Hors série
Izikel
Chasse à l'homme III ;
L'air de guitare résonnait dans l'air, suspendu dans la fraîcheur du matin. Voilà une semaine qu'Izikel avait débarqué sur la côte ouest canadienne. L'océan s'étendait à ses pieds et une brise légère emportait les quelques notes de musiques que distillaient la guitare. Mais ce n'était pas lui qui jouait. Il se laissait seulement porter par la musique. Et pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien. Serein même. L'air se termina et la tignasse rousse lui fit face avec un grand sourire.
Lou — Alors qu'est-ce que tu en pense ?
Walig — J'aime beaucoup ! C'est très doux ! Mais ça ne me dit rien… C'est toi qui l'a composé ?
Lou — Oui ! Je m'y suis mise cet hiver seulement. C'est ma première composition !
Le jeune homme sourit, complimentant encore la jeune femme. Derrière eux, une voix de femme les appela. Ils tournèrent tout les deux la tête dans un même mouvement pour découvrir Siobhan et la mère de Lou leur faire signe. Il était tant de les rejoindre. Ils se relevèrent et remontèrent doucement la pente douce menant à la maisonnette.
Son périple autour du monde à la poursuite de Pierce Finnegan l'avait conduit au Canada. Il y avait contacté Lou, qu'il savait passer les fêtes chez ses parents. En vérité, elle était chez sa grande tante, avec tout le reste de sa nombreuse famille, au bord de la mer, un peu au nord de Vancouver. Noël venait de passer mais Lou et Siobhan ne rejoindraient le Haras qu'après le jour de l'an et le changement de pays. Enfin, en tout cas, pour Lou c'était une certitude. Siobhan serait certainement rappeler par le Haras pour faire le changement de pays avec les chevaux du centre de soin. Revoir un visage familier et dans une ambiance autre que celle dont il avait l'habitude avait quelque chose d'agréable et de vivifiant. Au départ, il n'avait pas voulu venir directement chez la grande tante de Lou-Khyan, mais cette dernière avait tellement insisté qu'il avait dû céder.. Ils avaient fait de la place dans le salon et il dormait sur le canapé en face de l'immense cheminée de la pièce. Cela lui convenait parfaitement. Il ne demandait rien de plus. Il allait resté quelques jours seulement avant de reprendre la route. Il n'avait pas encore fini son tour du Canada… Les coordonnées qu'Ale lui avait donné pour cette fois concernaient un endroit perdu au milieu du parc naturel Riding Mountain, dans les terres canadiennes, un peu au dessus de la frontière avec les Etats-Unis. Il partirait le lendemain, ne voulant pas abusé de l'hospitalité de la famille de Lou.
La solitude ne lui avait pas pesé jusque là mais il appréciait de se retrouver dans cette maison pleine de monde durant quelques jours. La famille de Lou était plutôt nombreuse. Elle avait quatre frères -deux grands et deux petits, des jumeaux- et sa grande tante avait eu deux enfants -son père et son oncle Ben. Ben et sa femme, Sarah, avaient eux même trois enfants, deux filles et un garçon. Il y avait aussi leur grand-oncle, ainsi que les grands-parents paternels. Siobhan, Claire, la fiancée de son frère aîné, ainsi que Carole, la femme de son cousin -l'aîné de toute cette génération. Chaque couple avait sa chambre dans la maison au bord de la plage, mais les célibataires et les enfants plus petits se partageaient un grenier-dortoir et une caravanes dans le jardin. Izikel avait hérité de la dernière place restante : le canapé du salon. Logé tout ce monde là n'était pas une mince affaire ! L'irlandais en était même admiratif.
Il entra dans la salle à manger avec Lou et s'arrêta un instant sur le seuil, ne sachant pas où se mettre. Les patriarches étaient en bout de table, avec le père et l'oncle de Lou. Les enfants étaient tous rassemblés à l'autre bout de la longue table de bois massif de la salle à manger. La mère, la tante et grande-tante de Lou étaient encore dans la cuisine et papotaient joyeusement en préparant les plats à amener à table. Finalement Lou lui prit la main et l'emmena de l'autre côté. Elle s'assit à côté de ses frères, prenant le jeune home à côté d'elle. Siobhan ramena un gros saladier de purée de patate douce qu'il déposa devant eux avant de servir les enfants à recours de grands cris et de rires. Finalement il s'installa en face de Lou et tout le monde prit place naturellement autour de la table. Les conversations étaient animées. Les plats passaient avec fluidité devant lui et s'il voulait goûter de tout, il fallait se dépêcher de se servir. Avoir un repas chaud dans son assiette était un luxe qu'il ne s'était que rarement offert jusqu'ici et cela avait un effet revigorant qu'il avait toutes les peines du monde à imaginer. Le repas se passa sans heurts. A la fin, les mères accompagnèrent les enfants se laver et se coucher, alors que les plus grands se rassemblaient en petits groupes. Quelques hommes se mirent à jouer aux cartes. Izikel préféra raviver le feu de la cheminée et s'installer au calme sur le canapé. Lou le rejoignit et se pelotonna dans ses bras. Siobhan s'installa dans un fauteuil à côté d'eux, nullement gêné par cette proximité physique. Il devait avoir l'habitude avec la rouquine de toute façon… Elle était assez tactile. Izikel ne le voulait pas vraiment, mais la conversation dévia doucement sur le Haras. Il serra les dents et se montra d'une humeur égale, faisant preuve de curiosité. En fait, il en avait, de la curiosité, mais pas pour tout. Pas pour Louna.
