Teardrop
Admin
Ep 07 | ... - Mar 15 Déc 2020 - 13:58
Le cri, désarticulé, empli d'une détresse sans bornes, avait fait frémir les personnes présentes. Ils avaient essayé de choisir le moment. Ils avaient essayé de rendre l'affront plus doux. Ils avaient essayé de lui rendre la nouvelle acceptable. Mais il ne le pouvait pas. Cela avait été au dessus de ses forces. Tout d'abord, il n'avait pas comprit. « Je suis désolée Walig... J'ai... J'ai une très mauvaise nouvelle à t'annoncer... » Il avait fixé Myriam avec intensité, cherchant dans les yeux humide de la jeune femme le mensonge, en vain. Elle ne mentait pas. Elle avait les yeux brillants de larmes. Quelque chose de terrible avait dû arriver...Quelque chose de terrible était arrivé. « Kwaïgon a retrouvé Moïra et... Elle a eu un grave accident de voiture. On ne sait pas encore comment c'est arrivé mais... Elle n'a pas survécu à ses blessures. Je suis... Terriblement désolée Walig... » Il avait froncé les sourcils et lever les bras, passer ses paumes à l'arrière de son crâne, et s'était à demi tourné, incapable de rester immobile, passant d'un pied sur l'autre sans arrêt. Il avait à peine senti la panique l'envahir tant le nombre de question qui affluaient dans son esprit était immense. Il se retrouvait submergé. C'était impossible. Moïra ne pouvait pas être... Il n'arrivait même pas à se le dire. C'était impossible. Tout simplement impossible. Il avait fixé de nouveau Myriam de ses yeux gris et vide, perdu dans une immensité d'émotion qu'il était incapable de gérer. Tout se bousculait. Il ne s'entendit pas bredouiller. Il voulu poser une question, mais sa gorge était nouée. Ou alors il était devenu sourd ? Il ne saurait le dire. C'était impossible... Une larme perla sur la joue de Myriam, ses lèvres tremblèrent, sa main serra affectueusement son épaule. Il avait laisser tomber les bras le long de son corps, mais se balançait toujours d'un pied sur l'autre, légèrement. « Je suis tellement désolée Walig... Si jamais... » Il n'entendit pas la suite. Il n'était déjà plus là. La vérité se frayait un chemin dans son esprit et remontait à la surface, pour ne laisser la place à rien d'autre, l'espace d'un court instant. Il eu un haut le coeur et se pencha en avant, s'appuyant d'une main sur la barrière, pour rendre le contenu de son estomac. Les bras de Myriam l'enserrèrent un instant mais il se dégagea, titubant sur le côté, s'éloignant de quelques pas. Un violent tremblement stoppa ses pas et il s'écroula, tombant à genoux dans l'herbe humide. « Walig ! » Les bras en croix, la mâchoire serrée, il sentit la panique le submerger. C'était plus qu'il ne pouvait contenir et supporter. Beaucoup plus. Il n'entendit pas son cri. Mais il sentit les bras de Myriam se refermer avec violence autour de lui. Elle était à genoux devant lui et murmurait quelque chose qu'il n'entendit pas. De violents sanglots le secouèrent et il s'agrippa à Myriam comme un naufragé presse sa bouée de sauvetage. Incapable de faire autre chose, incapable de penser... La détresse à l'état pur, qui glace le sang des autres et leur arrache des larmes salées. Alerté par les cris de désespoir, d'autres cavaliers vinrent voir, mais Myriam les chassa d'une main experte. Ils restèrent là longtemps... Très longtemps. Jusqu'à ce que la fatigue et la détresse eurent raison de lui et le plonge dans les ténèbres de la nuit...
Quand le jeune homme refit surface, il sentait qu'il avait les paupières lourdes et enflées. Il était dans son lit mais il ne savait pas comment il y était arrivé. Ses volets étaient entrouvert et il pouvait voir un morceau de ciel bleu au dehors. Il était prostré, roulé en boule dans un coin de son lit. Combien de temps s'était écoulé depuis que... depuis qu'il avait apprit que... Sa gorge se noua et il ne put retenir le nouveau sanglot qui secoua ses épaules. Aussitôt, la voix de Myriam murmura, les mains de la jeune femme enserrant ses frêles épaules. « Chut... Là Walig... Là... » Ses yeux se fermèrent et il sombra, plus loin encore que ce qu'il avait déjà atteint...
