Chapitre 08
Episode 04
Les tourments de l'âme ;
Le calme. Le silence. En ce doux matin automnal néo-zélandais, le temps était à la pluie. La pluie tombait sans relâche, droite et implacable, vous transperçant de part en part. Un temps maussade, qui avait décidé Liam à laisser sa journée à l'équipe, ou presque -la journée était tout de même consacrée aux box, qu'il fallait vidé, nettoyé et remplir à nouveau de litière propre. Le temps mais aussi l'état inquiétant dans lequel se trouvait Izikel. Sa chute avec Unforgotten Winter avait été spectaculaire. Cheval comme cavalier se retrouvaient au tapis... Cette chute avait jeté une ombre sur le concours et les deux élevages. Heureusement, il n'y avait pas de casse pour l'un ni pour l'autre. Unfor se retrouvait boiteux suite au choc mais il se remettrait vite. Izikel quand à lui, était cloué au lit de façon préventive. Il se remettait à peine de ses profondes blessures physiques et une chute n'était pas la bienvenue. Ezra était fou de rage et d'inquiétude mais Myriam avait insisté pour prendre la main. Elle veillait donc Izikel, avec toute la bienveillance dont elle pouvait faire preuve...
Assise dans le fauteuil club que l'éthologue avait choisi pour mettre près de sa fenêtre, elle regardait la pluie s'abattre du ciel gris au dehors. Une tasse de thé fumant posé sur la console à côté d'elle, un livre de poche dont elle retenait la page avec son pouce sur ses genoux, un plaid entourant ses épaules, elle attendait, perdue dans ses pensées. Depuis son retour, Izikel avait changé. Tout le monde l'avait constaté, mais personne n'en parlait vraiment. Liam s'inquiétait pour lui plus qu'il ne s'inquiétait pour Louna. La jeune femme était un peu perdu, mais elle se rapprochait de plus en plus d'Enzo et sa troupe, s'éloignant peu à peu d'eux. Sa longue convalescence n'avait pas aidé à la garder près d'eux. Elle était toujours dans leur cœurs bien sûr, mais l'équipe avait dû se reconstruire différemment à la suite de son accident, et elle n'avait pas émit le souhait de reprendre leur ancien système. Alors ils avaient continuer ainsi, sans se poser de question. Quand elle était là, sans l'éthologue dans les parages, elle était souriante, joyeuse, pleine de vie. La Louna qu'ils avaient toujours connu, les soucis en moins. La Louna de ses débuts au Haras. Elle était devenue une jeune mariée pétillante et cela réchauffait le cœur de chacun. Mais il y avait une ombre à son tableau : Izikel. L'éthologue la haïssait au plus profond de son être et cela chamboulait l'éleveuse plus qu'elle ne le laissait paraître. Mais ni l'un ni l'autre n'était prêt à en discuter, à faire le point. Alors les choses suivaient leur cours, aussi paisiblement que possible. La vie quotidienne les accaparait trop pour qu'ils se penchent sur de tels tourments...
L'éleveuse soupire avant de boire une gorgée de son thé fumant. Son regard doux se pose sur Izikel. L'éthologue dormait encore, bien que son visage exprime les rêves qui le tourmentent. A en croire ses froncements de sourcils, ce n'est pas un beau rêve. Il se mue d'ailleurs en cauchemar, agitant peu à peu le corps entier de l'irlandais. Il parle dans son sommeil, mais la jeune femme ne saisi pas ce qu'il dit. En douceur, elle pose sa tasse et se lève, s'asseyant au bord du lit de l'éthologue pour le prendre doucement par les épaules et le secouer.
« Izikel... Izikel ! »
L'éthologue se fige et ouvre les yeux d'un coup sec, désorienté. Il regarde fixement Myriam sans comprendre. Couvert de sueur et pâle, il est encore dans ce court laps de temps où on ne sait si c'est encore le rêve ou déjà la réalité.
