Chapitre 08
Episode 05
Remise en selle ;
C'était le grand jour. Le jour où elle allait enfin, après une éternité, pouvoir se remettre en selle. Elle n'en avait presque pas dormi de la nuit et n'arrivait pas à empêcher une certaine anxiété de l'envahir. Mais qu'importe. Avant de descendre au petit déjeuner, elle enfila une tenue d'équitation et rejoignit l'équipe après avoir embrassé Enzo. En bas, toute l'équipe était déjà là, comme d'habitude et elle s'arrêta un instant dans l'encadrement de la porte pour les observer. Rien n'avait changé pendant son absence... Ou presque. En fait si, les choses avaient changés. Mais très subtilement. Liam était toujours en bout de table, mais de chaque côté de lui, il n'y avait plus elle. Ale se trouvait à sa gauche et Dean à sa droite. Venait ensuite souvent Myriam et Maël à côté d'un des américains et Ezra et Inna en face d'eux. Puis Logan et Neyla, souvent ensemble, avec Kwaïgon et Izikel. Enfin, Lou et Siobhan qui restait un peu isolés, en amoureux. L'équipe était unie, joyeuse. Et dans des moments comme celui-ci, elle ne se sentait plus à sa place.
Ce matin, le plan de table n'était pas si différent de celui du reste de la semaine. Liam était en bout de table, Ale et Dean de chaque côté. Myriam et Maël manquaient à l'appel mais ils ne devaient sans doute pas encore être prêt. Ezra venait ensuite, avec Kwaïgon en face de lui. Logan et Neyla étaient côte à côte à côté d'Ezra, laissant pas mal de places libre à côté de Kwaïgon. Lou et Siobhan n'étaient pas là. Et Izikel non plus. A cette pensée, la gorge de la jeune femme se noua. Izikel... Elle avait beau essayé, elle ne parvenait pas à retrouver les souvenirs qui les liaient... Pourtant elle se souvenait du reste, alors pourquoi pas de lui ? Pourquoi l'avait elle effacé de sa mémoire de cette façon ? Elle faisait un blocage... Elle comprenait pourquoi il lui en voulait... Tous les autres lui avait raconté ce qu'il s'était passé, même s'ils avaient des trous. Mais elle avait espérée être pardonné, comme avec tout les autres, et non haït... Elle soupira, perdu dans ses pensées, le regard dans le vide, un bras replié sous sa poitrine et l'autre coude appuyé dessus, à faire coulisser le pendentif sur la chaîne qu'elle portait au coup. Quand elle sorti de ses pensées et releva les yeux, elle croisa le regard bienveillant de Liam et rejoignit la table. Elle s'installa à côté de Kwaïgon avec un sourire.
« Prête ? »
« Oui ! J'ai plutôt hâte ! »
L'éleveur sourit et reprit ses notes sur son calepin, discutant avec Dean en même temps. Un problème de foin apparemment.
« Café ? »
« Oui s'il te plait. »
« Alors, tu sais sur qui tu vas te mettre en selle ? »
« Non pas encore... C'est Liam qui choisi apparemment... »
« Ah... Si le chef à dit que alors... »
« C'est ça ! »
Le coréen lui servit une tasse de café et se replongea doucement dans la lecture d'un quotidien japonais sur son smartphone. A l'autre bout de la table, Ale et Ezra étaient en grande conversation. Logan et Neyla comataient devant leurs cafés. Un petit déjeuner calme... La jeune femme en profita pour replonger dans ses pensées mais la voix claire d'Ezra l'en sorti quelques minutes plus tard.
« Walig ! »
Elle sentit le corps tendu de l'irlandais avant de le voir. Il s'approcha de la table et se tint derrière elle, sans un mot, à bonne distance.
« Assied-toi, faut qu'on parle de Kaiser. »
Le jeune homme soupira et hésita un instant. Louna ne se retourna pas, gardant les yeux baisser sur son café. Le coréen releva à peine les yeux pour saluer l'éthologue. Liam et Dean discutaient toujours, bien que Liam surveille la réaction d'Izikel du coin de l'oeil. Logan et Neyla observaient la scène avec une certaine nonchalance. Finalement, l'éthologue s'assit à côté de Louna, enjambant d'un geste souple le banc. Il garda une certaine distance entre Louna et lui, et la jeune femme le sentit crispé, tendu comme un arc. La mâchoire serrée et les poings également. Il expira lentement en s'asseyant et se détendit un peu, bien qu'il n'accorda pas un regard à l'éleveuse.
