Chapitre 06
Episode 03
Close your eyes ;
« Maman ? Pourquoi tati Louna elle dort autant ? Elle est très fatiguée ? »
Myriam sourit faiblement et acquiesça. Elle ne pouvait pas se résoudre à dire la vérité à Maël. Il était trop petit de toute façon. Il ne comprendrait pas...
« Oui, c'est ça mon chéri. Elle a beaucoup travaillé et elle est très fatiguée. »
Le petit garçon, assit au bord du fauteuil en sky rose à côté du lit, ses petites jambes se balançant dans le vide, regardait Louna avec beaucoup d'intensité, la mine grave. Il réfléchissait, cela se voyait à son air concentré.
« Mais maman... Papa il travaille autant que tati Louna ! Il va devoir dormir beaucoup lui aussi ? »
Cette fois le sourire de Myriam se brisa en cours de route. Elle inspira profondément et s'agenouilla près de son fils. Les yeux sombre du petit homme la suivant du regard. Il avait le regard de son père...
« Non, ne t'inquiète pas pour papa. Ça va aller mon chéri. D'accord ? »
« D'accord... »
Il avait dit cela en haussant des épaules, mi-convaincu mi-résigné. Il soupira doucement et observa ses pieds se balancer sous le fauteuil. Il avait été plus que courageux jusque là. Restant sage malgré le manque d'activité et les heures interminables passées au chevet de Louna. Myriam se releva en douceur et posa ses yeux sur Louna. L'éleveuse était comme endormie, étendue dans son lit d'hôpital blanc. Les ecchymoses consécutives à l'accident disparaissaient un peu. Désormais, ses pommettes arboraient une couleur jaune-verte maladive. Ses lèvres avaient désenflées et la brûlure qui lui couvrait le cou à cause de la ceinture perdait aussi de sa vivacité. Elle n'avait pas besoin de respirateur, ce qui était un plus selon le corps médical, mais seulement d'une perfusion et d'une sonde. Deux poches se balançait sur l'arbre métallique. Chacune au liquide translucide dont la composition restait un mystère pour Myriam. Un électro-cardiogramme était branché sur son index, mais le bip régulier de la machine avait été coupé. Elle paraissait paisible ainsi... De l'autre côté du lit, il y avait Enzo. Assit sur un autre fauteuil, tenant la main de Louna. Il n'était plus que le fantôme de lui même...
Quelques coups discrets retentirent derrière la porte et Kwaïgon entra, suivi de près par une femme que Myriam ne connaissait que brièvement. Auréline, la mère d'Enzo. Elle venait d'arriver de Chicago, Kwaï avait été la chercher pour permettre à Enzo de rester avec Louna. Les deux femmes se prirent dans les bras et finalement, Auréline enserra son fils longuement. Maël les regardait avec une certaine curiosité, mais sans rien dire.
« On va vous laisser un moment. »
La jeune femme croisa le regard vide d'Enzo qui acquiesça d'un bref hochement de tête.
« Appelles moi s'il y a du changement. »
« Oui... Merci Myriam. »
L'éleveuse sourit et tendit la main à son fils qui s'en saisit en sautant à bas du fauteuil. D'un pas joyeux, il sorti à la suite de sa mère et Kwaïgon et les suivit sagement dans le couloir.
« Un café ? »
« Volontiers ! »
« Tu as soif Maël ? »
« Un peu. »
« Qu'est-ce que tu voudrais boire ? »
Le petit garçon s'approcha du distributeur et colla son nez dessus, levant les yeux sur les canettes et bouteilles en hauteur. Il fini par tendre le doigt vers un jus de pomme, en jetant un regard à sa mère.
« Je peux avoir ça ? »
« Oui, ça tu peux. »
Le petit garçon se tourna vers le coréen et tendit le doigt vers la canette.
« Je veux bien ça s'il te plait. »
« Alors on y va ! »
Il sélectionna la canette en question qui tomba dans un bruit métallique dans le bac de réception. Non sans mal, Maël récupéra sa canette et entreprit de l'ouvrir pendant que les deux adultes attendaient leurs cafés. Finalement, Myriam vint à la rescousse de son fils qui la remercia d'un sourire joyeux.
