Teardrop
Admin
Ep 05 | Ouvrir les yeux en silence - Mar 15 Déc 2020 - 13:55
C'était le début d'après midi. Et après quelques jours de pluie, ils avaient droit au retour du beau temps et de la relative chaleur automnale normande. Il faisait donc assez doux pour se permettre de ne pas mettre de veste. De toute façon, dans leur métier, ils étaient souvent actifs et n'avaient que peu besoin d'une veste en plus de leurs pulls à cette période de l'année. Une chose qui ravissait Siobhan, qui avait du mal à supporter le surplus d'épaisseur. L'air était frais mais clair et une légère odeur d'herbe mouillée persistait dans l'air. De quoi ravir les plus "naturel" d'entre eux. Et Sio faisait parti de ceux là. Rien que la météo du jour lui donnait le sourire. Et autre chose lui donnait le sourire également : il avait programmé, avec Izikel et Dean, une séance de travail et de discussion autour de Crazy Boy. Les choses avançaient enfin autour du grand gris et le jeune vétérinaire était assez impatient.
Crazy Boy était un étalon gris, d'origine inconnue, que l'on avait estimé avoir quatre ans, bien que personne n'en soit vraiment certain. Son histoire ne collait pas trop avec son âge, et son état, ce qui faisait douter le vétérinaire de l'exactitude des renseignements qu'il avait eu. Cependant, certaines choses étaient indéniables : il était farouchement opposé à tout contact avec l'être humain, et d'une maigreur à faire pâlir d'effroi n'importe quel cavalier un tant soit peu sensé. Siobhan pour sa part en avait encore des sueurs froides rien que d'y penser... En attendant, l'étalon leur avait été confié, à Dean et lui, pour une mission commune. Il y avait beaucoup de choses à faire sur cet étalon et le premier point était de le remettre en état. Et rien que cela ne serait pas évident. Le gris vivait au pré à l'année, derrière le centre de soin. Il avait un paddock pour lui seul et jusque là, il n'était nourri qu'au foin, pour lui permettre de reprendre de l'état en douceur. Mais il s'avéra très vite que se serait loin d'être suffisant. Depuis une semaine maintenant, le vétérinaire l'avait mis en cure de fenugrec, à raison d'une vingtaine de grammes par jour, pour stimuler son appétit et calmer les éventuelles crampes et douleurs gastriques qu'un régime forcé pouvait provoquer. Et il y avait une légère amélioration. Mais cette amélioration, Siobhan ne pouvait la constatée qu'à l'oeil pour l'instant, ce qui n'était pas l'idéal. L'étalon gris ne se laissait approché par personne et il était donc compliqué de poser un diagnostique précis. C'était pour cette raison qu'ils devaient voir Izikel : avoir des conseils sur la marche à suivre avec lui et le comportement qu'ils devraient adopter.
Le jeune homme quitta son poste au centre de soin et se dirigea vers les paddocks. Il avait terminé sa journée de vétérinaire ou du moins, en partie. Les mains glissé dans les poches de son jean, il attendait l'arrivée de Dean et Izikel. Et les deux hommes ne tardèrent pas à arriver, revenant du Manoir principal du Haras. Izikel semblait fatigué, comme souvent en ce moment, et Dean assez égal à lui même. Siobhan attendit qu'ils arrivent à sa hauteur pour leur sourire et les saluer. Il ne connaissait pas encore très bien les membres de l'équipe -mis à part Lou qu'il avait expérimenté assez intimement- mais il appréciait les deux garçons présents. Il avait entendu beaucoup de bien d'Izikel par Lou et les autres et il savait que le jeune homme était en proie à une profonde dépression. Mais il ne lui en parlait pas, ne s'estimant pas être celui à qui l'éthologue se confierait le plus facilement. Dean quand à lui, avait démontré son talent en tant que maréchal à bien des reprises au Haras et il s'était fait une petite place confortable au sein du groupe. Il avait beaucoup été rejeté au départ et finalement, les quelques jours qu'il avait passé avec Izikel avaient grandement amélioré le sentiment des autres à son égard. Désormais, c'était comme s'il était là depuis toujours. Malgré tout, c'est avec Izikel qu'il s'entendait le mieux.