« Izikel tout va bien. Tu es au Haras, dans ta chambre... Tout va bien. »
Il baisse les yeux, dans une intense réflexion, et fini par se détendre, retombant doucement sur le lit. Sa respiration haletante de fait plus calme. Il lève un bras pour le mettre sur ses yeux et reprendre ses esprits, alors que la jeune femme reprend sa place dans le fauteuil à côté du lit. Elle lui laisse le temps de se reprendre, sirotant doucement son thé. Elle se fige quand elle voit une larme perler sur la tempe du jeune homme. Malgré le fait que ses sanglots soient silencieux, elle ne peut les ignorer aux mouvements de sa poitrine, aux tressautements de son corps entier. De nouveau elle pose sa tasse et s'assoit au bord de son lit. D'un geste doux, elle dégage le bras qui lui cache le visage et l'attire contre elle. Pour une fois, l'irlandais se laisse faire et s'assoit à son tour, posant le front sur l'épaule offerte de la jeune femme et passant ses bras autour d'elle. L'éleveuse referme aussi ses bras autour de lui, lui caressant les cheveux d'une main, l'autre caressant la peau brûlante de son dos nu. Son regard se perd au dehors, parmi les gouttes de pluie qui tombent sans relâche. Elle ne dit rien, laissant le temps nécessaire à l'éthologue pour se calmer. Elle sait ce qui le tourmente, ou du moins, en partie. Mais elle ne peut rien faire. La vie ne l'épargne décidément pas... Sa détresse la touche cependant, mais elle ne peut rien pour lui, seulement lui offrir son soutien et sa présence...
Il finir par se calmer et reprendre ses esprits, après ce qui paru être à Myriam une éternité. Elle s'était mise à le bercer doucement, comme elle le ferait avec Maël pour le consoler. Malgré le fait qu'Izikel ne soit plus un enfant... Malgré tout, l'éthologue attendit d'avoir retrouvé un rythme de respiration calme pour se détaché se la demoiselle. Sans un mot il attrapa le paquet de mouchoir sur sa table de nuit et se moucha. Il se frotta les yeux et poussa finalement un long soupir, sous le regard attentif de Myriam, avant de plongé ses yeux gris clair dans les siens. Les tâches bleuté se mêlant au gris très pâle témoignait de la profonde tristesse qui l'habitait. L'éleveuse lui adressa un sourire chaleureux, tendant la main pour lui caresser la joue. L'éthologue ferma brièvement les yeux à ce contact, penchant légèrement la tête pour appuyé le geste de la jeune femme. Elle rompit le silence en chuchotant, en douceur dans ce monde silencieux.
« Tu veux qu'on en parle ? »
L'éthologue la fixa un moment sans rien dire, pesant le pour et le contre, plongé dans des pensées qui n'appartenaient qu'à lui. Sa lèvre se fit tremblotante, ses yeux plus brillant, et il haussa les épaules. Sa réponse était à peine un murmure, étranglé par un sanglot naissant.
« Je ne sais pas... »
Il se mordit la lèvre inférieure et baissa les yeux, inspirant profondément pour chasser les pleurs qui l'envahissaient à nouveau. Myriam ne l'avait jamais vu aussi vulnérable et le voir dans cet état lui serra le cœur. Mais elle attendit patiemment qu'il s'ouvre, en douceur.
« J'ai rêvé qu'elle... Que Moïra mourrait et que je ne pouvais rien faire. Elle était au bord d'une falaise, je la tenais à bout de bras et elle... -il réprime un sanglot, sa voix se brise- Elle a glissé et elle tombait encore et encore et je ne pouvais pas la suivre... J'étais paralysé... »
Une larme roula sur sa joue. Myriam la cueillit du pouce et soupira doucement.
« Ce n'était qu'un cauchemar Walig... Rien de plus qu'un cauchemar. D'accord ? »
L'éthologue hocha doucement de la tête et posa sa main par dessus celle de Myriam, fermant les yeux un instant. Quand il les rouvrit, il abaissa leurs deux mains. Son regard était toujours aussi pâle mais un peu plus déterminé.
« Comment tu te sens, physiquement ? »
Le jeune homme hausse les épaules et baisse les yeux sur ses mains un instant avant de jeter un œil par la fenêtre en répondant.
« Courbatu mais ça va. Je n'ai plus mal au crâne. »
« C'est déjà pas mal. Pas de douleur autre ? »
Il secoue négativement de la tête et soupire de nouveau.
« Tu veux manger quelque chose ? »
« Je n'ai pas très faim... »
« Tu mange trop peu Walig... S'il te plait... Je t'emmène quelque part. Ça fait longtemps qu'on s'est pas fait une sortie que tous les deux. »
La jeune femme sourit, ce qui fait sourire timidement le jeune homme en retour. Une première victoire.
