Hors série
Izikel
Chasse à l'homme V ;
L'échec. C'est le premier mot auquel il pensait, quand il se demandait ce qu'était devenu sa relation avec Louna. Un échec. Rien de plus, rien de moins. La fatigue avait fait place à une certaine colère, mais aussi un vide immense, qu'il comblait par le travail. Cela faisait une semaine qu'il était chez Pierce. Il avait aidé le vieil homme à rassembler ses affaires, et les empaquetées, puis avait aidé au déménagement lorsque Kwaïgon et Moïra étaient arrivés, ne gardant que le strict nécessaire pour lui. Il avait ensuite acheté par mal de matériel et avait entreprit un grand nombre de réparation sur la maison. Réparer le toit de la grange, repeindre, refaire la terrasse. Il entrecoupait le tout de temps de travail avec le cheval du pré, qui n'avait toujours pas de nom. Pierce avait tenu à assister à leurs premières séances. Le champagne se laissait approché, ce qui rendait les choses assez simple. Il se laissait manipuler et avait accepté le licol. L'éthologue lui avait paré sommairement les pieds et il travaillait dans le rond de longe. Le cheval était très réceptif, attendant presque leur séance quotidienne au bord du rond de longe. Il devait s'ennuyer, seul dans son très grand pré...
Il avait passé beaucoup de temps à discuter avec Pierce. Mais il avait très peu parler de lui. Il avait laissé le vieil homme parler. Il y avait beaucoup de sagesse dans sa manière de voir le monde et il avait réussi à débloquer quelques situations épineuses dans l'esprit du garçon, même si le brun ne lui en avait pas dit un seul mot. Les adieux avaient été brefs et très vite, le jeune homme s'était retrouvé seul dans la maison de bois. Il comptait finir de la remettre en état avant de la vendre. Et voir ce qu'il pourrait faire du cheval. Ce qui n'était pas une mince affaire ! Mais il s'était fait une liste de choses à accomplir et chaque jour il se donnait un petit but. Cela lui permettait de voir où il en était. Il ne savait pas où allait Pierce et il ne le reverrai sans doute jamais. Et c'était sans doute mieux ainsi de toute façon. Cependant, il se souviendrait sans doute encore longtemps de leurs adieux ; un échange de regard qui voulait tout dire à l'éthologue sans pour autant qu'il ne soit lourd. Ils s'étaient découvert beaucoup de points communs en cette semaine de vie commune. Selon Pierce, Izikel était comme lui, mais en plus jeune, et avec une sagesse qu'il n'avait pas encore au même âge, sans doute dû à de trop grandes épreuves en peu de temps. Il lui avait donné un ultime conseil avant de monter dans la Range Rover de Moïra, avec un sourire léger, plein d'espoir.
Pierce — Ne te laisse pas ronger par le passé Izikel. Il est certes là pour que nous ne fassions plus les même erreur à l'avenir, mais ne le laisse pas te ronger. Affranchis toi de tes douleurs, ne les laissent pas hanter tes nuits. Apprivoises les et libères les. Ce n'est pas en les enfermant et les ignorant que tu les verras disparaître... Au contraire, elles gagneront en force et en haine. Laisses les passer à travers toi, laisses les te consumer une bonne fois pour toute... Et laisses toi le temps de renaître de tes cendres...
L'éthologue avait hoché doucement de la tête et serrer la main du vieil homme avant de lui sourire. Un vrai sourire, pour la première fois depuis trop longtemps.
Walig — Merci.
Un simple mot, qui, il le savait, dans l'esprit de Pierce, traduisait tout ce qu'il n'avait pas dit et qui restait en suspend dans l'air. Un regard entendu et il avait disparu. Izikel avait attendu de voir la voiture disparaître complètement avant d'aller donner une caresse au cheval du pré et rentrer dans la maison vide, las et fatigué...