« Tu veux que je l'emmène cet après-midi ? »
Myriam fit une sorte de grimace gênée.
« Ça ne te gêne pas de faire baby-sitter ? »
« Je préfère largement ça à l'hôpital. Et je pense que lui aussi. »
La demoiselle acquiesça d'un signe de tête et s'accroupi pour être à hauteur de son fils.
« Maël, mon chéri, ça te dirais de passer l'après-midi avec tonton Kwaïgon ? »
L'enfant cessa de boire dans un bruit de succion et releva les yeux sur sa mère et Kwaïgon.
« Je veux bien. On fera quoi ? »
« Ce que tu veux. Mais on part de l'hôpital. »
L'enfant sourit à pleine dent et secoua vigoureusement la tête. Cette perspective l'enchantait !
« Alors c'est d'accord ! »
Ils restèrent un bon moment dans la salle d'attente avant de se séparer. Maël fila au dehors d'un pas conquérant, se dandinant au bout de la main de Kwaïgon. Myriam les regarda partir et remonta dans la chambre de Louna, la mine un peu plus sombre...
Lorsque Myriam regagna la chambre de Louna une grosse demi-heure plus tard, après avoir appelé Liam, elle trouva Enzo endormie et Auréline en pleine lecture. Les deux femmes échangèrent un sourire et quelques banalités, mais rapidement, le silence reprit ses droits. Il était compliqué de parler dans ces cas là, le malaise étant trop grand encore. Ils passaient beaucoup de temps à attendre, à espérer. Un réveil ou simplement une amélioration. Le kiné passait tous les jours pour faire garder une certaine tonicité au corps de Louna. Une infirmière venait changer les poches de perfusions quand elles en avaient besoin. Et changer aussi les pansements qu'il restait.
L'accident qu'avait eu Louna avait été assez fort. Elle passait un feu vert à un croisement dans le centre ville, et un chauffard grillant le feu rouge de son côté l'avait percuté, sur l'aile conducteur, projetant la voiture de la demoiselle en plusieurs tonneaux. La voiture s'était finalement arrêté en s'enroulant autour d'un poteau électrique. Louna avait subi plusieurs fractures et fêlures, ainsi que quelques plaies provoquées par les vitres volant en éclats. La ceinture de sécurité qu'elle portait lui avait brûlé le cou. Le choc l'avait fait tombé dans l'inconscience, et elle ne s'était pas réveillée depuis. Elle respirait cependant toute seule et ses organes internes n'avaient pas reçu de dégâts irréparables. c'était déjà un bon point... Elle était passé au bloc pour réparer les os brisés et depuis, elle était dans une chambre, comme endormie...
Les heures qu'ils passaient là, souvent en silence, ou à s'échanger des banalités d'ordre vital, laissait libre loisir à l'esprit de réfléchir. Mais la gravité de la situation et l'ambiance morose rendait peu à peu les réflexions de Myriam moroses... La déprime était là, sans conteste et elle n'était pas spécialement facile à vivre. Mais ils se devaient de rester forts et soudés pour Louna. Une évidence qu'il n'était pas forcément facile de gérer au quotidien. Heureusement, Auréline était venu. Myriam allait pouvoir repartir quelques temps au Haras. La séparation d'avec Liam était aussi un peu compliqué à vivre, autant pour elle que pour Maël. D'ailleurs, la prochaine fois qu'elle reviendrait, elle laisserait Maël au Haras avec son père. Depuis sa naissance, elle n'avait jamais été séparée de lui. Se serait bien une première... Sa relation avec Liam avait connu des hauts et des bas, pas mal de temps loin l'un de l'autre, mais leur amour en était resté intact. Le manque était là, mais ils l'acceptaient, plus ou moins facilement. Elle sentait dans la voix de Liam chaque jour l'épuisement autant physique que moral. Elle ne savait même pas comment il faisait pour ne pas craquer. Autant physiquement que mentalement d'ailleurs. Avait-il une si grande force de caractère qu'il pouvait lutter ainsi indéfiniment ? Non... Ce ne serait pas infini. Voilà pourquoi elle devait rentrer et recharger ses batteries.