Ses lourdes paupières se soulevèrent et il entrevit un rayon de lumière se poser devant lui. Il n'avait pas changé de place, emmitouflé dans ses draps, au bord de son lit. Le visage doux d'Inna passa dans son champs de vison. Il sentit la main de la jeune femme effleurer sa tempe, il vit son sourire, mais il n'y répondit pas et se laissa de nouveau emporter dans les profondeurs de sa nuit...
Une caresse le long de son visage le poussa à ouvrir les yeux. Il n'avait toujours pas bougé mais cette fois, Myriam se trouvait dans son champs de vision. Elle avait entrouvert les volets un peu plus que lors de ses dernières immersions, mais malgré cela, la chambre était encore plongé dans une relative pénombre. Un air frais venait caresser ses joues, arrivant depuis la fenêtre ouverte, lui apportant des odeurs familières. Mais il les ignorait. Il n'avait plus le cœur à cela... Il n'avait plus le cœur à rien. La voix douce de Myriam parvint à ses oreilles et il posa sur elle, au prix d'un grand effort, son regard gris, sans vie. « Walig chéri... Il faudrait que tu te lèves, s'il te plaît. » Un soupir las lui échappa. Il articula un « pourquoi ? » sans pour autant qu'un son ne sorte de sa bouche. Il avait la gorge enrouée d'avoir tant crié son désespoir, les paupières lourdes d'avoir versé tant de larmes. « Il y a une dame venue des Etats-Unis pour te voir. Elle a quelque chose à te dire. » L'éleveuse pinça les lèvres, caressant toujours d'une main douce la tempe du jeune homme. Il sentit aussitôt sa poitrine se serrer. Ses lèvres se mirent à trembler. Sentant les larmes lui monter aux yeux, il laissa retomber ses paupières et serra les draps dans ses poings. « Hey... Là... Walig... S'il te plaît... Elle ne vient pas pour te parler de funérailles ou quelque chose comme ça. On s'en occupe de ça... » Il ne put retenir ses sanglots et roula de l'autre côté du lit, portant les mains à son visage. L'éleveuse le rejoint aussitôt et l'entoura de ses bras, lui murmurant des paroles douces qu'il n'entendait pas. Il fini par se calmer et accepter de se lever. Il tituba jusqu'à la salle de bain avant de se plonger sous une douche brûlante. Il enfila mécaniquement les vêtements que Myriam lui apporta et croisa son regard dans le miroir. Il était pâle, le teint maladif, les yeux rouges et gonflés. Il détourna les yeux et rejoignit l'éleveuse dans sa chambre. Elle le serra brièvement dans ses bras avant de lui prendre la main et l'entraîner vers le Manoir principal.
L'air frais de l'automne le fit frissonner. Mais il ne le ressentait pas vraiment. Il se sentait vide, de toute émotion, de toute sensation. Il n'était plus rien. Même pas l'ombre de lui même. Il ne pensait plus à rien, se laissait porter par les autres. Il était incapable de prendre une quelconque décision, ou même de formuler une pensée dans son esprit. Ils entrèrent dans le salon du Manoir où Pierre en personne discutait dans un anglais parfait avec une jeune femme en tailleur. Quand Myriam et lui entrèrent, ils se turent et posèrent leurs regards sur lui. Le directeur lui tendit une main ferme, posant son autre main sur son épaule, avec délicatesse. Izikel lui serra la main, plus par réflexe que par envie. « Je suis désolé Izikel. Vraiment désolé. Croyez bien que je suis de tout cœur avec vous. Si vous avez besoin de quoi que se soit, n'hésitez pas à m'en faire part. » Il s'entendit articuler un vague « merci » avec une voix enrouée, ne lui semblant pas être la sienne. Le directeur prit finalement congé et ils s'installèrent autour d'une petite table ronde. La jeune femme en tailleur semblait compréhensive, mais une certaine fermeté emplissait son regard brun. Ses cheveux châtains étaient relevé en un chignon lâche, adoucissant l'effet sérieux de son tailleur gris. Elle avait un léger accent texan qui la rendait sympathique. « Monsieur Todd, je m'appelle Sarah Smith. Je suis assistante sociale à Great Falls, dans le Montana. » Elle sourit, voulant se faire encourageante. Mais le jeune homme ne répondit pas. Il laissait son regard gris chercher le sien, sans réagir. Il attendait. Il ne savait pas quoi, mais il attendait. « Monsieur Todd, il se trouve que... C'est délicat à vrai dire et je sais que la peine que vous éprouvez est immense mais... Il se trouve que vous êtes papa. Moïra Abraams a accouchée d'une petite fille et il a été déclaré que vous étiez son père. » Le choc, plus grand encore que tout ce qu'il avait entendu