Teardrop
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Episode 8 ; Les tourments de son âme II - Mar 29 Oct 2019 - 15:04
Chapitre 08
Episode 08
Les tourments de son âme II ;
« Peu importe à quelle vitesse voyage la lumière, l'obscurité la dépasse toujours, et elle l'attend. »
Terry Pratchet
Terry Pratchet
Un rapide coup d'oeil à mon téléphone portable m'annonce qu'il est cinq heures du matin. C'est à peu de choses près l'heure à laquelle Alejandro se lève pour aller courir. Je soupire et fixe de nouveau mon regard sur l'écran de l'ordinateur face à moi. Les lignes de code vertes s'enchaînaient sur l'écran noir, s'écrivant seules à une vitesse folle. J'y étais presque. Je le sentais. Inconsciemment, je portais mes ongles à mes lèvres pour les mordiller et serrais mes doigts de l'autre main autour de mon genou pour l'empêcher de tressauter. Mon cœur bondissait dans ma poitrine sans que je n'y puisse rien. L'attente était insoutenable. Cela faisait six heures que le programme que j'avais mit six mois à coder et peaufiner tournait seul. Il était proche de la réussite. Je me levais et m'approchais de la fenêtre de la bibliothèque. En dessous, Alejandro passait en courant à petites foulées et rejoignait une jeune femme brune : Madison. Je les regardais s'éloigner en s'échangeant sans doute quelques taquineries quand un bruit électronique attira mon attention. Il avait fini ! Je retint mon souffle en m'installant de nouveau derrière l'écran. Une ligne me demandait un mot de passe. On y était. Je tapais fébrilement le code, en le vérifiant plusieurs fois avant de valider, le souffle court. Instantanément mon écran se mua en la page d'accueil de la base de donnée interne aux services secrets américains. J'y étais enfin. J'avais piraté le gouvernement américain…
Je regagnais ma chambre après avoir lancé une courte recherche et récolté quelques unes des informations dont j'avais besoin. Il était à peine six heures et Alejandro n'était pas encore revenu de son jogging matinal. Quelque part dans le Haras, Logan et Lou-Khyan se levaient pour prendre la route en direction du club de la banlieue de Dunedin avec lequel ils faisaient un échange. Le réveil de Liam sonnait pour la première fois de la matinée et Siobhan prenait le chemin du centre de soin. Bien que… Mardi matin ; non, il revenait du centre de soin à cette heure là après une nuit complète d'astreinte. Dans une heure, Liam et Ale reviendraient des élevages et se retrouveraient en cuisine pour le petit déjeuner. Et l'équipe les rejoindrait au compte goûte. En attendant, j'avais une heure devant moi et comme tous les matins, je m’astreignis à une séance de Hapkido : il était indispensable que je conserve mon état de forme physique et mon niveau de combat…
Après m'être douché et habillé, je descendis rejoindre l'équipe pour le petit déjeuner. En ce moment, nous étions en effectifs réduits. Ezra passant beaucoup de temps avec Inna et Lou et Logan n'étant pas là, il avait fallu redistribué les tâches dans les élevages. Ça ne me gênait pas spécialement, dans le sens où je conservais une certaine liberté. En l'absence d'Ezra et Logan, nous n'avions plus de cours collectifs et nous étions partagé les chevaux à travailler. C'était, comme disait Liam, de « l'entretien » pur et dur. Pas de nouveauté, pas d'approfondissement. Sauf pour les nouveaux arrivants mais je n'étais pas concerné par eux. Je m'installais à la table du petit déjeuner avec la discrétion qui était mienne. Voilà deux jours que j'étais revenu du Texas avec Alejandro et je le trouvais changé. Il était un peu plus serein et souriant. Un changement positif donc, ce qui me fit intérieurement sourire. A table, le débat était animé : Izikel et Liam échangeaient leurs points de vue sur les élevages et évidemment, ils étaient différents. Tout le monde voulait protéger Izikel mais lui semblait ne pas le vouloir. Tout dans son comportement était toujours agressif sans qu'il ne s'en rende compte. Il était sans arrêt sur la défensive. En particulier quand Louna était là et désormais, il commençait à l'être quand Ezra était également dans les parages. Il souffrait de la « perte » de Moïra mais je ne pouvais rien lui dire. A cette pensée, ma gorge se noua et je bu instinctivement une gorgée de café, en espérant que la chaleur du liquide me dénoue la gorge. Dean n'avait pas l'air très réveillé mais il suivait le débat en silence, en tartinant à la chaîne des bagels. Enfin, en essayant en tout cas, voilà plus de deux minutes qu'il tenait en suspend son couteau de cream cheese au dessus de son bagel sans le tartiner. Izikel et Liam avaient haussé le ton. Alejandro fini par soupirer et intervenir, trouvant un consensus entre les deux partis. Liam ne pu cependant s'empêcher de décocher un regard sévère à Izikel qui souriait de sa courte victoire. Le reste du petit déjeuner se déroula sans accroc et même dans les rires. Neyla et Ezra passèrent rapidement et la journée commença enfin.