« Ok, si tu veux... »
« Super ! Habilles toi, je vais chercher les clés de la voiture. »
« Je voudrais prendre une douche avant. On se retrouve en bas dans... Dix minutes ? »
« En bas dans dix minutes. »
Ils échangent un sourire et la demoiselle se penche pour déposer un léger baiser sur le front du jeune homme. Avec douceur elle se lève et attrape sa tasse, prenant le chemin de la sortie...
Ezra et Liam n'aurait jamais laissé Izikel s'approcher d'un cheval de la journée. Elle a donc eu bien raison de proposé à l'éthologue cette petite sortie. Liam approuve, Ezra rage intérieurement de ne pouvoir les suivre. Mais il a confiance en l'éleveuse, elle le rassure d'un regard en reprenant le chemin du Manoir avec les clés du SUV de Liam. Elle fait le chemin du retour en courant, pour ne pas rester trop longtemps sous la pluie encore battante, et quand elle franchit les portes du hall, Izikel est là, au bas de l'escalier. Les mains glissées dans les poches de son jean noir, de petites tennis bleues aux pieds et un polo rayé ciel et marine sur le dos. Les manches sont délicatement remontées au dessus de ses coudes. Ses cheveux, encore humides de sa douche récente sont négligemment rejeté en arrière, mais quelques mèches folles passent devant ses yeux pâles. Un frisson d'envie parcours la jeune femme. Comment ne pas résister à ses charmes ? Sa peau doucement hâlée par des heures de soleil, des muscles finement sculptés, ses yeux gris si pénétrants... Elle n'a aucun mal à comprendre les femmes qui l'aiment. Mais elle réprime cette pulsion soudaine et nouvelle. Izikel est comme un frère pour elle, et elle est follement amoureuse de Liam. Elle sourit à l'éthologue et celui-ci le lui rend, bien que la spontanéité et la joie lui manque un peu. En quelques pas il est à côté d'elle et ensemble, ils sortent du Manoir, Izikel lui tenant la porte d'un bras. Ils pressent le pas, ignorant la pluie, échangeant quelques mots sur l'avancé des "faisage de box" des élevages...
Dunedin fourmille d'activité. Seconde ville étudiante du sud du pays, on y croise sans arrêt des jeunes venu de partout. La péninsule d'Otago est tout ce qu'il y a de plus attractif, même en cette fin d'automne. Ils n'ont pas de mal à trouver des cafés et des pubs, mais ce qui est le plus compliqué, c'est de trouver des places assises à l'intérieur. Ils finissent par opté pour un pub irlandais, venu se perdre aux confins du monde. Il n'y a pas de table, mais ils trouvent deux places au coin du bar, un peu à l'écart. A peine installé, le barman s'approche tout sourire. Le rouquin aux yeux verts pétillants qu'il est leur parle avec un très fort accent irlandais et la jeune femme a bien du mal à saisir tout ce qu'il dit. Mais Izikel n'a aucun mal à revenir à sa langue maternelle de son côté.
« Bonjour et bienvenue ! Qu'est-ce que je vous sers ? »
« Vous avez de la Kilkenny ? »
« Bien sûr ! »
Le jeune homme interroge l'éleveuse du regard qui acquiesce avec un sourire timide.
« Alors deux pintes et deux fish & chips. »
« Très bien ! Je vous ramène tout ça ! »
Un autre sourire radieux et il s'éloigne, accostant avec panache un de ses collègues. Izikel se tourne de nouveau vers la jeune femme, reprenant le français avec une facilité déconcertante. Dans l'équipe, malgré le fait qu'ils soient plus nombreux à être anglophones, c'est le français qu'ils utilisent couramment. C'est d'ailleurs la langue parlée au sein de l'académie. Mais la demoiselle n'ignore pas que certains utilisent l'anglais plus souvent qu'ils ne le pensent. Ezra a tendance à engueuler Izikel en anglais par exemple. Ale garde un très fort accent américain, New Yorkais. Dean également, mais il vient plus de l'intérieur des terres. Lou a un léger accent québécois. Neyla quand à elle, un accent australien. Les exemples ne manquent pas. Mais ils se font très bien à ce mode de langage. Myriam surprend un petit sourire en coin de l'irlandais et fronce les sourcils.