jusque là, lui coupa net la respiration. Il écarquilla les yeux un instant et sentit la panique l'envahir. Il serra les poings et baissa les yeux, tentant de contenir le mélange de colère et d'incompréhension que le gagnait. « Qui ? » Sarah eut un moment d'hésitation et chercha du réconfort dans le regard de Myriam, en vain. Que voulait-il donc dire ? Qui était Moïra Abraams ? « Pardon ? Comment cela qui ? » « Qui a déclaré l'enfant ? Ce n'est pas... » Sa gorge se noua en même temps qu'une larme roula sur sa joue. Il ne pu terminé sa phrase. Il ne pouvait pas la nommer. Il ne pouvait pas imaginer qu'elle n'était plus là. Son esprit se refusait encore farouchement à seulement y penser. L'assistante paru gênée et au grand étonnement du garçon, c'est Myriam qui prit la parole. « C'est moi... J'étais là Izikel... C'est moi qui ai rempli le formulaire... Tu peux encore changer le nom, mais il fallait que je mette l'identité de ses parents... » La nausée lui enserra la gorge. La panique le submergea avant la colère, la rage, la haine. Il eut un brusque mouvement de recul et se releva, sa chaise tombant avec fracas derrière lui. Il fit quelques pas, sans pour autant savoir où aller et porta finalement les mains à son visage, les passant sur sa nuque. C'était impossible... Tout simplement impossible. Il était en plein cauchemar. Il fallait qu'il se réveille ! Mais comment ? Les pensées se bousculaient dans son esprit. Il était incapable de construire une phrase complète. Il fit brusquement face à Myriam, les joues humides de larmes qu'il ne sentait pas. « Tu le savais ! Tu le savais et tu ne m'as rien dit ! Pourquoi tu ne m'as rien dis !? Pourquoi Myriam !! Je te faisais confiance !! J'aurai pu... Je... » Il ne pu terminer sa phrase et tomba à genoux, les mains sur son visage. Il étouffa un cri de rage entre ses dents et se reprit, au prix d'un terrible effort. Sarah n'avait rien dit, elle observait, compatissante. Myriam descendit de sa chaise pour l'entourer doucement de ses bras. Il se laissa faire, se forçant à respirer lentement. Mais il fut incapable de faire cesser les tremblements qui secouaient son corps. Il ramassa sa chaise et ils se réinstallèrent en face de Sarah. « Je suis désolé. » « Ne le soyez pas. Je comprends. Myriam m'a expliqué votre situation. Le fait que vous ignoriez tout de la grossesse de Mademoiselle Abraams. » Le jeune homme inspira difficilement et souffla un mot de remerciement, détournant le regard pour maîtriser les larmes qui lui montait aux yeux. « Je suis ici pour savoir si vous souhaitez prendre à votre charge votre enfant, ou la placer dans le système américain d'accueil des enfants... » « Non je... Ne la placez pas... » Il croisa le regard de la jeune femme sans être capable de le soutenir. Elle prit une légère inspiration, eut un sourire doux et serra brièvement la main du jeune homme. « C'est une petite fille. Elle n'a donc pas encore de prénom mais porte votre de famille. Elle est légèrement prématurée et est encore à la clinique, parce qu'elle a besoin de soins. Mais elle sera prête à sortir d'ici quelques jours maintenant. J'ai une photo si vous voulez... » L'éthologue acquiesça. La rage l'avait subitement quitté. Il ne pouvait pas dire qu'il comprenait Myriam, il n'en était pas encore à ce stade, mais la prise de conscience de cette enfant l'apaisait. Sarah ouvrit son dossier et en sorti plusieurs clichés. Un frêle bébé, habillé de rose, dormait paisiblement dans un berceau. L'irlandais porta une main à ses lèvres, luttant contre le nouveau sanglot qui l'envahissait. Il leva les yeux au plafond, inspirant profondément, alors que la voix de Myriam s'élevait à côté de lui. « Elle est magnifique. » Sarah sourit en réponse à Myriam, enthousiaste. « C'est un bébé très calme apparemment... Comment... Comment souhaiteriez vous l’appeler ? » Il écarquilla les yeux, prit au dépourvu. « Je... Je ne sais pas... » « C'est possible d'avoir un délais de réflexion ? » « Oui bien sûr. De toute façon, nous ne rendrons cela officiel que lorsque vous viendrez la chercher à Great Falls. Vous savez quand... » Le jeune homme n'entendit plus la suite. Il laissa Myriam prendre le relais, fixant la photo du bébé, de nouveau envahit par ce vide étrange qui le rendait las. Un enfant... Il était vraiment père ? Le tremblement reprit, il serra les poings. Comment est est-ce possible ? Ses yeux se fermèrent un instant. Il les rouvrit en sentant une main se refermer