avait pas mal d’endroit où l’on pouvait s’isoler. Elle ne voulait pas regagner sa chambre et croiser une de ses colocataires et encore moins retrouver la chambre de Siobhan pour l’y croiser. Elle avait donc décidé de flâner un peu entre les murs du pavillon nord, siège des pièces communes du Manoir. Elle savait que de temps à autre, les membres de l’équipe y passaient, souvent à la bibliothèque ou dans le salon, la cuisine et salle à manger ne comptant pas vraiment. Mais à cette heure de la journée, il y avait peu de chances qu’elle croise quelqu’un de la Team…
Elle avait prévenu Liam qu’elle ne participerait pas au cours e l’après-midi et avait simplement été prendre une douche dans la chambre d’Ezra et Inna. Emmitouflée dans un gilet en laine, plongée dans ses pensées elle se laissa porté jusqu’au salon. A première vue, il était vide. Plutôt satisfaite, la jeune femme s’approcha de la cheminée dans laquelle ronronnait un feu rassurant. Cette vision lui rappela sa famille et les hivers canadiens. Aussitôt, elle retrouva le sourire. Elle resta un instant immobile devant cette vision, fermant à demi les yeux, laissant cette sensation de chaleur apaisante l’envahir. Quand elle ouvrit les yeux elle se figea, une angoisse soudaine lui enserrant le cœur. Izikel, assit en travers du canapé, la fixait. L’éthologue était pâle, le regard cerné et rougie. Ils se regardèrent un instant sans rien dire et la jeune femme se sentit rougir. Toute sa colère retomba d’un coup. Elle se sentait complètement démunie. Le discours de Liam du matin même lui parut tout à coup bien dérisoire. Comment faisait-il pour trouver les mots justes et le soutenir ? Tant qu’elle ne voyait pas Izikel, elle se sentait capable de tout cela, solide comme un roc. Mais maintenant qu’elle voyait la douleur sur son visage, toute sa détermination s’envolait. Ne voyant qu’aucune réaction de sa part ne venait, elle finit par ouvrir la bouche et balbutier.
« Je… Je suis désolée je… Je ne pensais pas… »
« Me trouver là ? »
La jeune femme se contenta d’acquiescer. Il avait la voix enrouée, pas comme d’habitude, ce qui troubla d’autant plus la demoiselle. L’éthologue soupira et s’assit plus convenablement sur le canapé.
« Ne me regardes pas comme ça s’il te plait, j’ai l’impression que je te fais pitié… »
« Ce n’est pas du tout ça ! »
« Je sais… »
Il se frotta doucement les yeux et laissa Lou approcher. Elle prit place à côté de lui, tout en délicatesse.
« Comment tu te sens ? »
« Mal Lou. Mais je ne veux pas en parler. »
Encore une fois, la jeune femme se retrouva sans voix face à la franchise et au ton abrupte de l’irlandais. De nouveau, c’est lui qui désamorça la situation alors que ça devrait être tout le contraire.
« Bon, dis-moi, comment s’est passé le ferrage de Viking ? »
La jeune femme se retrouva complètement abasourdie. Avec sa matinée exécrable elle avait complètement oublié ce rendez-vous avec Dean.
« Je… J’ai oublié… »
Izikel soupira et replongea le visage dans ses paumes. C’était étrange aussi de le voir habillé en « civil ». Un pantalon rouge, type jean, un pull-gilet gri chiné sur une chemise rouge-rosé et une paire de tennis toute simple grise. C’était de bon goût et Lou le redécouvrait un peu de cette façon-là. Finalement il tourna la tête pour regarder la jeune femme et se leva, lui tendant la main.
« Aller viens. Dean est au centre de soin aujourd’hui, on va lui amener ton tacheté. »
Elle prit sa main avec délicatesse et se laissa entraîner par l’éthologue, un peu agacé intérieurement par sa faiblesse. Cela aurait dû être le contraire : elle qui l’entraîne lui par la main… Mais elle en était incapable. Le jeune homme alla directement à l’allée des chevaux de mission, sans lâcher la main de la demoiselle, en prenant quelques chemins de traverses, pour éviter de croiser d’autres membres de l’équipe sans doute. Il ne lâcha la main de la rouquine qu’une fois devant le box de l’étalon et entra sans attendre, lui enfilant son licol. Lou le laissa faire. Viking était un cheval un peu turbulent en main et elle avait un peu de mal à se faire respecter du bicolore aux yeux clairs. Mais Izikel lui, n’avait aucun mal à cela !
