Hors série
Episode 02
Long Long Way ; Dark Dark Days V ;
Banlieue d'Osaka - 6:34 pm } Le vent de novembre, froid, passait sur son torse nu sans y provoquer aucune réaction. La douleur, le froid, la brûlure... Tout ça n'était qu'une conception de l'esprit. Ou du moins, c'est ce dont il essayait de se persuader depuis des années, avec plus ou moins de succès. Dans certains cas, cela lui avait sauvé la vie. Dans d'autres, la morsure du froid ou de la douleur avait été trop grande. Mais ce leitmotiv lui avait permis de ne pas perdre son sang froid dans de nombreux cas critiques. Tout cela tenait à la concentration. Sa concentration ne devait être en aucun cas perturbée pour qu'il puisse conserver son sang froid. Et pour qu'elle ne soit pas perturbée, il devait faire abstraction de tout autour de lui. Le paradoxe était que malgré le fait qu'il doive faire abstraction de tout autour de lui, il devait aussi y être extrêmement attentif, pour ne jamais se laisser surprendre. Une gymnastique de l'esprit dont il commençait à avoir l'habitude. Mais pour arriver à son niveau, il fallait un entraînement rigoureux. Autant physique que mental. Un entraînement dont il aurait grandement besoin dans peu de temps... Il le sentait. Et son instinct ne le trompait jamais. Le yeux fixé dans ceux de son mentor, son jyo à l'horizontale dans les mains, il bougeait lentement, en cercles réguliers. Dès que Tanaka attaquait, il paraît les coups et ripostait. Cela faisait des années -que disait-il, des siècles!- qu'il n'avait pas fait un entraînement de ce type mais il n'avait rien oublié. Et il avait encore assez de réflexes pour tenir tête à Nobu. Il reprit sa position de base, bras à demi-plié, une paume vers le ciel et une paume vers la terre, tenant fermement son jyo devant lui à l'horizontale, le corps tendu, prêt à contre-attaquer et se défendre. Mais l'attaque ne venait pas. Malgré tout, il patienta. Ignorant la morsure du froid sur son torse et ses pieds nus. Ignorant le vent dans ses cheveux. Finalement, l'attaque vint. Nobu tenta de lui fauché les jambes. Aussitôt, dans le quart de seconde, le coréen abaissa son jyo. Le claquement du bois était sec, violent, mais le coréen ne l'entendait pas. Il fit un pas en avant et feinta un dégagement. Nobu fut surprit et recula, mais il ne baissa pas sa garde. Kwaïgon attaqua sur son côté gauche et feinta sur le côté droit, ce qui lui laissa enfin une ouverture. Son jyo claqua contre le genou de Nobu, le déséquilibrant de nouveau et cette fois, il ne se reprit pas assez vite pour parer à nouveau Kwaïgon qui stoppa net son jyo à quelques centimètres à peine de sa tempe. Contrôler ses gestes, au centimètre près. Les deux hommes restèrent un instant immobiles avant que Tanaka ne sourit. Les deux hommes reculèrent d'un pas, leurs jyo le long de leurs corps, et se saluèrent avec respect.
« Bravo ! Je ne pensais pas que tu arriverais à me battre un jour ! »
Le coréen sourit. Il n'avait encore jamais battu son maître d'arme.
« Et moi donc ! A croire que vous avez perdu la main. »
« Oh non... Tu es seulement parvenu à mon niveau. Maintenant, tu peux dire sans rougir que tu es maître. Maître Jeong. »
De nouveau, Nobu sourit. Il donna son jyo à une apprentie qui les attendait et salua le coréen avec respect, ce que Kwaïgon lui rendit. Il donna également son jyo à un apprenti et se retourna pour faire face au parc. Il devait certainement être splendide avec les sakuras en fleurs... Il était plus féérique la nuit qu'en journée. Mais en plein soleil en cet hiver froid, il restait tout de même agréable. Il enfila le samue blanc que lui ramena l'apprenti et se replongea dans la contemplation du parc, immobile, les bras croisés, laissant le vent faire voleté les pans de tissu qui lui couvraient les épaules...