« Café ? »
« Oui, merci. »
« Sucre ? »
« Non, merci. »
Ezra arborait un regard à la fois étonné et victorieux, mais il ne fit aucun autre commentaire. Il attendit que Kwaïgon donne son café à l'irlandais et reprit son air sérieux, comme si de rien n'était... Comme si l'éthologue ne venait pas de faire une effort surhumain.
« Comment va Inna ? »
« C'est compliqué... Je dois aller la voir après le petit dej', les heures de visites sont super strictes, c'est l'horreur ! Je déteste ça... »
L'éthologue émit un petit rire étouffé.
« Tu veux que je fasse quoi de Kaiser alors ? »
« Faudra voir avec Inna mais va sans doute falloir le bosser... Le remettre dans un état d'esprit... Normal disons... »
« Tu veux que je vienne à la clinique avec toi ? »
« Non... Ça va aller. En fait... »
Le métis ne termina pas sa phrase et jeta un oeil à Liam, qui releva les yeux sous le silence gêné qui s'installa. Qu'est-ce qui se passe là ? Pourquoi tout le monde est silencieux d'un coup ? La jeune femme ne relève pas pour autant les yeux, fixant le liquide noir de sa tasse.
« On a un soucis. »
« Qu'est-ce qui se passe ? »
L'éleveur soupira et posa un instant la tête dans ses paumes, avant de croiser les mains sur la table et se pencher légèrement en avant, fixant Izikel d'un regard grave. L'irlandais se tendit de nouveau, serrant sa tasse entre ses mains et crispant la mâchoire. Liam allait lui demander un service désagréable. Et tout le monde le savait, Izikel comprit... Et avec cet air grave de Liam, Louna eut une petite idée de ce que ça allait être. A cette idée, elle fut prise d'un haut le cœur et serra les dents.
« On a un problème avec Dux. Il est de nouveau en colique et c'est pas bon du tout. Le centre de soin préfère nous envoyer en clinique vétérinaire... Donc on va y aller, sauf qu'elle est à quelques heures de route, on ne sera pas revenu avant demain... -il soupire- Je pars avec Dean... Myriam est accompagnatrice d'une sortie scolaire pour la journée, Logan, Lou et Neyla vont faire un salon, ils ne seront pas là quelques jours également... Le salon est à Wellington. Ale doit s'occuper des élevages et... »
« Je peux pas laisser Inna toute seule... »
« Kwaïgon a accepté de s'occuper des tours de paddocks des AUPA et... »
Liam prit une grande inspiration... Il n'y avait plus de doute, et au visage fermé d'Izikel, lui aussi avait comprit.
« Est-ce que tu peux, s'il te plait, rester avec Louna pour sa remise en selle ? »
On y est... Il avait demander cela timidement mais avec une certaine fermeté et un désespoir dans la voix. Izikel savait, tout comme Louna, que s'il refusait, elle ne pourrait pas se remettre en selle avant la semaine suivante, la faute à leurs emploi du temps de concours trop chargé et les plannings de repos des chevaux. Izikel serra la mâchoire et expira de nouveau très lentement, pour se calmer sans doute. Il fini par relever les yeux et les fixer dans ceux de Liam.
« Très bien. Mais qu'on soit bien d'accord et que se soit clair dans vos petites têtes à tous : c'est. La. Dernière. Fois. »
Le ton froid et calme qu'il avait employé, dénué d'émotion, détachant bien chaque mot, serra de nouveau la gorge de la demoiselle. Un mauvais pressentiment l'envahit mais elle ne broncha pas. D'une part, elle ne voulait pas repousser sa remise en selle d'une semaine de plus. Et d'autre part, il avait accepté de travailler avec elle, même si c'était contre sa volonté et par obligation. C'était aussi peut-être une occasion de recommencer à nouer des liens ? Elle ne supportait pas l'idée que quelqu'un puisse autant la haïr et elle voulait que le regard que l'irlandais portait sur elle change. Mais pour cela, il allait lui falloir du temps, et de nombreuses preuves de son désir de changer les choses. De très nombreuses.
« Merci Walig. Prenez Orcanta ou Unfor... On va essayer d'éviter Nara, pour ne pas la séparer trop longtemps d'Ice... »
L'éthologue hocha de la tête et se leva sans attendre et sans accorder un regard à personne. Une fois qu'il fut parti, c'est Ezra qui reprit la parole, alors que Liam soupirait.