Ils sortirent de l’écurie et Lou glissa sa main dans la main libre de l’éthologue, qui ne broncha pas, serrant même un instant la main de la jeune femme avant de se relâcher doucement. Il inspira profondément, comme quelqu’un qui réprime un sanglot soudain et poursuivit son chemin comme si de rien était, la tête haute, le dos droit, gardant Viking à hauteur d’une main ferme. Ils restèrent silencieux jusqu’au centre de soins. L’éthologue contourna le bâtiment, remettant régulièrement Viking aux ordres sur le trajet et ils entrèrent dans l’aire du maréchal. Il n’y avait aucun cheval : l’irlandais attacha donc Viking dans l’allée, des deux côtés de la tête. Il avait tendance à être un peu remuant et le jeune homme voulait éviter au maximum les débordements. Il terminait d’attacher le bicolore quand Dean entra dans l’allée, un gobelet de café à la main. Aussitôt qu’il les vit, l’américain sourit.
« Hey ! J’ai cru que t’allais reporter Lou ! C’est cool que tu sois venu aussi Walig ! Alors ce loustic, il a besoin de quoi ? »
« Ferrure toute neuve je pense ! C’est ça Lou ? »
La rouquine acquiesça, retrouvant peu à peu ses esprits. Elle leur adressa un fin sourire et se mit un peu en retrait, observant Dean se mettre au travail et Izikel se placer à la tête de Viking pour le remettre en ordre su besoin. Le pie était plutôt turbulent à l’attache alors autant prévenir toute tentative de lutte de sa part… Dean reprit la conversation comme si de rien était, parlant à Izikel d’un autre cheval de mission, Crazy Boy. Dean s’occupait de lui conjointement avec Siobhan et Izikel leur donnait un coup de main. Tout en parlant, Dean prit les pieds du bicolore et les cura avec attention mais rapidement, pour éviter au cheval de garder le pied en l’air trop longtemps et de lui donner l’idée de faire une bêtise. Il para les quatre pieds à une rapidité surprenante mais avec un geste juste et précis. Il travailla ensuite les fers, gardant le silence après quelques échanges avec Izikel. D’ailleurs, les trois cavaliers gardèrent le silence. Viking s’agitait un peu, mais l’éthologue le reprenait en douceur, le rassurant autant que le remettant aux ordres. Lou observait le tout, en silence. Ce n’est qu’en arrivant au ferrage du dernier pied que le maréchal reprit la conversation, attaquant sur un sujet plus douloureux.
« Quand est-ce que vous partez alors ? »
L’éthologue se tendit un peu et serra brièvement la mâchoire, mais il répondit quand même, sans vraiment trahir ses émotions profondes.
« Ce soir. On a un vol à vingt-deux heures. Et Kwaïgon part demain matin très tôt mais il va passer la nuit sur Paris. »
« Ok. Et tu sais quand vous reviendrez ? »
« Non pas encore… Mais je ne pense pas qu’on reste longtemps à Great Falls. »
Le maréchal acquiesça l’air grave et posa son fer en silence. Izikel était perdu dans ses pensées quand Dean les libéra.
« Si on ne se revoit pas d’ici là : bon courage mon vieux… Et ne t’inquiète pas, tu feras un papa merveilleux ! »
Il lui offrit un grand sourire avec une accolade chaleureuse et Izikel ne put que sourire, même si son regard était brillant de larmes. Il le remercia à demi-mot et il emporta Viking à sa suite, avec Lou. Sur le chemin du retour aux écuries, le bicolore fut plus sage. Ses fers, pesant sur ses sabots rendaient ses pas plus hésitants et il était plus occupé à essayer de marcher convenablement que de faire des bêtises. Lou ne disait toujours pas un mot. Elle se laissait porter par le cavalier. Il mit le bicolore dans son box, lui enleva le licol pour sortir et referma la porte derrière lui, accrochant le licol au crochet près de la porte. Il se tourna ensuite vers Lou, essayant de lui sourire, mais elle voyait bien que l’envie n’y était pas vraiment.
« Et voilà ! Comme ça c’est fait… »
La jeune femme n’y tient plus et se pend au cou du cavalier, qui retient un sanglot à grand peine. Il lui rend tout de même son étreinte et ils restent un moment ainsi, dans les bras l’un de l’autre, devant le box du bicolore.
« Je suis désolée Walig… Tellement désolée… »
Le jeune homme passa une main dans le dos de la demoiselle, réconfortante. Quand il répondit, la jeune femme sentit bien qu’il avait la gorge nouée. Mais elle fut incapable de réagir.
« Ça va aller Lou. Ne t’inquiète pas. »
Il la serra dans ses bras un peu plus fort et la lâcha, s’esquivant pour quitter l’allée à grand pas. Lou le laissa s’en aller, incapable de bouger plus que cela. En colère contre elle-même d’être incapable de le réconforter plus que cela… Elle resta là un instant avant de regagner sa chambre. La colère avait amené une grande lassitude et elle ne voulait qu’une chose : s’étendre sur son lit. Ce qu’elle fit, le joues humides de larmes…
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