« Salut ! »
« Hey ! »
« Salut Sio ! »
Ils se serrèrent la main et se dirigèrent lentement vers l'arrière des paddocks, là où était Crazy Boy.
« Alors, il va mieux ? »
« Il a reprit un peu d'état mais c'est pas encore ça. »
« C'est celui du fond ? »
« Ouai... »
L'éthologue avait souvent entendu parler du gris mais il ne l'avait encore jamais vu. Ils s'approchèrent de la barrière et s'accoudèrent pour observer le gris, à l'autre bout du paddock, qui les regardait avec méfiance depuis un moment maintenant.
« Ok... Il devrait être superbe une fois remis en état. »
« Oui ! C'est ce qu'on se disait l'autre jour. »
« Vous devez faire quoi dessus ? »
« Remise en état, suivi véto et maréchal, débourrage et légère mise au travail, dont à l'attelage. »
« Sachant qu'il ne se laisse pas approcher du tout, le travail va vous sembler long... »
« Oh Oui... »
Ils restèrent un moment silencieux, à regarder le gris, avant que l'éthologue ne propose d'aller au salon du Manoir pour en discuté plus amplement. Ils acceptèrent et se dirigèrent de concert vers le Manoir. Une fois installé près d'une fenêtre, la discussion autour du gris s'entama avec plus de sérieux.
« ... Jusqu'à il y a à peu près une semaine, il n'était qu'au foin et à l'herbe. Depuis une semaine donc, il a un complément pour lui ouvrir l'appétit. D'ici une quinzaine de jours, je pense passé au complément floconné... Pas de granulés, se serait trop difficile à digérer dans un premier temps. On verra plus tard. »
« Et il a une pierre à sel mais je pense qu'il n'y touche pas. »
« Il a eu aussi des électrolyte dans son eau pour le réhydrater. Il est arrivé ici très sec et déjà c'est un peu mieux depuis une semaine. »
« Ok... De toute façon, je vous fait complètement confiance sur la partie soins ! C'est plus votre domaine ça... En tout cas, il va falloir travailler l'approche maintenant. Vous savez un peu comment vous y prendre ou pas du tout ? »
Siobhan et Dean se regardèrent. Ils en avaient déjà un peu discuter et tout deux avaient une approche très différente concernant la marche à suivre. Siobhan invita Dean à se lancer le premier d'un geste de la main.
« On en a un peu parlé et il s'avère qu'on a pas tout à fait la même vision des choses... Mais c'est à cause de notre formation de base, qui n'est pas tout à fait la même... Moi, en débourrage, j'ai été formé à la méthode douce américaine, celle des chuchoteurs. Lui, il est plutôt méthode française quoi... »
« Qu'est-ce que t'appelle méthode française ? »
« Et bien disons que je serais plus dans l'appétence avec un seau de nourriture, jour après jour... Plus classique en fait. »
L'éthologue sourit doucement et reprit, cherchant un instant les bons mots.
« Il n'y a pas de méthode plus classique ou moins classique. En réalité, il y a une multitude de façon de débourrer un cheval et aucune n'est meilleure ou pire qu'une autre. Tout dépend de la vision que l'on a des choses et du cheval. Monthy Roberts a été tout autant critiqué pour ses méthodes brutes qu'admirer pour ses méthodes plus "douces". Et pourtant c'est le même homme, avec les mêmes convictions dans les deux cas... Personnellement, je suis plus dans l'adaptation. Il y a des choses qui fonctionnent avec certains chevaux, et d'autres pas. Et puis il faut tenir compte de ce que le cheval à vécu avant nous. On n'aura pas la même approche avec un cheval déjà débourrer qu'avec un cheval complètement sauvage comme Crazy Boy. Et c'est aussi ce qui fait la différence entre la méthode américaine et la méthode européenne. Ici, en France ou en Europe, le cheval sauvage n'existe plus. En Amérique, les Mustang sont encore à l'état sauvage et se baladent en immense hardes dans la nature. Forcément, la réaction du poulain d'élevage, habitué à être manipulé depuis toujours, ne sera pas la même que le poulain né en pleine nature et et ne voyant un homme pour la première fois qu'après quelques années de vie libre et sauvage. En conséquence, il a fallu que l'homme adapte son comportement face à ces différences. »
Le jeune homme s'arrêta un instant, pour s'assurer du regard que Dean et Siobhan suivaient, avant de reprendre.