« Quoi ? »
« Rien. Ça te va les fish & chips ? »
« C'est parfait. »
Le jeune homme acquiesce et détourne les yeux en entendant le barman revenir et déposer devant eux leurs deux pintes. Les verres sont déjà plein de condensation de la bière fraîche, rempli jusqu'au bord. Ils lèvent leurs verres pour trinquer doucement et boivent en silence quelques gorgées du breuvage blond. Quand l'éthologue repose son verre, il a une mine contrite et la jeune femme n'a pas à attendre longtemps pour savoir ce qui lui passe par la tête.
« Je suis désolé pour... Pour tout à l'heure. J'ai eu... -il soupire profondément- un moment de faiblesse. »
« Ce n'est rien... »
Elle sourit doucement, pour le rassurer, et un instant de silence flotte autour d'eux. Après une longue inspiration, Myriam reprend d'une voix douce, apaisante.
« Tu sais Walig, ce n'est pas facile de gérer la perte... Surtout quand on est amoureux. Et je trouve que pour l'instant, après tout ce que tu as vécu, tu te débrouille plutôt bien. »
L'éthologue a un sourire amer et garde le regard fixé sur sa bière, traçant des dessin dans l'eau condensé à la surface du verre.
« A coup de cauchemars toutes les nuits et d'autodestruction ? »
« Tu te mutile ? »
Cette fois le jeune homme tourne vers elle des yeux ronds, passablement étonnée.
« Non ! »
« Alors pourquoi de l'autodestruction ? »
« Regardes mon état physique... C'est pas très glorieux... »
« Mais ce n'est pas de ta faute si tu as fait une chute de cheval absolument splendide ! »
Malgré la gravité du sujet, elle arrive à arracher un sourire au jeune homme qui boit une gorgée de bière. Finalement c'est lui qui reprend, d'une voix calme et douce, nostalgique, toujours à jouer avec son verre.
« Elle me manque... Pourtant on n'a pas été en contact si longtemps que ça. Si souvent. En comparaison avec Kwaïgon, j'ai passé très peu de temps avec elle. Mais elle était là à Paris, bien que j'étais obnubilé par Louna -le ton est plus dur avant de se radoucir- Ensuite elle était là en Egypte. On a mieux fait connaissance à ce moment là. Puis New York... Et maintenant, après une année avec Kwaïgon, elle vient à ma rescousse sans hésiter. Et je l'aide, sans hésiter... Je ne comprends pas trop pourquoi elle m'a envoyé Naïg, à moi. Je n'arrive pas non plus à cerner ce qui m'a poussé à l'aider... »
« Ce n'est pas parce qu'on ne voit pas quelqu'un très souvent qu'on ne s'y attache pas... Si elle t'as envoyé Naïg, c'est parce qu'elle avait confiance en toi et qu'elle savait que tu ferais tout pour la protéger. »
« Oui... Mais il y avait Kwaïgon, au Haras... C'était peut-être plus sûr qu'avec moi. Sans doute même. »
« Mais elle t'as vu juste avant... Vous étiez ensemble pour rejoindre le Montana. »
A ce souvenir, le jeune homme a un sourire. Nul doute que cette partie de son voyage lui a été agréable.
« C'est vrai... On a passé quelques jours sympa le temps d'aller du Canada au Montana... On a fait la route en voiture. »
« Tu vois ! Et vous vous êtes attaché l'un à l'autre... »
L'irlandais hausse un sourcil et plonge le nez dans sa bière pour en avaler une longue gorgée. C'est à ce moment là que leurs plats arrivent. Le barman pose deux assiettes bien garni devant chacun d'eux et il revient avec un bol de sauce et des couverts.
« Bon appétit ! »
Les deux cavaliers le remercie et s'attaquent à leurs assiettes avec un certain enthousiasme. C'est plaisant de voir l'irlandais manger avec un tel appétit... Il avait tendance à le perdre ces derniers temps...
« Walig ? »
« Mmh ? »
Il relève vers elle un œil interrogateur et attend la suite.
« Je peux te poser une question indiscrète ? »
Il émet un petit rire et sourit, les yeux pétillants, à la fois curieux de ce qu'elle va dire et méfiant.