Toutes mes journées commençaient de la même façon, ou presque. J'accompagnais Ale à l'élevage de Louna et sortais Kim en paddock. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il neige, je le sortais, avec ou sans chemise selon le temps au dehors. Un rituel que la prunelle de mes yeux avait bien comprit et attendait avec impatience chaque matin. Quand j'entrais dans l'élevage, il sortait la tête de son box et me saluait d'un ronflement chaleureux. Au début, Alejandro était impressionné. Désormais il avait tendance à se moquer un peu de nous. L'équipe au complet avait toujours eu du mal à comprendre mes motivations et connaître vraiment l'étendue de mes compétences. Et je ne faisais rien pour les éclairer. Moins ils en savaient, mieux c'était pour moi ! Un vieux réflexe d'auto-défense qui ne me quittait plus. Malgré tout, ils m'avaient accepté tel que je suis et avaient enfin accepté également que je pouvais être aussi compétent qu'eux en matière de chevaux -entre autres choses. J'avais patienté très longtemps avant d'obtenir cette sorte de reconnaissance mais maintenant qu'elle était là, je l'appréciais pleinement. Comme chaque matin, Kim sorti donc la tête de son box dès que je fis un pas dans l'allée. Je n'avais pas besoin de l'interpeller. Un sourire éclaira mon visage alors que j'approchais du box pour passer la main sur la grande joue de mon poulain. Enfin… Ce n'était plus un poulain désormais mais je le considérais toujours un peu comme tel. Sans un mot, dès que ma main se posa sur le loquet, il recula respectueusement pour me laisser entrer dans le box. Je faisais rapidement le tour de ma monture, le palpant à la recherche d'une éventuelle blessure, mais n'en trouvant pas, je ressortais pour lui passer son licol et l'emmener au dehors. Il me suivait docilement, regardant en même temps autour de lui. Une fois au paddock, il attendit que je referme la porte et lui donne l'autorisation d'un simple geste pour partir en saut de mouton dans tout le paddock. Un amour ce poulain… cheval…
Je n'étais pas franchement bavard, tout le monde le savait. Je n'étais pas différent avec les chevaux, qu'ils m'appartiennent ou non. Mes journées n'étaient pas pour autant silencieuses : le Haras était empli de bruits très différents. Et les membres de l'équipe parlaient souvent pour moi, ce qui m'arrangeais beaucoup. En attendant, après avoir sorti Kim, je retournais à l'élevage pour longer Gestuga. Le pie, qui désormais m'appartenais, était un peu différent de Kim. Je ne l'avais pas élever moi-même. Mais une certaine harmonie s'était installée entre nous. Il pouvait être imprévisible, mais je m'y étais fait. Je l'équipais de son filet, bandes et prenais une corde avec moi pour prendre le chemin du rond de longe le plus proche. Je n'avais pas besoin de chambrière avec lui, il était assez réactif pour ça. J'allais jusqu'au milieu du rond et y restais alors qu'il poursuivais sa route pour rejoindre la piste. Je le longeais tout les deux jours, en alternant les enrênements. Les autres jours, il était au paddock. C'était indispensable avec lui, trop de jus sinon et il devenait ingérable sous la selle. Je le laissais au pas quelques instants avant de lui demander le trot d'un claquement de langue sonore. Il s'exécuta avec entrain. Un peu de galop, puis même manège à l'autre main avant que je ne fixe la longue corde sur son dos. Elle passait sur le garrot puis entre les antérieurs pour venir se fixer sur le mors avec un élastique. Je travaillais ensuite le pie une demi heure ainsi, aux deux mains, en variant les allures. Il se prêtait au jeu avec sérieux et entrain. Une fois la séance terminée, je le mettais directement au paddock pour qu'il se détende. Il s'y donna à cœur joie en se roulant dès la porte refermée ! Je soupirais : j'aurais droit à un bon pansage au retour au box !