Walig — Alors, comment va Liam et sa petite famille ?
Lou — Beaucoup mieux ! Il adore le nouveau, Dean. Il est tout le temps fourré avec lui c'est assez impressionnant. Mais il lui remonte le moral alors personne ne dit rien.
Le jeune homme fronça des sourcils. A la façon dont la jeune femme en parlait, quelque chose n'allait pas avec ce Dean.
Walig — C'est mal ? Qu'ils soient tout le temps fourré ensemble ?
Lou — Non mais… On ne le connaît pas ce Dean… Il vient tout juste d'arriver et il fait des projets de partout… Comme s'il allait révolutionner l'équipe… On ne remet pas en cause sa capacité à faire remonter la pente à Liam, mais on se méfie un peu quand même… On ne sait jamais.
Walig — Ok. Je ferais attention en rentrant alors…
Lou — Sinon tout le monde va bien. Inna est de plus en plus souvent avec nous. Enfin, surtout avec Ezra. Ce qui est une très bonne chose ! Il regrette ton départ même s'il sait que c'est temporaire… Tu lui manques beaucoup… Tu leur manque beaucoup !
Sio — Tu manques à tout le monde en fait.
L'irlandais jeta un regard à Siobhan. Le vétérinaire souriait et avait un regard doux. Il avait un effet bénéfique sur Lou, qui était moins feu follet avec lui. Il était sincère en tout cas et se voulait rassurant. Izikel ne voulait pas le rembarrer alors qu'il faisait preuve de gentillesse. Il se contenta donc de sourire et de le remercier. Mais intérieurement, une petite voix cinglante répliquait « Non, pas à tous... ».
Walig — Et toi Siobhan ? La vie au Haras te plait toujours autant ? Pas trop dur de s'intégrer ?
Sio — Ça va ! Je m'y fait bien.
Lou explosa d'un rire cristallin et se tortilla dans les bras du jeune homme.
Lou — Tu aurais vu sa tête quand il a vu mes deux grands frères et mon cousin qui nous attendait à l'aéroport ! C'était mémorable !
Siobhan grimaça et les trois amis rires de bon coeur.
Walig — En même temps, ça ne doit pas être facile pour lui !
Sio — Merci ! Enfin quelqu'un qui me comprend !
De nouveau les rires reprirent avant qu'ils ne soient rejoint par les mamans et que la discussion ne divague sur autre chose, à des millions de kilomètres de leur quotidien. Izikel écoutait en se laissant bercé, souriant quand il le fallait, acquiesçant quand il le devait et donnant une réponse aussi honnête que possible quand une question se posait. La soirée fut tout de même agréable et quand il se laissa tomber en travers du canapé qui lui été dévolu pour la nuit, il s'endormit tout de suite…
Le lendemain, la mère de Lou insista pour qu'il ne reparte qu'après le déjeuner. Dans la matinée, la demoiselle et le vétérinaire l'accompagnèrent en ville pour loué une voiture tout terrain et passé un peu de temps avec lui. Cette petite parenthèse chez Lou lui avait fait du bien même si, à peine la maison hors de vue, c'était déjà un souvenir lointain pour lui. Alejandro été maintenant certain de la destination du jeune homme. Pierce lui faisait faire le trajet qu'il avait fait plus jeune, à la recherche de divers objets. L'objectif était de lui apprendre à survivre quelques jours en milieu hostile. Il ne rencontrerait jamais personne, mais le défi physique serait bel et bien là. Il avait commencé par le désert, puis la jungle et sous terre et maintenant, il devrait faire face au froid et à la montagne. Cette étape, selon l'américain, serait la dernière et celle où il devrait trouvé Pierce. Mais il ne savait pas encore où...