« C'était pas si dur finalement... J'ai cru qu'il allait refuser à sa tête. »
La demoiselle releva enfin les yeux et croisa le regard désolé de Liam. Ce n'était pas de sa faute, elle ne pouvait pas lui en tenir rigueur.
« C'est pas grave. Ça va aller... Et puis il fera que de la figuration, non ? »
« J'espère oui... »
« Ale tu fais quoi toi déjà ? »
« Je dois aller voir le fournisseur de foin après avoir mit l'élevage en paddock... »
« Je suis sensé l'accompagné mais si tu veux que je vous accompagne... »
« Non ça va aller... Allez-y. »
Elle sourit faiblement. Un petit quelque chose lui disait que la journée allait être longue...
Un mauvais pressentiment habitait la jeune femme, mais elle se dirigea tout de même d'un pas décidé vers l'élevage de Liam pour préparer Unfor. Izikel lui avait envoyé un message pour lui donner rendez-vous au manège dans une demi heure. Le temps pour lui de réserver la structure -privilège de moniteur- et de la ranger et pour elle de seller Unfor et se rendre audit manège. Liam avait eu la délicatesse de laisser le grullo dans son box et il était propre. La demoiselle n'eut donc pas grand chose à faire pour préparer l'étalon. Coup de cure pied, coup de grosse pour la forme, pose des bandes, tapis, selle de dressage, filet. Elle n'eut plus qu'à enfiler ses gants et mettre sa bombe avant de sortir pour rejoindre le manège, avec un peu d'avance.
Quand elle entra dans la structure, l'étalon à sa suite, à première vue, elle était vide. Mais Izikel surgit de nulle part, la faisant sursauté et referma la porte derrière le couple. Louna se retint de lui jeter un regard assassin et se dirigea au centre du manège, où elle stoppa Unfor. L'étalon était calme pour l'instant mais sa nuque haute et ses oreilles en avant montraient qu'il était complètement alerte. La jeune femme descendit ses étriers, patiemment et vérifia son sanglage. Une fois de plus, la voix d'Izikel dans son dos la fit sursauter.
« Tu veux que je t'aide à monter ? »
Elle se retourne sur Izikel et échange un regard furtif avec lui. Il n'a pas l'air hostile, mais son visage est fermé.
« Non ça va aller... Merci. »
Il se contente d'un hochement de tête et s'éloigne, un cube sous le bras. Il pose le tout pas très loin du milieu, dans une zone nulle de tracé de figure de manège basique et s'assoit, sortant son téléphone de sa poche pour se plonger dedans. C'est rare de le voir le nez dans son téléphone... Généralement ce n'est pas vraiment son truc. Mais il faut croire qu'il a besoin d'une échappatoire et le petit habitant de nos poches en est un parfait. La jeune éleveuse soupire et se met en selle, avec difficulté. Ces longs mois d'arrêt lui ont fait beaucoup de mal... De même que la perte de son tonus musculaire. Elle grimace en chaussant ses étriers et reprend doucement ses rênes. Quelques réflexes sont encore là, c'est déjà ça. Elle presse doucement les mollets et Unfor se met en marche en secouant un peu la tête. Il est excité. Une des juments de l'élevage doit être en chaleur. Cette constatation fait grimacer de nouveau la jeune femme mais elle ne dit rien. Elle tente de retrouver ses sensations en selle et ses bases. Petit à petit, elle met en place ses aides et se corrige, selon la façon dont réagit Unfor'. Mais l'étalon piétine et s'impatiente. A tort peut-être, la demoiselle prend le trot, mais Unfor' bondit en avant et s'ébroue violemment. Louna lâche ses rênes et s'agripe à la crinière du grullo mais l'étalon poursuit ses sauts de mouton et désarçonne l'éleveuse qui tombe lourdement sur le côté. En quelques secondes, Izikel est à côté d'elle.