Après Getsuga, je devais me charger de longer Bill en l'absence de Logan. Il eu droit à la même séance que Gestuga et une mise au paddock ensuite. J'aimais bien Bill. Le grand étalon bai se faisait vieux mais il était agréable à travailler. Un peu plus passif que le pie. Quand je revins à l'élevage, il était près de dix heures et demi. J'aidais Alejandro qui revenait d'une séance montée avec Invictus et sortais Priam et Cara au paddock. Je rejoignis ensuite Liam dans son élevage pour longer Mériador, l'étalon d'Ezra. Liam avait déjà sorti ses juments et était sans doute en selle ou en longe avec Call. Le gris d'Ezra eu droit au même traitement que les deux autres. Après tout, pas de jaloux ! Le gris était un peu plus compliqué et contraignant que les deux autres mais je m'adaptais. Quand je revins du paddock, je croisais Liam qui déposait la selle de Call dans la sellerie.
« Ça été ce matin ? »
« Parfait ! De la longe pour tout le monde. »
« Super ! J'ai fait Call, Orcanta et Volantae ce matin. Il restera Unfor, Sinok et Great cet après midi. Un trotting ça te tente ? »
« Pourquoi pas ! »
« Je proposerais à Ale et Neyla aussi. Et Dean. Tu voudras qui ? »
« Unfor ! Je te laisse les autres. »
L'éleveur sourit en refermant la porte de la sellerie.
« Faudra que tu négocie avec Myriam alors ! »
Je répondis par un fin sourire à mon tour et le suivait au dehors. La matinée était presque terminée. Liam devait rejoindre Myriam au centre de soin. Ale et Neyla s'occupaient des Narita's et Dean était en selle sur son cheval. J'avais donc une petite heure de temps libre devant moi avant le déjeuner et je rejoignis ma chambre au manoir. Mon ordinateur tournait toujours, en place sur mon coin bureau. Je vérifiais les informations collectées et, satisfait, je m'accordais vingt minutes de sieste. Je n'avais pas fermer l'oeil de la nuit et une certaine fatigue s'emparait de moi. Malgré mon habitude de dormir seulement quelques heures par jour, je n'échappais pas à la langueur familière qui accompagne la fatigue après une matinée de travail avec les chevaux.
Je regardais au dehors avec une attention toute particulière. En dessous, dans la cours, Alejandro et Izikel semblaient en pleine discussion. Chose commune ces derniers temps, Izikel était contrarié et Ale était désespéré. Je n'espérais qu'une seule chose, que l'américain ne craque pas et ne lâche pas le morceau à propos de Moïra. Il fallait qu'il garde le secret. C'était essentiel. Vital même. Izikel se pinça l'arrête du nez, signe chez lui qu'il lâchait l'affaire et faisait une concession avant de soupirer et acquiescer face à Ale. Aussitôt, l'américain se détendit. Je le voyais à l'inclinaison de ses épaules et son langage corporel entier. Je soupirais de soulagement et tournais la tête vers mon pc. Il continuait sa collecte d'information et les stockait sur un serveur privé que j'avais créé. Une chose qui se déroulait sans accrocs ! C'était déjà pas mal… J'ouvrais ma messagerie pour y trouver plusieurs mails. L'un d'eux me serra la poitrine et me figea. Il était de Moïra…
J'avais mit plus d'une semaine pour retrouver sa trace et voilà bien un mois et demi que je l'avais contacté et attendais -presque en vain- une réponse. Je commençais à m'inquiéter. Quelques temps après son départ et le retour d'Izikel, elle m'avait expliqué sa situation et m'avait demandé de chercher des informations sur un groupe mafieux qui cherchait sa trace. Je l'avais fait, lui envoyant mes résultats mais c'était il y a un mois de cela. Depuis, c'était silence radio de sa part. Je continuais ma collecte d'informations et lui faisait des rapports régulier mais je désespérais d'avoir de ses nouvelles désormais. Voir donc sa réponse dans ma boîte mail eu l'effet d'une douche froide pour moi. Je pris une grande inspiration et m'assit pour lire sa réponse.