« Avec Crazy Boy, qui a connu la vie sauvage, je pense qu'une méthode type celle des chuchoteurs américains sera plus efficace et vous fera gagner du temps. Mais il va falloir aussi aménager le fond de son paddock pour vous faciliter la tâche, parce qu'il est hors de question de le laisser se balader dans le Haras ou de tenter de l'approcher de force pour l'emmener d'un point A à un point B... »
« Monter un corral et un couloir ça peut se faire ça. »
Ils hochèrent de la tête, alors que le vétérinaire inscrivait rapidement tout dans un petit cahier dédié au gris.
« J'y connais pas grand chose là dedans par contre... »
« T'en fais pas, on te montrera ! Hein Walig ? »
L'éthologue sourit à Dean et sa joie de vivre évidente.
« Oui, on te montrera. Quand voulez vous commencer le travail ? »
« Ça, ça va dépendre de la vitesse à laquelle il se remet en chair. Je ne veux pas commencer quoi que se soit tant qu'il n'a pas reprit du poids. »
« Et c'est bien normal ! »
« Et il y a aussi un gros travail sur ses pieds apparemment... »
« Oui... Mais tant que tu ne peux pas l'approcher... »
« Exactement... »
L'attention du maréchal fut attiré au dehors, par la fenêtre, dont il était le seul à pouvoir observer. Le corps d'Izikel se tendit immédiatement et il fronça les sourcils, alerte.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? »
« Rien... C'est juste Myriam et Kwaïgon qui reviennent... Il a changé de voiture Kwaï ? »
Izikel eut un temps d'arrêt, mais Siobhan ne dit rien, observant les deux hommes avec attention. Il était très peu souvent dans ce genre de confidences. Liam avait dit à l'équipe que Myriam et Kwaïgon s'absentaient quelques jours pour raisons personnelles -un problème de fille de Myriam nécessitant d'aller à Paris- mais rien de plus. Tous avaient accepté cette excuse sans poser de questions et réorganisé leur emploi du temps pour palier à ces absences. Voilà une bonne semaine et demi que les deux cavaliers étaient parti et comme ils n'avaient pas eu d'information sur leur retour, les trois garçons étaient un peu surpris. Izikel répondit à Dean avec un voix blanche, un peu perdu.
« Oui... Il est passé chez Chevrolet... »
Adieu Aston, bonjour Corvette !
« Il a bien fait ! »
La voix claire de Dean et son sourire reconnectèrent Izikel à la réalité.
« Ok. Ce que je vous propose de faire, c'est qu'on se revoit quand Crazy est en meilleur état de forme, pour une première séance. En attendant on va préparer le terrain : Dean et moi on gérera le corral et le couloir et toi Siobhan, tu adoucit l'approche en continuant de le nourrir au plus près, en restant aussi près de lui que possible et aussi souvent que possible. De façon à ce qu'il s'habitue à ta présence. C'est ok pour vous ? »
« C'est bon pour moi ! »
« Pour moi également ! »
Le vétérinaire sourit et referma son cahier, après y avoir ajouter ses dernières notes.
« Vous faites quoi cet aprem ? »
« Liam m'a proposé de monter un de ses chevaux pour partir en trotting. »
« Moi je vais remonter Invictus. Il est vraiment dur avec la main... C'est étrange. »
« Il faudrait peut-être le montrer à Myriam ? Ou Sio ? Il a peut être mal quelque part... »
« Oui... Il faut que je cerne le problème avant de solliciter quelqu'un. »
Dean hocha doucement de la tête et se leva.