sur son épaule et croisa les yeux bleus de Liam. L'éleveur salua l'assistante et ils poursuivirent leur conversation, sans lui. Il était là physiquement, mais en esprit... Il était bien plus loin. Il resta ainsi longtemps, immobile. Le menton posé sur sa paume, l'autre main tenant la photo, les yeux rivés dessus. Deux petites mains vinrent se faufiler sur ses jambes. Une masse légère, vive, se hissa sur ses cuisses. L'éthologue prit une grande inspiration et fit de la place sur ses jambes, se laissant retomber sur le dossier de sa chaise, ouvrant ses bras, sans pour autant que son regard ne lâche l'image qu'il tenait toujours d'une main ferme. Le petit garçon s'assit à califourchon sur ses jambes et enserra son torse, posant sa tête sur son cœur. Ce n'est qu'en sentant cette étreinte légère que le jeune homme détacha ses yeux de la photo, la laissa retomber mollement sur la table et enserra à son tour le petit homme, posant ses lèvres au sommet de son crâne et fermant les yeux, profitant de ce câlin improvisé pour faire le vide dans ses pensées... Une nouvelle page de sa vie commençait. Mais était-il vraiment prêt pour cela ? Il ne le saurait jamais vraiment...
« Qu'importe le temps et qu'importe l'espace, puisque tu n'es plus là pour les contempler avec moi... »
Quand le jeune homme refit surface, il sentait qu'il avait les paupières lourdes et enflées. Il était dans son lit mais il ne savait pas comment il y était arrivé. Ses volets étaient entrouvert et il pouvait voir un morceau de ciel bleu au dehors. Il était prostré, roulé en boule dans un coin de son lit. Combien de temps s'était écoulé depuis que... depuis qu'il avait apprit que... Sa gorge se noua et il ne put retenir le nouveau sanglot qui secoua ses épaules. Aussitôt, la voix de Myriam murmura, les mains de la jeune femme enserrant ses frêles épaules. « Chut... Là Walig... Là... » Ses yeux se fermèrent et il sombra, plus loin encore que ce qu'il avait déjà atteint...
Ses lourdes paupières se soulevèrent et il entrevit un rayon de lumière se poser devant lui. Il n'avait pas changé de place, emmitouflé dans ses draps, au bord de son lit. Le visage doux d'Inna passa dans son champs de vison. Il sentit la main de la jeune femme effleurer sa tempe, il vit son sourire, mais il n'y répondit pas et se laissa de nouveau emporter dans les profondeurs de sa nuit...
Une caresse le long de son visage le poussa à ouvrir les yeux. Il n'avait toujours pas bougé mais cette fois, Myriam se trouvait dans son champs de vision. Elle avait entrouvert les volets un peu plus que lors de ses dernières immersions, mais malgré cela, la chambre était encore plongé dans une relative pénombre. Un air frais venait caresser ses joues, arrivant depuis la fenêtre ouverte, lui apportant des odeurs familières. Mais il les ignorait. Il n'avait plus le cœur à cela... Il n'avait plus le cœur à rien. La voix douce de Myriam parvint à ses oreilles et il posa sur elle, au prix d'un grand effort, son regard gris, sans vie. « Walig chéri... Il faudrait que tu te lèves, s'il te plaît. » Un soupir las lui échappa. Il articula un « pourquoi ? » sans pour autant qu'un son ne sorte de sa bouche. Il avait la gorge enrouée d'avoir tant crié son désespoir, les paupières lourdes d'avoir versé tant de larmes. « Il y a une dame venue des Etats-Unis pour te voir. Elle a quelque chose à te dire. » L'éleveuse pinça les lèvres, caressant toujours d'une main douce la tempe du jeune homme. Il sentit aussitôt sa poitrine se serrer. Ses lèvres se mirent à trembler. Sentant les larmes lui monter aux yeux, il laissa retomber ses paupières et serra les draps dans ses poings. « Hey... Là... Walig... S'il te plaît... Elle ne vient pas pour te parler de funérailles ou quelque chose comme ça. On s'en occupe de ça... » Il ne put retenir ses sanglots et roula de l'autre côté du lit, portant les mains à son visage. L'éleveuse le rejoint aussitôt et l'entoura de ses bras, lui murmurant des paroles douces qu'il n'entendait pas. Il fini par se calmer et accepter de se lever. Il tituba jusqu'à la salle de bain avant de se plonger sous une douche brûlante. Il enfila mécaniquement les vêtements que Myriam lui apporta et croisa son regard dans le miroir. Il était pâle, le teint maladif, les yeux rouges et gonflés. Il détourna les yeux et rejoignit l'éleveuse dans sa chambre. Elle le serra brièvement dans ses bras avant de lui prendre la main et l'entraîner vers le Manoir principal.