« Kwaïgon,
Je te suis infiniment reconnaissante pour tout ce que tu fais pour moi. Je t'en prie, je t'en supplie, ne dis rien à Walig. Et je t'en conjures, fais attention à vous tous. Ceux qui sont à mes trousses commencent à s'intéresser à vous également. Il ne faut surtout pas qu'ils fassent le lien… Autrement, je me porte bien et Naïg aussi. Je l'ai laissé avec Pierce pour changer de logement, pour sa propre sécurité. J'espère que cela suffira… Je comptes déménager dans peu de temps et conserver une certaine distance avec les ukrainiens. C'est ma seule option pour garantir ma sécurité. Je comptes sur toi pour garantir celle d'Izikel et des autres…
Merci encore Kwaï'… Moïra. »
Une mise en garde et très peu d'informations. C'était du grand Moïra ! Je n'avais plus qu'une chose à faire : démêler tout ça et partir à la pêche aux infos !
Après le déjeuner, j'étais parti en trotting avec Liam, Neyla, Ale et Dean. Unfor' mit au pré après cela, je n'avais plus rien à faire. En théorie en tout cas. Malgré tout, au lieu de partir m'enfermer dans ma chambre, je restais auprès de l'équipe. Assis à l'ombre d'un arbre, au bord de la carrière, je regardais Izikel et Liam travailler. Liam était à pied et Izikel en selle sur Insane Boy, la nouvelle recrue de Liam. L'étalon palomino, après s'être remit de son voyage, commençait à montrer son véritable caractère, qui n'était pas des plus facile. Mais Izikel suivait le mouvement et s'adaptait à sa monture. Cette contemplation silencieuse me permettait de réfléchir un peu, ce qui était essentiel en ce moment. J'avais besoin d'un plan. D'une stratégie. Ce qui m'imposait d'y réfléchir, au moins un minimum. Feindre de regarder la séance des garçons me donnait une excellente excuse. Bien qu'en réalité, j'observais tout de même réellement le travail d'Izikel et écoutais les consignes de Liam…
Je soupirais, soudain un peu las. Qu'allais-je faire ? Par où commencer ? Il fallait que je conserve l'ignorance et l'innocence des autres intactes. Il ne fallait surtout pas qu'ils s'inquiètent et prennent les devant. Éliminer le potentiel danger avant qu'il ne soit une réelle menace n'était plus une solution viable. Ils ne pouvaient plus partir à l'aventure comme ils le faisaient avant. Leur équipée avait subit les conséquences du temps et ils n'étaient plus aussi aguerri qu'avant. Il suffisait de lever les yeux et les regarder pour comprendre : Louna, bien qu'elle ai retrouvé sa vivacité d'esprit, n'était plus que l'ombre d'elle même physiquement parlant. Izikel se remettait à peine de ce qu'il avait subit avec Moïra, bien qu'il soit plus stable mentalement. Ezra était éprit d'Inna et s'attachait de plus en plus à elle. Liam avait un fils dont il ne pouvait pas risquer l'avenir. Je m'interdisais de faire subir à Lou-Khyan un autre traumatisme et il était hors de question que Logan, Siobhan, Dean ou encore Neyla ne prenne part à l'horreur qui nous unissait tous… Je pouvais peut-être compter sur Alejandro, mais lui aussi essayait de se reconstruire au Haras. Je ne voulais pas le faire replonger. J'étais seul. Et je me devais de le rester.
Dans un premier temps, il fallait que je connaisse mon ennemi. Si Moïra m'avait dit qu'ils commençaient à s'intéresser à nous, cela signifiait qu'ils avaient au moins nos noms. Maintenant, comment mettre la main sur eux ? Moïra m'en avait dit plus dans son précédent mail… La mafia ukrainienne, les frères Iakimov. Alexei et Sergei. D'origine russe en réalité mais exilé en Ukraine par les parrains russes. Leurs pratiques déplaisaient. Ils étaient fous et dangereux. Les recherches que j'avais déjà faite pour Moïra m'en avait apprit un peu sur eux, mais pas suffisamment. En tout cas, pas s'ils s'intéressaient à nous. Il me fallait absolument une longueur d'avance sur eux. Je me répétais tout ce que je savais sur eux quand Ale s'assit à côté de moi avec un soupir las. La journée touchait presque à sa fin. Il prenait sans doute une pause avant de rentrer les chevaux et donner les rations du soir. Sans préambule, il m'adressa la parole, murmurant presque.
« T'as eu des nouvelles de Moïra ? »
Mais à quoi est-ce qu'il joue? Mon sang ne fit qu'un tour mais je restais impassible, conservant mon regard perdu sur le couple au travail. Je ne trahissais aucune émotion et je savais que c'était une de mes forces.