« Vas-y... Mais je te promets pas d'y répondre... »
« Est-ce que tu as... eu une relation intime avec Moïra ? »
La surprise dilate les pupilles du jeune homme et lui fait cesser de mastiquer pendant quelques secondes. Il finit par avaler sa bouchée et s'éclaircir la gorge. Ce n'est pas vraiment dans ses habitudes d'étaler sa vie sexuelle au grand jour... Jamais d'ailleurs. Même avec Ezra il a du mal à échanger sur ces choses là. Il se reprend en quelques secondes cependant et un soupir s'échappe de ses lèvres. Un fin sourire cependant l'y remplace, ce qui fait sourire Myriam en retour.
« Ouai... Bon... On peut rien te cacher à toi ! »
« C'est mon côté maman. »
Cette fois il rit en buvant une gorgée de sa bière et la cavalière revient à la charge.
« Et beh raconte ! Ne me laisse pas sur ma faim ! »
« Te raconter ? Je te préviens, je ne rentrerais pas dans les détails. »
« Pas de soucis. »
La jeune femme picora dans ses frites du bouts des doigts, un sourire malicieux flottant sur ses lèvres. Izikel sourit doucement, s'en amusant. Enfin il se détendait un peu !
« La première fois c'était à New York. Pendant notre préparation... Je faisais équipe avec Ale mais... -il soupire- On est pareil au fond. On savait déjà comment on fonctionnait alors au lieu de passer du temps ensemble comme Ezra et Lou devait le faire pour mieux s'appréhender et s'anticiper, on se laissait du temps libre. Ça allait à l'encontre des règles d'Ale mais bon... -il hausse des épaules- Moïra était là, on s'est vu. J'ai passé une nuit chez elle. Deux jour après on était au bord de l'agonie... Elle voulait que je reste avec elle et Kwaï au départ... »
« Ah bon ? »
La jeune femme est étonnée, alors que le cavalier opine du chef avec une pointe de regret dans le regard.
« Mmmh... Je suis rentré par obligation je crois... »
« Je ne savais pas que vous étiez déjà aussi proche. Je savais que tu la connaissais depuis un sacré moment maintenant mais. »
« On est toujours resté en contact. Les semaines où on ne s'envoyait un petit mail étaient rares. »
« Je ne savais pas... »
Le jeune homme a un petite sourire amer. Il fixe son verre sans pour autant le voir et joue avec les gouttelettes d'eau qui persiste à s'accrocher à sa surface. Lorsqu'il reprend la parole, c'est d'abord dans un souffle, à peine audible dans le bouhaha du pub. Mais il continu ensuite plus fort, en fixant à nouveau ses yeux gris dans ceux de l'éleveuse.
« Il y a beaucoup de choses que vous ne savez pas sur moi... Mais bon... Quand on s'est revu au Canada, qu'elle est venu me chercher parce que je n'arrivais pas à émerger de ma fatigue et que j'avais perdu toute notion du temps, on s'est un peu retrouvé... Même si on ne s'était jamais vraiment perdu. J'étais dans une bulle, loin du Haras et... Même si j'étais concentré sur mon objectif, j'ai passé ces quelques jours à lâcher prise. Je vais peut-être te décevoir mais je n'ai pas compté les fois où on s'est sauté dessus ! »
Un sourire malicieux habille sa bouche un instant alors qu'il prend une gorgée de bière, vidant une bonne partie de sa pinte d'un coup. Il grignote un peu de son plat aussi et revient sur son récit en voyant la moue de la jeune femme.
« On est pas vraiment un couple mais... Je l'aime beaucoup. »
« Tu es fou amoureux d'elle... »
Myriam lui sourit tendrement mais cette fois, c'est la souffrance qui passe brièvement sur les traits du garçon.
« Ouai... »
« Et elle ? »
Un mélange de surprise et d'effroi passe sur le visage figé du garçon. Mais Myrial garde un regard doux et attend. L'éthologue fini par soupirer et esquisse un sourire, au souvenir d'un moment heureux.
« Aussi. »
Le ton est sûr et calme. Myriam lui sourit en fronçant le nez et ils se remettent à leurs assiettes en silence, perdu un instant dans leurs pensées respectives. Encore une fois c'est Myriam qui prend la parole pour briser le silence.