« Ça va ? »
« Ça va... »
Il hésite mais lui tend finalement la main pour la remettre sur pied. Elle a les larmes aux yeux plus à cause de la rage que de la douleur. Les émotions se bousculent et lui enserre la gorge. L'éthologue la laisse là et va récupérer l'étalon qui poursuit ses coups d'épaules comme un poulain. Un coup de rêne dans les dents en plein milieu d'un de ses sauts le stoppe net et il recule violemment, mais le garçon le tient toujours. Il ne dit rien et fixe l'étalon, tenant fermement sa rêne. Une fois le grullo à l'arrêt, il le contourne et saute en selle, sans s'aider des étriers, qu'il ne chausse d'ailleurs pas. Rapidement, il ajuste ses rênes et met l'étalon au trot sur la piste, puis au galop. Le grullo lâche quelques coups de cul que l'éthologue suit avec souplesse. Il le laisse accéléré à sa guise et lâcher son jus, tout en contrôlant sa trajectoire. Louna, rouge de honte au centre du manège, le regarde faire, les mains sur les hanches. Au bout de quelques minutes, il a reprit un galop de travail classique. Izikel le travaille à cette allure, relâchant peu à peu la pression. Unfor vient se caler sur sa main et obéit, avec souplesse et soumission. Quand Izikel s'arrête à côté de Louna, l'étalon écume et transpire, mais il est plus calme. L'éthologue la regarde du haut de sa selle, avec une certaine sévérité dans le regard.
« Tu as peur. Il le sent. »
« Je pense que c'est plutôt une jument en chaleur... »
Il soupire et met pied à terre, s'écartant pour la laisser remonter. Elle hésite. Elle n'a pas très envie de rechuter. Elle a le malheur de croiser le regard dur de l'éthologue.
« Remonte. »
Une hésitation mais finalement, elle se plie à l'ordre du cavalier et se remet en selle. Unfor se tend de nouveau quand Izikel se recule et l'étalon le regarde. La jeune femme tente de se détendre et reprend ses rênes en rechaussant ses étriers. D'abord au pas. Elle enchaîne les cercles et teste sa capacité à s'arrêter. Puis prudemment, elle prend le trot. Ce coup-ci se passe plutôt bien. Elle enchaîne donc les exercices simple, les transitions. Mais quand Unfor accélère, elle se crispe, ce qui contracte plus encore l'étalon et le fait accélérer encore. Le cercle vicieux par excellence... Qui n'échappe pas à Izikel.
« Détends toi. »
« JE SAIS ! »
Elle n'avait pas voulu crier. Sa clameur, dans le silence du manège, effraie Unfor' qui fait un violent écart. Louna se retrouve de nouveau dans le sable, mais plus en douceur cette fois. Elle tient un instant les rênes mais l'étalon se débat et elle lâche. Encore une fois, il ne suffit que de quelques secondes pour qu'Izikel soit au dessus d'elle, à lui tendre la main. Cette fois il n'hésite pas, mais elle sait qu'il réprime un frisson à chacun de ses contacts.
« Tu es crispée, c'est un cheval qui réagit très fort au comportement du cavalier. »
« JE SAIS ! JE SAIS IZIKEL ! »
« Alors cesses de crier ça ne t'avanceras à rien ! »
La frustration et la rage la font fondre en larme. Ce n'est pas que la chute, c'est un tout. C'est son incapacité à pouvoir, encore aujourd'hui, être incapable de faire certains gestes, à avoir perdu une partie de son autonomie, de sa mémoire, le comportement d'Izikel envers elle qu'elle ne comprend qu'à moitié, la réserve des médecins. Pourra-t-elle retrouver son niveau un jour ? Et l'amitié qu'elle a perdu ? L'éthologue est reparti chercher l'étalon pour laisser à la jeune femme le temps de se calmer et il le fait marcher sur la piste, marchant à côté de lui. Il faut quelques minutes à la jeune femme pour récupérer un semblant de sang froid. Mais quand elle s'approche d'Izikel et de l'étalon, tout son corps tremble et le jeune homme la stoppe d'un geste.
« Avant de remonter, calmes toi. »
« Je suis calme. »
« Certainement pas. Tu trembles. »
« La faute à qui ?! »
« Certainement pas la mienne. »
« Pardon ?! »
Son ton est acerbe et le regard de l'éthologue se fait noir. Au moment où elle lui dit, elle sait qu'elle a été trop loin. La mâchoire du garçon se crispe et après un dernier regard, il prend le chemin de la sortie, emportant l'étalon avec lui.
« Le cheval. »
Il s'immobilise et se retourne à demi.
« Tu rigoles j'espère ? »
« Non. Laisses moi Unfor'. »
« C'est hors de question. »
Le ton monte. Foutu pour foutu, autant que ça éclate maintenant.
« Et pourquoi ? »
« Tu sais pourquoi. »
« NON JE NE SAIS PAS ! »
« Louna, ça suffit. Rentres et regardes toi dans un miroir et tu comprendras pourquoi. »
« MAIS QU'EST-CE QUE T'EN AS A FAIRE DE TOUTE FAÇON ? TU VOULAIS PAS VENIR ! QU'EST-CE QUE T'EN AS A FAIRE QUE JE TOMBE OU PAS ?! »
Cette fois il se retourne et son regard est noir de colère. Mais contrairement à la jeune femme, il n'hausse pas le ton et reste presque calme.