« Je dois rejoindre les élevages aussi. On y va ? »
« Allons-y ! »
Les trois cavaliers se levèrent et prirent le chemin des élevages. Et malgré la conversation qui allait bon train, Izikel n'était plus avec eux, plongé dans de sombres pensées... Inatteignables pour eux, simples mortels...
Crazy Boy était un étalon gris, d'origine inconnue, que l'on avait estimé avoir quatre ans, bien que personne n'en soit vraiment certain. Son histoire ne collait pas trop avec son âge, et son état, ce qui faisait douter le vétérinaire de l'exactitude des renseignements qu'il avait eu. Cependant, certaines choses étaient indéniables : il était farouchement opposé à tout contact avec l'être humain, et d'une maigreur à faire pâlir d'effroi n'importe quel cavalier un tant soit peu sensé. Siobhan pour sa part en avait encore des sueurs froides rien que d'y penser... En attendant, l'étalon leur avait été confié, à Dean et lui, pour une mission commune. Il y avait beaucoup de choses à faire sur cet étalon et le premier point était de le remettre en état. Et rien que cela ne serait pas évident. Le gris vivait au pré à l'année, derrière le centre de soin. Il avait un paddock pour lui seul et jusque là, il n'était nourri qu'au foin, pour lui permettre de reprendre de l'état en douceur. Mais il s'avéra très vite que se serait loin d'être suffisant. Depuis une semaine maintenant, le vétérinaire l'avait mis en cure de fenugrec, à raison d'une vingtaine de grammes par jour, pour stimuler son appétit et calmer les éventuelles crampes et douleurs gastriques qu'un régime forcé pouvait provoquer. Et il y avait une légère amélioration. Mais cette amélioration, Siobhan ne pouvait la constatée qu'à l'oeil pour l'instant, ce qui n'était pas l'idéal. L'étalon gris ne se laissait approché par personne et il était donc compliqué de poser un diagnostique précis. C'était pour cette raison qu'ils devaient voir Izikel : avoir des conseils sur la marche à suivre avec lui et le comportement qu'ils devraient adopter.
Le jeune homme quitta son poste au centre de soin et se dirigea vers les paddocks. Il avait terminé sa journée de vétérinaire ou du moins, en partie. Les mains glissé dans les poches de son jean, il attendait l'arrivée de Dean et Izikel. Et les deux hommes ne tardèrent pas à arriver, revenant du Manoir principal du Haras. Izikel semblait fatigué, comme souvent en ce moment, et Dean assez égal à lui même. Siobhan attendit qu'ils arrivent à sa hauteur pour leur sourire et les saluer. Il ne connaissait pas encore très bien les membres de l'équipe -mis à part Lou qu'il avait expérimenté assez intimement- mais il appréciait les deux garçons présents. Il avait entendu beaucoup de bien d'Izikel par Lou et les autres et il savait que le jeune homme était en proie à une profonde dépression. Mais il ne lui en parlait pas, ne s'estimant pas être celui à qui l'éthologue se confierait le plus facilement. Dean quand à lui, avait démontré son talent en tant que maréchal à bien des reprises au Haras et il s'était fait une petite place confortable au sein du groupe. Il avait beaucoup été rejeté au départ et finalement, les quelques jours qu'il avait passé avec Izikel avaient grandement amélioré le sentiment des autres à son égard. Désormais, c'était comme s'il était là depuis toujours. Malgré tout, c'est avec Izikel qu'il s'entendait le mieux.
« Salut ! »
« Hey ! »
« Salut Sio ! »
Ils se serrèrent la main et se dirigèrent lentement vers l'arrière des paddocks, là où était Crazy Boy.