Leur vie au Haras n'avait pas été des plus calme. Bien loin de là même. Elle était trop agité à son goût. Liam paraissait avoir l'habitude. Myriam le savait, ce qu'il avait vécu avant qu'elle ne mette les pieds au Haras y était pour quelque chose. Mais elle qui n'était pas aussi aventureuse se retrouvait bien souvent déboussolée et dans l'incompréhension totale. Comparée à celle de Liam, sa vie avait été calme. Elle avait certes été abandonnée par sa mère, mais élevée par sa grand-mère. Elle avait toujours eu des repères. Une vie structurée et "normale". Liam n'avait pas eu cette chance... Orphelin de mère à sa naissance, orphelin de père dans sa jeunesse, il avait finalement été recueillit par son parrain, Charles. Il avait abandonné un cursus classique pour suivre des cours de théâtre, mais le travail manquait cruellement, et il avait fini par travailler dans un bar des bas-fond californien. Finalement, la chance lui avait sourit pendant une audition : un premier rôle, au cinéma, qui avait projeter sa carrière aussi haut que vite. En l'espace de trois ans il était devenu millionnaire et le succès lui avait fait gonflé la tête. Et c'est un cheval qui l'avait fait redescendre sur terre... Un film avec des chevaux dont il avait accepté le rôle pour une raison obscure. A la fin du tournage il avait acheté l'équidé au fort caractère, avait fait ses bagages et quitté Hollywood pour poser ses fesses au Haras nomade. Il y avait fait la rencontre de Louna, déjà sur place depuis un moment, et d'Izikel, arrivé quelques semaines après lui. Le trio avait évolué ensemble et vécu sa première aventure... La mort de Charles, liée au passé houleux de Louna. Cette première expérience de la mort lui avait forgée une carapace si épaisse que tout ce qui avait suivi n'avait pas pu la fendre... Même lorsqu'il avait été torturé, dans un autre passage de ses débuts au Haras tumultueux...
Myriam avait été horrifiée en apprenant tout ce qu'il lui été arrivé. Mais que pouvait-elle y faire ? Après tout, sans tout ce qu'il avait vécu, il ne serait plus lui. Elle avait été la seule personne pour laquelle il avait craquelé sa carapace. Et Louna était sans doute la seule autre personne pour qui il le ferait également... Mais Myriam ne voulait pas penser à cela. Elle se refusait à imaginer ce qu'il se passerait si Louna venait à les quitter définitivement. C'était au dessus de ses forces. Malgré ses longues absences, et avec difficultés, le Haras était devenu son foyer. Et les membres de l'équipe était sa famille. Et Louna en faisait parti plus que tout autre. Avec Liam, elle était le pilier de cette équipe, le principal morceau de son âme. Sans âme, elle ne savait pas si l'équipe pourrait encore exister...
Le soleil déclinait fortement quand le médecin arriva dans la chambre. Enzo se redressa, attentif et plein d'espoir, tout comme les deux femmes. Le jeune homme présenta sa mère au médecin et Myriam échangea un sourire avec lui, comme à son habitude. Il prit ensuite doucement la parole pour saluer Auréline et faire un point.
« Alors, nous avons décidé de lui faire passer un scanner cérébral demain matin. Pour voir s'il y a du changement plus en détail. Il me faut votre signature Mr. Levy sur ce formulaire pour accepter la démarche. »
Il tendit un bloc et un stylo à Enzo qui signa machinalement et lui rendit le tout.
« Vous pensez qu'il y aura une amélioration ? »
« Je l'espère sincèrement. Elle est presque complètement remise physiquement, on va pouvoir cesser les peu à peu les anti-douleur. Peut-être que cet arrêt provoquera un réveil... En tout cas c'est notre théorie actuelle. »
Tout le monde acquiesça sagement et le médecin prit congé. Espérer... Que pouvait-ils faire de plus de toute façon ? Rien, mise à part attendre...
Halloween
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