« J'en ai à faire que je l'ai promis à Liam. J'en ai à faire que même si ça ne se voit pas, j'ai encore assez de respect pour toi pour t'empêcher de te tuer avec ce cheval. J'en ai à faire que je n'ai pas envie d'avoir encore une mort sur la conscience et encore moins la tienne ! J'en ai marre de tout ça. J'en ai marre d'avoir des fantôme à traîner toutes les nuits ! La plupart je te les dois, alors ne viens pas me faire la morale sur quoi que se soit. »
« Parce que tu crois que je n'en ai pas marre moi ? De ne pas savoir ce que je t'ai fait ? De ton comportement envers moi ? J'ai l'impression d'être une sous merde ! Et aujourd'hui plus que n'importe quand ! Je dois me faire chaperonner pour monter à cheval. Et en plus par l'homme qui doit sans doute le plus me haïr au monde. En plus je tombe ! Deux fois ! Et tu trouves rien de mieux à faire que de monter dessus et me prouver à quel point je suis une incapable ! »
« Parce que tu crois que je suis monté dessus pour te prouver quelque chose ? »
« Oui ! »
« Et bien ça prouve en effet à quel point tu ne me connais pas ! Je suis monté dessus pour lui permettre de se lâcher, sans avoir à aller chercher une longe ou le laisser en liberté. Sans qu'il ne soit un danger pour toi ou pour lui même ! Et oui, je te déteste parce que tu m'as trahi ! Je croyais te l'avoir clairement expliquer la dernière fois qu'on a eu ce genre de tête à tête. Non je ne compte pas te pardonner tout de suite, parce que je l'ai encore en travers de la gorge, et que je suis quelqu'un de rancunier. N'échange pas les rôles Louna, ce n'est pas toi la victime. Ce n'est pas toi qui a été trahie. Maintenant si tu ne comprends pas que j'ai besoin de temps pour me reconstruire -parce qu'en ce moment, tu ne le sais peut-être pas, mais ma vie ressemble à monceau de verre brisé, et bien je ne peux rien pour toi. Je fais déjà des efforts et pour l'instant, je suis incapable d'en faire plus. Si ça aussi tu ne peux pas le comprendre, alors effectivement, on a vraiment plus rien à faire ensemble, et il vaudrait peut-être même mieux que je quitte le Haras. »
« Quoi ... ? »
Quitter le Haras ? Lui ? Liam ne lui pardonnerait jamais... A elle en tout cas. Toute colère et toute rage avait quitté le corps de la demoiselle d'un coup. Sa vie, un monceau de verre brisé ? Elle savait qu'il s'était absenté quand elle était à Chicago mais personne ne lui avait dit pourquoi. Comme il était revenu avec des chevaux, elle avait simplement penser qu'il était aller les chercher. Ses blessures dû à une mauvaise chute ? Personne ne lui avait rien dit. Les autres parlaient, certes, mais elle n'avait pas fait une seule fois le rapprochement avec quoi que se soit. Pourquoi ne lui avait-on rien dit ? En réalité, elle savait pourquoi. Elle prenait simplement le petit déjeuner avec l'équipe et quand ils discutaient avec elle, c'était des élevages, des FHE, de sa rééducations, d'eux, mais jamais d'Izikel. Il était son tabou et personne ne l'évoquait devant elle... Cette constatation lui fit un choc. Il avait des problèmes et personne ne lui avait rien dit...
« Tu as très bien compris. »
« Non, ne... Ne pars pas. Ne quittes pas le Haras. »
« Se serait mon choix. Je n'ai pas besoin de ton avis. »
« Je suis désolée. Je... En fait je ne sais pas ce qui t'arrive. Personne ne me parle de toi. Personne ne m'a parlé de toi depuis que je leur ai demandé de te décrire cet hiver... Avant de repartir à Chicago. »
« Et bien tant mieux pour toi. »
« Dis moi alors... Dis moi ce qui t'arrive. »
Il détourne les yeux un instant et son visage se crispe. Ça doit être douloureux.
« Je ne pense pas que se soit une bonne idée. »
« S'il te plait... »
« Non. »
« Izikel, s'il te plait... Mets moi au moins au courant, que je ne sois pas encore l'idiote de service... Ou que je te blesse sans le savoir. Je t'ai assez fait de mal comme ça, ne me laisse pas l'occasion de continuer. »
Il hésite, mais son regard est toujours sombre. Il faut le convaincre.