« Alors, il va mieux ? »
« Il a reprit un peu d'état mais c'est pas encore ça. »
« C'est celui du fond ? »
« Ouai... »
L'éthologue avait souvent entendu parler du gris mais il ne l'avait encore jamais vu. Ils s'approchèrent de la barrière et s'accoudèrent pour observer le gris, à l'autre bout du paddock, qui les regardait avec méfiance depuis un moment maintenant.
« Ok... Il devrait être superbe une fois remis en état. »
« Oui ! C'est ce qu'on se disait l'autre jour. »
« Vous devez faire quoi dessus ? »
« Remise en état, suivi véto et maréchal, débourrage et légère mise au travail, dont à l'attelage. »
« Sachant qu'il ne se laisse pas approcher du tout, le travail va vous sembler long... »
« Oh Oui... »
Ils restèrent un moment silencieux, à regarder le gris, avant que l'éthologue ne propose d'aller au salon du Manoir pour en discuté plus amplement. Ils acceptèrent et se dirigèrent de concert vers le Manoir. Une fois installé près d'une fenêtre, la discussion autour du gris s'entama avec plus de sérieux.
« ... Jusqu'à il y a à peu près une semaine, il n'était qu'au foin et à l'herbe. Depuis une semaine donc, il a un complément pour lui ouvrir l'appétit. D'ici une quinzaine de jours, je pense passé au complément floconné... Pas de granulés, se serait trop difficile à digérer dans un premier temps. On verra plus tard. »
« Et il a une pierre à sel mais je pense qu'il n'y touche pas. »
« Il a eu aussi des électrolyte dans son eau pour le réhydrater. Il est arrivé ici très sec et déjà c'est un peu mieux depuis une semaine. »
« Ok... De toute façon, je vous fait complètement confiance sur la partie soins ! C'est plus votre domaine ça... En tout cas, il va falloir travailler l'approche maintenant. Vous savez un peu comment vous y prendre ou pas du tout ? »
Siobhan et Dean se regardèrent. Ils en avaient déjà un peu discuter et tout deux avaient une approche très différente concernant la marche à suivre. Siobhan invita Dean à se lancer le premier d'un geste de la main.
« On en a un peu parlé et il s'avère qu'on a pas tout à fait la même vision des choses... Mais c'est à cause de notre formation de base, qui n'est pas tout à fait la même... Moi, en débourrage, j'ai été formé à la méthode douce américaine, celle des chuchoteurs. Lui, il est plutôt méthode française quoi... »
« Qu'est-ce que t'appelle méthode française ? »
« Et bien disons que je serais plus dans l'appétence avec un seau de nourriture, jour après jour... Plus classique en fait. »
L'éthologue sourit doucement et reprit, cherchant un instant les bons mots.
« Il n'y a pas de méthode plus classique ou moins classique. En réalité, il y a une multitude de façon de débourrer un cheval et aucune n'est meilleure ou pire qu'une autre. Tout dépend de la vision que l'on a des choses et du cheval. Monthy Roberts a été tout autant critiqué pour ses méthodes brutes qu'admirer pour ses méthodes plus "douces". Et pourtant c'est le même homme, avec les mêmes convictions dans les deux cas... Personnellement, je suis plus dans l'adaptation. Il y a des choses qui fonctionnent avec certains chevaux, et d'autres pas. Et puis il faut tenir compte de ce que le cheval à vécu avant nous. On n'aura pas la même approche avec un cheval déjà débourrer qu'avec un cheval complètement sauvage comme Crazy Boy. Et c'est aussi ce qui fait la différence entre la méthode américaine et la méthode européenne. Ici, en France ou en Europe, le cheval sauvage n'existe plus. En Amérique, les Mustang sont encore à l'état sauvage et se baladent en immense hardes dans la nature. Forcément, la réaction du poulain d'élevage, habitué à être manipulé depuis toujours, ne sera pas la même que le poulain né en pleine nature et et ne voyant un homme pour la première fois qu'après quelques années de vie libre et sauvage. En conséquence, il a fallu que l'homme adapte son comportement face à ces différences. »
Le jeune homme s'arrêta un instant, pour s'assurer du regard que Dean et Siobhan suivaient, avant de reprendre.