La panique dans l'hôpital était réelle. On le questionna, mais il ne savait pas ce qui s'était passé. Tout du moins, c'est ce qu'il s'obligea à dire. Il savait ce qui s'était passé et il savait ce qui allait se passé. Moïra l'avait pris en traître. Elle lui avait planté un couteau dans le dos pour l'obligé à l'aider. Et il la détestait pour cela. Moïra n'avait eu besoin que d'une heure pour simuler sa mort. Avec sans doute l'aide de quelques amis... Un corps sans vie fut retrouvé et identifié comme étant Moïra Abraams. Une heure... Le coréen n'en revenait toujours pas. La colère était monté en lui à tel point qu'il avait failli explosé face à Myriam. Mais il avait gardé son sang froid. Comme toujours. Myriam était arrivé à l'hôpital peut après que l'inconnu ait été identifiée comme étant Moïra. Kwaïgon avait prit les devants et soulagé les infirmières débordées. Il avait sagement raconter à Myriam une version un peu différente de la réalité : Moïra était décédée des suites de son accouchement. Il la ferait incinérée, il n'avait besoin de rien... Si ce n'est que Myriam s'occupe de la petite fille tout juste née. Et c'était ce que l'éleveuse avait fait. Elle avait tenu son rôle à merveille... Elle y avait cru... Et le coréen se détestait pour cela également. Le soir venu, il avait prétexté vouloir être un peu seul pour retrouver Moïra. Ce qui n'avait pas était très compliqué au final...
Il lui avait fallu presque une heure, à faire les cent pas dans la rue, pour retrouver son calme avant d'entrer dans la chambre d'hôtel de Moïra. Une heure qui lui avait aussi permise de prendre ses décisions et de réfléchir à un plan. Quand il avait fait face à la jeune femme, plusieurs de ses sutures avaient sautés. Son plâtre avait disparu et remplacé par une écharpe. Elle avait les yeux rougies et les joues encore humides. Mais Kwaïgon ne le voyait pas. Il ne voulait pas le voir. Il ne voyait plus que la trahison, à son sommet le plus haut. Il voyait un être détestable qu'il aurait étranglé de ses propres mains s'il n'avait pas été conscient que cela ferait plus de mal encore à Izikel que ce qu'il voyait sur le moment. Il avait refermé la porte derrière lui et tiré les rideaux. Il avait regardé autour de lui avant de s'appuyer sur la commode, croisant les bras. Il avait ensuite fixé Moïra et attendu. Qu'attendait-il ? Des excuses ? C'était trop tard. Qu'elle change de décision ? Impensable de sa part. Le mal était fait. De se réveiller et trouver que tout cela était un rêve ? Non... Il n'y croyait pas. Ses cauchemars étaient bien plus réels que cela. Moins absurdes. Il était impossible que se soit un cauchemar. C'était la réalité, et elle était hideuse. Hideuse et détestable...
« Je suis désolée Kwaïgon... Tellement désolée... Je t'en prie, ne me déteste pas ! Je n'ai pas le choix... Je n'ai aucune autre solution si je veux qu'ils restent en vie... Il faut que je les éloigne. Il faut que... »
L'index levé du coréen la fit taire. La jeune femme se laissa retombé sur le lit, retenant difficilement ses larmes. Quand le coréen prit la parole, sa voix était glacée, implacable. Elle devait le suivre, ou elle mourrait. De sa main à lui. Pour la première fois de sa vie, le coréen put voir de la peur dans les yeux de la jeune femme. Jusque là, il y avait vu la panique, la colère, la supplication. Maintenant c'était la peur. La frayeur à l'état brut. Et c'était lui qui la lui inspirait.