« Je sais que je te demande un effort supplémentaire mais... -elle soupire- S'il te plait... Peut-être que je pourrais t'aider ? »
Elle hausse les épaules, en désespoir de cause et referme les mains sur ses bras, comme pour se réchauffer. Unfor' est toujours immobile à côté de l'éthologue. Le garçon fini par soupirer et se pincer l'arrête de nez. Il se retourne sur l'étalon, dessangle et desselle. De l'autre main, il décroche sa muserolle et fait glisser le filet de sa tête avant d'émettre un long sifflement. Aussitôt, l'étalon grullo fait un bond sur le côté et s'éloigne de lui en saut de mouton. L'éthologue va au centre du manège et dépose le matériel et Louna le suit, gardant un oeil sur l'étalon grullo qui galope librement autour d'eux. Le brun se laisse tomber sur son plot, comme vide de toute énergie et quand il reprend la parole, c'est d'une voix très lasse, empli d'une tristesse profonde.
« Tu te souviens de Moïra ? »
« Abraams ? La tueuse à gage ? »
« Oui. »
« Bien sûr... Elle m'a apprit beaucoup de choses à Paris... Elle m'a permis de survivre dans la rue et finalement d'en sortir... »
« Et bien je l'aime. Beaucoup. Malheureusement il a fallu qu'elle prenne le large. Elle a changé d'identité et on arrive pas à la retrouver. Je suis sans nouvelles d'elle. Et ça me détruit. »
« Elle t'aime aussi... Depuis le début. »
Le jeune homme lui jette un regard soupçonneux et elle se risque à un sourire, auquel elle n'a pas de réponse. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.
« Elle me l'avait dis un peu après Paris... Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis mon réveil... Elle est venu me voir à l'hôpital. »
« Je sais. »
« Je suis désolée Izikel... Sincèrement. »
Il soupire, mais ne répond pas. Il enfouit un instant la tête dans ses mains, passe ses doigts dans ses cheveux et il faut toute sa force de caractère à la jeune femme pour ne pas lui poser une main réconfortante sur l'épaule. Elle croise les bras pour réprimé ce geste et le jeune homme se relève finalement après un soupir. Il siffle le grullo et tend une main amicale vers l'étalon qui approche au petit trot. L'éthologue se tourne vers elle et lui fait un signe.
« Viens. »
Elle approche et il tapote le dos du grullo. Elle se laisse faire et aider quand il lui fait la courte échelle pour qu'elle se mette à cheval, bien qu'une certaine appréhension monte en elle. Se retrouver sans selle, c'est étrange. Surtout après tant de temps. Mais la sensation est agréable. Elle sent chaque muscle rouler sous ses cuisses. Izikel reste à côté de l'étalon et le fait marcher. Il le place sur la piste, de façon à limiter son champs d'action et lui demande un pas espagnol. Unfor est hésitant mais il veut bien faire et lève les antérieurs avec un peu trop d'enthousiasme. Cheval expressif... Ensuite, un petit trot, très compact, très confortable. L'homme et le cheval mettent un moment à s'accorder avant que le trot de l'étalon ne devienne régulier. Puis Izikel le ralenti et demande un piaffer. Là encore, Unfor hésite, mettant un moment à comprendre qu'il doit d'abord basculer son poids vers l'arrière. Louna l'y aide un peu, en orientant ses épaules. Puis ils repartent en avant, tout aussi lentement. Puis arrêt. Elle est enfin détendue et sourit. Unfor, à l'arrêt, garde la tête collée sur le torse du jeune homme, qui lui gratte gentiment le haut de l'encolure, derrière les oreilles, le nez dans son toupet. Ils restent longtemps ainsi, la jeune femme toujours perchée sur le dos du grullo, silencieuse. Ce n'est qu'une fois la respiration du grullo très lente que le jeune homme rompt le contact et laisse la jeune femme descendre. Il ramène le couple au centre et remet son filet à Unfor' avant de prendre la selle dans les bras.
« Je te laisse le ramener, je vais m'occuper de sa selle. »
La demoiselle acquiesce avec un fin sourire.
« Ok. Et Izikel... Merci. »
Il pince les lèvres et lui fait un bref hochement de tête avant de partir devant. Finalement, peut-être que tout n'est pas perdu... Mais il va leur falloir du temps... Beaucoup de temps...
Halloween
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