« Non. Tu sais, je n'en ai que très rarement de ses nouvelles. »
« Ah bon ? »
Je me contentais de hocher de la tête. Après tout, ce n'était pas vraiment un mensonge. Seulement une demie-vérité. Avant qu'il ne puisse revenir à la charge, je le questionnais à mon tour.
« De quoi vous parliez avec Izikel ce matin ? Il avait l'air contrarié. »
L'américain me jeta un regard soupçonneux mais je ne bougea pas, encore une fois. Je savais mon impassibilité très efficace sur les gens comme lui. J'étais désespérant au possible.
« Il voulait que je commence des recherches sur Moïra… Je lui ai dit que je ne pourrais pas obtenir plus que toi. Que j'avais pas ton réseau. »
Je hochais de nouveau de la tête. C'est ce qu'il fallait répondre. Il avait eu raison. Je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche et y jetais un œil. C'était Ezra. Il voulait que je passe le voir. Avant de partir, il fallait tout de même que je réponde à Ale. Il fallait qu'il garde le moral et qu'il ne craque pas face à la pression que pouvait lui mettre l'irlandais. Et je savais que quand il s'y mettait l'irlandais pouvait se transformer en un harceleur qui ne vous laissait aucun répit. J'en avais fait l'amère expérience. La colère et la tristesse le rendaient agressif.
« Tu as bien fait avec Walig. Renvoie moi le à chaque fois qu'il revient à la charge et ne te laisse surtout pas faire. Je sais qu'il peut être très agaçant. »
« Tu crois que je ne peux pas encaisser ses sautes d'humeur ? »
Le ton était légèrement agressif mais je ne prenais pas la peine de répondre et le fixais, impassible. Ses traits se radoucirent instantanément.
« Pardon je... »
« Je dois y aller. Tu veux que je te rejoigne pour les rations à dix-huit heures ? »
« Non c'est bon, Dean sera avec moi. »
Je hochais de la tête et me relevais, lui donnant une brève tape sur l'épaule avant de m'éloigner. Je ne lui tenais pas rigueur de tout ce qu'il pouvait me dire, à quoi bon de toute façon ? Je n'étais pas de nature très rancunière, à quelques exceptions près. Je faisais confiance à Alejandro pour une simple raison : il était du même acabit que moi. Nous avions tous les deux des valeurs de fond communes et une façon de fonctionner identique. Former à la même école, ou presque. En outre, je lui rendais sans arrêt des services qu'il ne pouvait s'empêcher de prendre comme des dettes à me rembourser, ce qui m'arrangeais, dans une certaine mesure. Je pressais le pas pour rejoindre Ezra devant le Manoir. Cette fois, il n'était pas avec Inna. Il avait cependant les traits tirés et le teint un peu pâle. Il s'inquiétait beaucoup pour la cavalière malgré la bonne marche de sa convalescence. Le métis faisait les cent pas devant le perron, les mains sur les hanches, jouant avec les graviers du bout de ses chaussures.
« Tu voulais me voir ? »
Il releva la tête et me sourit, laissant ses bras retomber brièvement le long de son corps avant de joindre les mains en prière devant lui.
« J'ai besoin de toi ! Est-ce que tu peux me rendre un petit service ? »
Je hochais de la tête sans vraiment prendre la peine de répondre. Curieux au fond de savoir ce qu'il voulait que je fasse.
« Je voudrais faire un cadeau à Inna. »
Il souriait fièrement et même un peu bêtement mais il ne dit rien d'autre. Je restais perplexe un instant, mais je finis par hocher la tête pour l'inciter à poursuivre.
« Je voudrais que tu me trouves une perle rare. Un Kim bis. »
Cette fois je haussais un sourcil. Où voulait-il en venir ?
« Tu veux te débarrasser de Kaiser ? »
Il eu l'air offusqué mais je n'y réagis pas, restant neutre.