L'air frais de l'automne le fit frissonner. Mais il ne le ressentait pas vraiment. Il se sentait vide, de toute émotion, de toute sensation. Il n'était plus rien. Même pas l'ombre de lui même. Il ne pensait plus à rien, se laissait porter par les autres. Il était incapable de prendre une quelconque décision, ou même de formuler une pensée dans son esprit. Ils entrèrent dans le salon du Manoir où Pierre en personne discutait dans un anglais parfait avec une jeune femme en tailleur. Quand Myriam et lui entrèrent, ils se turent et posèrent leurs regards sur lui. Le directeur lui tendit une main ferme, posant son autre main sur son épaule, avec délicatesse. Izikel lui serra la main, plus par réflexe que par envie. « Je suis désolé Izikel. Vraiment désolé. Croyez bien que je suis de tout cœur avec vous. Si vous avez besoin de quoi que se soit, n'hésitez pas à m'en faire part. » Il s'entendit articuler un vague « merci » avec une voix enrouée, ne lui semblant pas être la sienne. Le directeur prit finalement congé et ils s'installèrent autour d'une petite table ronde. La jeune femme en tailleur semblait compréhensive, mais une certaine fermeté emplissait son regard brun. Ses cheveux châtains étaient relevé en un chignon lâche, adoucissant l'effet sérieux de son tailleur gris. Elle avait un léger accent texan qui la rendait sympathique. « Monsieur Todd, je m'appelle Sarah Smith. Je suis assistante sociale à Great Falls, dans le Montana. » Elle sourit, voulant se faire encourageante. Mais le jeune homme ne répondit pas. Il laissait son regard gris chercher le sien, sans réagir. Il attendait. Il ne savait pas quoi, mais il attendait. « Monsieur Todd, il se trouve que... C'est délicat à vrai dire et je sais que la peine que vous éprouvez est immense mais... Il se trouve que vous êtes papa. Moïra Abraams a accouchée d'une petite fille et il a été déclaré que vous étiez son père. » Le choc, plus grand encore que tout ce qu'il avait entendu jusque là, lui coupa net la respiration. Il écarquilla les yeux un instant et sentit la panique l'envahir. Il serra les poings et baissa les yeux, tentant de contenir le mélange de colère et d'incompréhension que le gagnait. « Qui ? » Sarah eut un moment d'hésitation et chercha du réconfort dans le regard de Myriam, en vain. Que voulait-il donc dire ? Qui était Moïra Abraams ? « Pardon ? Comment cela qui ? » « Qui a déclaré l'enfant ? Ce n'est pas... » Sa gorge se noua en même temps qu'une larme roula sur sa joue. Il ne pu terminé sa phrase. Il ne pouvait pas la nommer. Il ne pouvait pas imaginer qu'elle n'était plus là. Son esprit se refusait encore farouchement à seulement y penser. L'assistante paru gênée et au grand étonnement du garçon, c'est Myriam qui prit la parole. « C'est moi... J'étais là Izikel... C'est moi qui ai rempli le formulaire... Tu peux encore changer le nom, mais il fallait que je mette l'identité de ses parents... » La nausée lui enserra la gorge. La panique le submergea avant la colère, la rage, la haine. Il eut un brusque mouvement de recul et se releva, sa chaise tombant avec fracas derrière lui. Il fit quelques pas, sans pour autant savoir où aller et porta finalement les mains à son visage, les passant sur sa nuque. C'était impossible... Tout simplement impossible. Il était en plein cauchemar. Il fallait qu'il se réveille ! Mais comment ? Les pensées se bousculaient dans son esprit. Il était incapable de construire une phrase complète. Il fit brusquement face à Myriam, les joues humides de larmes qu'il ne sentait pas. « Tu le savais ! Tu le savais et tu ne m'as rien dit ! Pourquoi tu ne m'as rien dis !? Pourquoi Myriam !! Je te faisais confiance !! J'aurai pu... Je... » Il ne pu terminer sa phrase et tomba à genoux, les mains sur son visage. Il étouffa un cri de rage entre ses dents et se reprit, au prix