« Avec Crazy Boy, qui a connu la vie sauvage, je pense qu'une méthode type celle des chuchoteurs américains sera plus efficace et vous fera gagner du temps. Mais il va falloir aussi aménager le fond de son paddock pour vous faciliter la tâche, parce qu'il est hors de question de le laisser se balader dans le Haras ou de tenter de l'approcher de force pour l'emmener d'un point A à un point B... »
« Monter un corral et un couloir ça peut se faire ça. »
Ils hochèrent de la tête, alors que le vétérinaire inscrivait rapidement tout dans un petit cahier dédié au gris.
« J'y connais pas grand chose là dedans par contre... »
« T'en fais pas, on te montrera ! Hein Walig ? »
L'éthologue sourit à Dean et sa joie de vivre évidente.
« Oui, on te montrera. Quand voulez vous commencer le travail ? »
« Ça, ça va dépendre de la vitesse à laquelle il se remet en chair. Je ne veux pas commencer quoi que se soit tant qu'il n'a pas reprit du poids. »
« Et c'est bien normal ! »
« Et il y a aussi un gros travail sur ses pieds apparemment... »
« Oui... Mais tant que tu ne peux pas l'approcher... »
« Exactement... »
L'attention du maréchal fut attiré au dehors, par la fenêtre, dont il était le seul à pouvoir observer. Le corps d'Izikel se tendit immédiatement et il fronça les sourcils, alerte.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? »
« Rien... C'est juste Myriam et Kwaïgon qui reviennent... Il a changé de voiture Kwaï ? »
Izikel eut un temps d'arrêt, mais Siobhan ne dit rien, observant les deux hommes avec attention. Il était très peu souvent dans ce genre de confidences. Liam avait dit à l'équipe que Myriam et Kwaïgon s'absentaient quelques jours pour raisons personnelles -un problème de fille de Myriam nécessitant d'aller à Paris- mais rien de plus. Tous avaient accepté cette excuse sans poser de questions et réorganisé leur emploi du temps pour palier à ces absences. Voilà une bonne semaine et demi que les deux cavaliers étaient parti et comme ils n'avaient pas eu d'information sur leur retour, les trois garçons étaient un peu surpris. Izikel répondit à Dean avec un voix blanche, un peu perdu.
« Oui... Il est passé chez Chevrolet... »
Adieu Aston, bonjour Corvette !
« Il a bien fait ! »
La voix claire de Dean et son sourire reconnectèrent Izikel à la réalité.
« Ok. Ce que je vous propose de faire, c'est qu'on se revoit quand Crazy est en meilleur état de forme, pour une première séance. En attendant on va préparer le terrain : Dean et moi on gérera le corral et le couloir et toi Siobhan, tu adoucit l'approche en continuant de le nourrir au plus près, en restant aussi près de lui que possible et aussi souvent que possible. De façon à ce qu'il s'habitue à ta présence. C'est ok pour vous ? »
« C'est bon pour moi ! »
« Pour moi également ! »
Le vétérinaire sourit et referma son cahier, après y avoir ajouter ses dernières notes.
« Vous faites quoi cet aprem ? »
« Liam m'a proposé de monter un de ses chevaux pour partir en trotting. »
« Moi je vais remonter Invictus. Il est vraiment dur avec la main... C'est étrange. »
« Il faudrait peut-être le montrer à Myriam ? Ou Sio ? Il a peut être mal quelque part... »
« Oui... Il faut que je cerne le problème avant de solliciter quelqu'un. »
Dean hocha doucement de la tête et se leva.
« Je dois rejoindre les élevages aussi. On y va ? »
« Allons-y ! »
Les trois cavaliers se levèrent et prirent le chemin des élevages. Et malgré la conversation qui allait bon train, Izikel n'était plus avec eux, plongé dans de sombres pensées... Inatteignables pour eux, simples mortels...
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