Il avait roulé durant deux jours, dormant dans son pick-up, et cela faisait deux jours qu'il était dans le parc naturel de Riding Mountain quand il se mit à neiger. Il avait eu la présence d'esprit d'acheter un manteau d'hiver et des gants à l'approche de la saison froide, mais ses chaussures seraient de moins en moins adaptés. A la fin du deuxième jour, il atteignit la grotte désirée. Il était épuisé et il avait froid. Avec la scie fil de Lou, il coupa des branches et fit un feu à l'entrée de la grotte. Elle lui paru tout de suite beaucoup plus amicale. Mais il n'était pas au bout de ses peines. Un bref coup d'oeil dans la grotte lui apprit qu'il devrait grimper encore un peu plus...
Une journée entière. C'est le temps qu'il avait passé à fabriquer un échafaudage avec les arbres alentours pour atteindre le haut de la grotte. Pour cette épreuve, il y avait la montagne, le froid, mais aussi l'ingéniosité. Il ne pouvait pas avoir le message sans construire une structure, avec ses mains transie de froid. Il essayait de ne penser à rien, sauf à ce qu'il faisait. Isolé du monde, il ne se rendit pas compte du temps qui passait autour de lui. Ce n'est que lorsqu'il retrouva la chaleur de sa chambre d'hôtel qu'il comprit : une semaine venait de s'écouler. Prit de vertige il se laissa tomber sur son lit et sombra dans un sommeil agité...
Moïra — Izikel ! Izikel !!
Des mains qui le secouent fermement, une odeur de cerise dans l'air. Et son nom, encore et encore. Il ne lui fallu que quelques secondes pour émerger mais c'était déjà trop. Il soupira et secoua doucement la tête pour chasser le brouillard devant ses yeux. Il releva le nez sur la silhouette floue qui se tenait devant lui, les mains ancrées sur les hanches.
Walig — Moïra ?
Moïra — Non le pape !
Elle soupira rageusement et s'éloigna, le temps pour Izikel de se remettre les idées en place dans un soupir. Il était épuisé. La jeune femme poussa une chaise jusqu'à lui alors qu'il s'asseyait sur le bord de son lit. Elle s'assit et lui tendit une tasse de café brûlant, qu'il garda dans ses mains.
Walig — Merci.
Moïra — Kwaï a essayé de t'appeler trois fois en vingt quatre heures ! Qu'est-ce que tu foutais ?
Walig — Je dormais ! Tu ne l'as sans doute pas remarqué peut-être ?
Cette fois le ton du jeune homme était cinglant et empli de reproche. Il dormait, mais sans avoir un sommeil réparateur. De toute façon, au vue de la quantité de cauchemar qui emplissait ses nuits, il comprenait aisément qu'aucune de ses nuits de sommeil ne puisse être réparatrice. Ils se toisèrent un instant en silence avant que la demoiselle lui tende un morceau de papier. Elle reprit la parole d'un ton apaisant.
Moïra — Ta prochaine destination.
Walig — Merci...
Moïra — Ale m'a dit que tu semblais désorienté au téléphone mais que le code que tu lui as donné était correct... Qu'est-ce qui s'est passé ?
Walig — Je ne sais pas. Je me souviens à peine du trajet du retour... En fait je ne sais pas comment je suis revenu ici. Je sais que je suis monté sur l’échafaudage, j'ai grimpé le long de la paroi de glace et de roche... Et je ne sais pas. Mais ça sentait bizarre là dedans... J'ai mit ça sur le compte de l'air qui circulait mal mais...
Moïra — Tu as sans doute été drogué.
Le jeune homme haussa des épaules. Peut-être ou peut-être pas. Après tout, personne ne saurait vraiment. Et il n'avait aucune envie de retourner là bas pour aller voir... Un boyau d'à peine un mètre de large sur des dizaines de mètres de long en pente douce... L'air devait extrêmement mal circuler... Il était fort possible qu'un gaz ait été laissé dans ces sortes de capsules qu'il a dû ouvrir... Il fronça les sourcils mais rien ne vint. Il avait beau se concentré, il n'arrivait pas à se souvenir. Heureusement qu'il avait eu la présence d'esprit de prendre des photos sur place et les envoyé à Ale immédiatement... Sinon il aurait peut-être même oublier ce qu'il venait faire là... Moïra sourit, comme pour le rassurer, et lui caressa amicalement le bras.
Moïra — On peut traverser la frontière ensemble si tu veux. J'ai un contrat à Seattle.
Il jeta un vague coup d'oeil au papier. Il ne connaissait pas la ville mais l'état et le pays oui. Sa dernière destination serait le Montana, aux USA.
Walig — C'est une bonne idée.
Il sourit faiblement et avala une gorgée de son café avec précaution. Maintenant qu'il y était, il ne savait pas s'il avait envie que ce voyage se termine ou non...
Halloween
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