« Quoi ? Non ! Bien sûr que non ! C'est son cheval, elle l'adore, je ne lui ferais jamais ça ! Mais je voudrais que quand elle reprenne, elle reprenne avec un cheval de confiance, stable, bien dans sa tête. Le travail avec Kaiser risque d'être plus long que sa convalescence à elle... Et puis elle approche de la fin de son cycle à l'académie et il est temps aussi qu'elle ai un autre cheval dans son piquet... »
Il n'avait pas tout à fait tord. Un bon cavalier de concours qui se respecte avait plusieurs cordes à son arc et donc plusieurs montures... Même si chez eux, ils avaient les chevaux d'élevage, chaque cavalier pro pratiquement avait au moins deux chevaux à sa charge, que se soit en temps que propriétaire qu'en temps que demi pensionnaire... Moi même j'en avait deux à mon nom et une dp...
« Très bien, je vais voir ce que je peux faire. »
« Merci ! Merci Kwaï ! Je te revaudrais ça ! Faut que je remonte ! »
Je lui souriais alors qu'il remontait vers le Manoir à petites foulées. Mais dès qu'il eu passé les portes, je retrouvais mon air neutre et impassible. Où allais-je donc trouvé une perle rare ? J'avais quelques idées en tête. Il ne me restait plus qu'à les mettre en application !
J'avais consacré ma fin d'après midi à la recherche de la perle rare d'Ezra ainsi qu'à mes recherches personnelles. J'avais rejoint Izikel pour le dîner et lui parler du projet d'Ezra. Je voulais qu'il teste mes perles rares pour les valider ou les invalider. Il accepta avec plaisir, ce qui m'étonna quelque peu. Il avait eu l'air d'être d'une humeur massacrante toute la journée et là, il était de bonne humeur. Devais-je me méfier ? Ou s'était il tout simplement fait une raison ? Je n'en savais rien, mais je me gardais de lui poser la question. Inutile de jeter de l'huile sur le feu. Je le quittais sur les coups de vingt-deux heures pour rejoindre ma chambre et étudier plus en profondeur mes infos.
J'y apprit pas mal de choses... Notamment que le nouveau problème qui s'imposait à nous n'en était pas un petit, et cela m'inquiétais. Alexei et Sergei Iakimov étaient tous les deux rechercher par le gouvernement américain et d'autres plutôt européens pour des crimes assez variés : corruption, meurtres, blanchiment d'argent, détournement de fond, divers vols et menus larcins, trafics de drogues, d'organes, d'enfants et de femmes, ainsi que tentatives d'homicides -ou en d'autres termes, passages à tabacs. Une liste bien trop longue à mon goût défilait sous mes yeux. La plupart de leurs collaborateurs étaient basés en Amérique du sud ou en Europe de l'est et la plus grosse part de leur réseau était soupçonnée de ne pas avoir été découverte à l'heure actuelle. Que de réjouissances ! Ils étaient d'origine russe et avaient tous les deux travaillé pour le gouvernement russe, avant de commettre quelques impers : la torture dans les prisons comme forme d'interrogatoire, oui, mais pas à leur manière. Apparemment, leur méthode dérangeait. Mais pour l'instant, je ne savais pas en quoi elle consistait, l'info n'ayant pas été déniché par mon petit programme collecteur. Mais pour qu'ils soient finalement expulsé du pays, c'est qu'ils ne devaient pas y aller avec le dos de la cuillère... Imaginez le pire et vous commencerez à saisir de quoi ils sont capable à l'échauffement...
Je passais une main sur mes yeux et jetais un regard à l'heure : une heure du matin. J'en connaissais désormais plus sur le sujet et je savais à qui demander quoi. Maintenant, il fallait que je lance la procédure. Je me décidais à dénicher mon autre ordinateur portable -le crypté- et le mettais en route péniblement. Je commençais par contacter mon maître d'arme, Mr. Tanaka, ainsi que d'autres connaissances de moindre envergure dans les réseaux illégaux asiatiques. Si les frères Iakimov étaient toujours sur le marché, quelqu'un devait forcément les connaître. Les mafieux se connaissaient tous, c'était vital pour eux. Et je m'étonnais moi même de ne pas avoir entendu leur nom plus tôt d'ailleurs ! Voilà bien trop longtemps que je ne faisais plus parti du réseau... Cela me jouais parfois des tours, comme aujourd'hui.
Une heure plus tard, j'avais enfin terminé et je fermais mon ordinateur pour quelques heures de sommeil. Dans trois heures, je serais de nouveau debout pour une nouvelle journée partagée entre recherche et cheval... J'espérais seulement arrivé à fermer l'oeil et avoir au moins une heure de vrai repos... Le poids du secret était bien plus pesant qu'on ne pouvait l'imaginer. Mais je le leur devais...
A tous.
Halloween
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