« Au fait, merci pour le chat. Maël m'a dit que tu avais lancé l'idée et fait céder Liam. »
« Je crois que sur ce coup là, Liam ne gagnera pas. »
Les deux cavaliers partent en fou rire, Myriam partageant avec Izikel la fois où Liam s'était retrouver en tête à tête avec un amas de plumes sanguinolente au réveil d'une sieste. La panique passagère de l'éleveur et le voir grimper sur les malles les plus proches comme une ménagère face à une souris était mémorable.
Après le déjeuner les deux cavaliers déambulèrent un moment dans la ville, s'éloignant petit à petit vers une zone commerciale. Un gros magasin d'équitation fit vaciller leur résolution de ne rien acheter et ils s'engouffrèrent dedans. Ils naviguèrent dans les rayons, gloussant comme des écolières devant certains articles. Ce n'est qu'arriver en tête de gondole qu'Izikel prit pour la première fois un air un peu plus sérieux. Un morceau de rayon était consacré à une cavalière éthologique bien connu en Nouvelle-Zélande. Un grand panneau présentait la cavalière et une tablette insérée dans le panneau faisait tourner en boucle plusieurs de ses vidéos. Les deux cavaliers restèrent immobiles pour regarder, silencieux. Ce n'est qu'une fois la boucle revenue à son début qu'Izikel reprit la parole, un air admiratif dans le voix.
« C'est fou ce qu'elle arrive à faire... »
« Tu rigole ? »
La jeune femme avait failli s'étrangler avec sa propre salive. Elle avait oublié à quel point l'irlandais reniait ses propres capacités. A quel point il lui était facile se dévaloriser.
« Quoi ? »
« Tu vois, c'est ça l'autodestruction. On en parlait tout à l'heure. Reconnais un peu que toi aussi t'as des pouvoirs magiques ! »
L'éthologue se contenta de lever les yeux au ciel avant de hausser des épaules. Il n'irait pas plus loin dans la joute verbale, c'était le sujet par excellence duquel il abandonnait toutes les batailles d'avance ; lui-même. En riant, la jeune femme l'entraîna vers le rayon des chaussettes, une joie enfantine non contenu la faisant sautiller à côté de l'irlandais, plus calme.
De retour au Haras, Izikel avait retrouvé son sourire, pour la première fois depuis qu'il était revenu de son périple autour du monde. La décontraction qu'avait réussi à installer Myriam tout au long de l'après midi se dissipa en un quart de seconde ; dans le hall du Manoir pour monter aux chambres, ils croisèrent Louna. L'irlandais, qui était en train de raconter à Myriam une anecdote drôle, se figea instantanément et se tue. Il glissa les mains dans ses poches et posa sur Louna un regard glacial. Myriam, qui n'avait pas vu Louna immédiatement, mit un moment avant de comprendre la soudaine réaction de l'éthologue. Mais elle sourit cependant à Louna, qui hésitait à s'approcher d'eux, jetant à Izikel des regards méfiants. Elle croisa nerveusement les bras sur sa poitrine et vint embrasser Myriam sur les joues. Izikel resta poliment en retrait, sans pour autant s'échapper dans les étages. Il y avait une certaine évolution... Mais elle était aussi présente chez Louna ; depuis quand avait elle peur de l'éthologue ?
« Salut ! »
« Salut. »
« Comment tu te sens après la grosse séance ostéo d'hier ? »
« Un peu fatiguée mais moins que la dernière fois. »
« Bon, c'est déjà ça. Demain tu revois le médecin ? »
« Oui ! Je te dirais ce qu'il en est. »
« Super ! A plus tard ! »
« A plus tard. »
Elles échangèrent un sourire et Louna sortit du Manoir alors que les deux autres grimpèrent les marches menant aux chambres. Ezra avait tenu à ce que Myriam fasse subir à Izikel un check-up ostéo complet et la jeune femme ne s'était pas vu refuser. Izikel resta crispé durant toute leur ascension, jusqu'à la chambre de l'éleveuse. Ils n'échangèrent pas un mot. Une fois à l'intérieur, la jeune femme frotta vigoureusement les bras d'Izikel.
« Aller détends toi ! C'est fini. »
Le jeune homme lui sert un sourire timide et détend ses épaules. Myriam sourit enfin et une fois le jeune homme installer, commence sa séance. Il va y avoir du boulot sur cette relation Louna / Walig... Beaucoup de boulot...
Halloween
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