d'un terrible effort. Sarah n'avait rien dit, elle observait, compatissante. Myriam descendit de sa chaise pour l'entourer doucement de ses bras. Il se laissa faire, se forçant à respirer lentement. Mais il fut incapable de faire cesser les tremblements qui secouaient son corps. Il ramassa sa chaise et ils se réinstallèrent en face de Sarah. « Je suis désolé. » « Ne le soyez pas. Je comprends. Myriam m'a expliqué votre situation. Le fait que vous ignoriez tout de la grossesse de Mademoiselle Abraams. » Le jeune homme inspira difficilement et souffla un mot de remerciement, détournant le regard pour maîtriser les larmes qui lui montait aux yeux. « Je suis ici pour savoir si vous souhaitez prendre à votre charge votre enfant, ou la placer dans le système américain d'accueil des enfants... » « Non je... Ne la placez pas... » Il croisa le regard de la jeune femme sans être capable de le soutenir. Elle prit une légère inspiration, eut un sourire doux et serra brièvement la main du jeune homme. « C'est une petite fille. Elle n'a donc pas encore de prénom mais porte votre de famille. Elle est légèrement prématurée et est encore à la clinique, parce qu'elle a besoin de soins. Mais elle sera prête à sortir d'ici quelques jours maintenant. J'ai une photo si vous voulez... » L'éthologue acquiesça. La rage l'avait subitement quitté. Il ne pouvait pas dire qu'il comprenait Myriam, il n'en était pas encore à ce stade, mais la prise de conscience de cette enfant l'apaisait. Sarah ouvrit son dossier et en sorti plusieurs clichés. Un frêle bébé, habillé de rose, dormait paisiblement dans un berceau. L'irlandais porta une main à ses lèvres, luttant contre le nouveau sanglot qui l'envahissait. Il leva les yeux au plafond, inspirant profondément, alors que la voix de Myriam s'élevait à côté de lui. « Elle est magnifique. » Sarah sourit en réponse à Myriam, enthousiaste. « C'est un bébé très calme apparemment... Comment... Comment souhaiteriez vous l’appeler ? » Il écarquilla les yeux, prit au dépourvu. « Je... Je ne sais pas... » « C'est possible d'avoir un délais de réflexion ? » « Oui bien sûr. De toute façon, nous ne rendrons cela officiel que lorsque vous viendrez la chercher à Great Falls. Vous savez quand... » Le jeune homme n'entendit plus la suite. Il laissa Myriam prendre le relais, fixant la photo du bébé, de nouveau envahit par ce vide étrange qui le rendait las. Un enfant... Il était vraiment père ? Le tremblement reprit, il serra les poings. Comment est est-ce possible ? Ses yeux se fermèrent un instant. Il les rouvrit en sentant une main se refermer sur son épaule et croisa les yeux bleus de Liam. L'éleveur salua l'assistante et ils poursuivirent leur conversation, sans lui. Il était là physiquement, mais en esprit... Il était bien plus loin. Il resta ainsi longtemps, immobile. Le menton posé sur sa paume, l'autre main tenant la photo, les yeux rivés dessus. Deux petites mains vinrent se faufiler sur ses jambes. Une masse légère, vive, se hissa sur ses cuisses. L'éthologue prit une grande inspiration et fit de la place sur ses jambes, se laissant retomber sur le dossier de sa chaise, ouvrant ses bras, sans pour autant que son regard ne lâche l'image qu'il tenait toujours d'une main ferme. Le petit garçon s'assit à califourchon sur ses jambes et enserra son torse, posant sa tête sur son cœur. Ce n'est qu'en sentant cette étreinte légère que le jeune homme détacha ses yeux de la photo, la laissa retomber mollement sur la table et enserra à son tour le petit homme, posant ses lèvres au sommet de son crâne et fermant les yeux, profitant de ce câlin improvisé pour faire le vide dans ses pensées... Une nouvelle page de sa vie commençait. Mais était-il vraiment prêt pour cela ? Il ne le saurait jamais vraiment...
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