« Je ne vais le dire qu'une seule fois, alors tu as intérêt à bien écouter. Premièrement : je me fiche complètement de ta misérable vie. Elle n'est pas importante pour moi et elle ne représente rien, si ce n'est le bonheur de mon ami. Retiens bien que c'est seulement et uniquement pour lui que tu es encore en vie. Sinon, je t'aurais moi même logé une balle dans le crâne il y a bien longtemps. Deuxièmement : je te déteste. Je te hais Moïra et rien, absolument rien de ce que tu diras et feras ne changera ce fait. Je me fiche de tes excuses. Je. Ne. Te. Pardonnerais. Jamais. Troisièmement : à partir de maintenant tu vas faire ce que moi je te dis de faire. Que ça te plaise ou pas m'est complètement égal. J'en suis et j'en serai absolument indifférent. Je ne veux pas t'entendre te plaindre. Je ne veux pas t'entendre me supplier. Je ne veux pas t'entendre demander quoi que se soit. Je ne veux pas t'entendre pleurer. Est-ce que c'est bien clair ? »
Serrant les lèvres, la jeune femme se contenta d'acquiescer.
« Je ne sais pas ce que tu as fais pour être poursuivie par les frères ukrainiens et je ne veux pas le savoir. Tu nous as tous mit dans une merde noire. Au lieu de demander de l'aide, tu es partie en vendetta seule contre tous, en ayant failli faire tuer Izikel au passage et maintenant, ils réclament vengeance. Je suis à seulement deux misérables doigts de te livrer à eux avec un ruban rouge autour du cou. Mais comme je ne supporterais pas de voir Izikel sombrer encore plus profondément qu'il ne l'est, je vais te sortir de ce bourbier dans lequel tu es plongée. Et j'espère qu'après ça Izikel arrivera à me pardonner cette trahison infâme que je suis en train de commettre. Et même si c'est bien le cas, ce dont je me permets de douter, je ne veux plus jamais entendre parler de toi en terme tel que : morte, en fuite, en cavale, malade, en taule ou tout ce qui est différent de « file le parfait amour avec Izikel et sa fille ». Est-ce que je me suis fais bien comprendre ? »
De nouveau, Moïra se contenta d'acquiescer en serrant les dents pour retenir un sanglot.
« Je vais te faire envoyer un médecin. Avec Myriam, on va rentrer au Haras, parce qu'il faut annoncer la nouvelle de ta mort à Izikel. Après ça, je reviendrais te chercher et on partira au Japon. Tu iras chez Maître Tanaka en attendant que les choses se calment. Si tu disparais entre maintenant et le moment où je reviens te chercher, je te jure Moïra que je te retrouverais et que je te tuerais. »
Il avait soutenu son regard un instant et avait quitté la chambre pour rejoindre Myriam. Quelques jours plus tard, il revenait la chercher, faisant croire aux autres qu'il partait pour le Chili voir Naïg...
Les lumières de la ville, en contre-bas, s'allumèrent au moment où le soleil passa derrière la montagne. Les guirlandes des sakuras s'illuminèrent peu après, rendant sa majesté au parc centenaire. Dans le dos du jeune homme, une voix familière se fit entendre.
« Il paraîtrait que je suis devant le nouveau sensei... Toutes mes félicitations. »
Le coréen sourit et se retourna pour faire face à cette vieille connaissance.
« Calum Heredit... Pas encore mort ? Je suis déçu. »
« Et moi donc ! J'espérais recevoir une invitation à tes funérailles cette année ! Tu n'imagines pas à quel point je suis surpris ! »
« Ne le sois pas... Tu sais comme tout le monde que je suis immortel. »
Le coréen s'approcha de l'homme aux yeux verts et lui tapota amicalement l'épaule. Ils échangèrent un sourire avant une accolade amicale et chaleureuse.
« Vieille rascasse ! Viens donc boire un verre de saké ! Tu as plein de choses à me raconter ! »
« Oh oui ! L'immortalité est pleine de rebondissements... »
Cette fois, ils éclatèrent de rire en entrant dans la maison de bois. Avec Calum à ses côtés, la nuit risquait d'être courte...
Halloween
|
|