Cela devait faire une semaine qu'il était là, depuis le départ de Pierce et Sophie, à remettre la maison en état. La solitude ne lui pesait pas, comme elle ne lui avait jamais pesé durant sa traque aux indices pour retrouver Pierce. Kwaïgon lui avait ramené un sac de vêtements et quelques affaires. Il avait pu récupérer son téléphone portable et son ordinateur, mais il n'avait pas encore ouvert une seule fois le pc et ne regardait que rarement l'écran de son téléphone. Il avait eu des nouvelles d'Inna et Ezra, ce qui était plaisant. Liam lui avait également passé un coup de fil, en lui demandant s'il voulait bien accueillir un cheval de plus avant que celui-ci ne vienne au Haras. Il avait accepté et Dean, le dernier arrivant de l'équipe, devait le lui amener dans la journée. Ce n'était pas une mauvaise chose, il tiendrait compagnie au champagne, qui n'avait toujours pas de nom... Il attendait donc le maréchal, sur la rocking-chair de Pierce, assit au soleil.
Il était un peu plus serein depuis quelques jours. Les journées lui étaient moins pesantes à vivre. Il se disait enfin les choses en face : il était au fond du trou et devait maintenant faire le point pour essayer d'en sortir. Il savait que le chemin serait encore long et empli d'embûches, mais au moins, il savait à peu près où il allait. Il soupira en voyant le petit camion remonter la route. Le cheval du pré releva le nez et émit un ronflement ténu, avant de rejoindre l'entrée du pré au pas. Il devait être curieux de voir ce qui allait sortir du camion. Izikel se leva pour accueillir Dean, qui se garait sagement devant la maison. Quand il sorti, il fit un grand sourire à l'éthologue et s'approcha avec un enthousiasme certain. L'irlandais sourit en retour et serra la main tendue.
Walig — Bienvenue !
Dean — Merci ! Ça fait plaisir de te rencontrer enfin !
Walig — C'est un plaisir partagé ! On décharge la bête ?
Dean — Oui ! Il doit en avoir marre d'être là dedans...
Les deux hommes se mirent en action. L'étalon palomino dun qui se trouvait dans le camion était amaigri et semblait fatigué. Il avait presque vingt quatre heures de voyage dans les pattes maintenant, venant du sud de la France et devait effectivement être fatigué. Il descendit du camion sagement. Dean le débarrassa de ses protections de transport, troqua sa polaire et couverture de voyage pour une imperméable et ils le mirent au pré avec le champagne. Ils se reniflèrent un moment avant de partir brouter chacun de leur côté. Au vue de l'état de chacun, Izikel doutait qu'il y ai bagarre. Et de toute façon, le pré était assez grand pour qu'il le coupe en deux au besoin. Ils nettoyèrent le camion et partirent en ville pour manger un morceau. Ils trouvèrent leur bonheur dans un vieux bar / diner qui servait à peu près à toute heure à peu près la même chose. Ils se trouvèrent une table tranquille, près d'une fenêtre et une fois installé avec deux bières sous le nez, ils se détendirent un peu. C'est Dean qui ouvrit la conversation au sens propre du terme, jusque là, ils n'avaient échangés que des banalités sur le lieu et le voyage de Dean.
Dean — Alors c'est toi le fameux Izikel dont tout le monde me parle ?
L'éthologue rit un peu cyniquement et détourna un instant le regard. Il lui était étrange que Dean lui parle ainsi. Comme s'il était une sorte de Graal intouchable et au dessus de tout... Ce qui était bien loin d'être le cas.
Walig — Tant de monde t'as parlé de moi ? Je suis curieux de savoir ce qu'ils t'ont dit de moi...
Dean — En réalité, c'est Louna qui a commencé... Elle a demandé à ce que les autres lui parlent de toi. Alors il y a eu grand rassemblement dans le salon et j'ai demandé à y aller aussi... Je ne pouvais pas participer bien sûr mais je suis du genre curieux alors...
Dean sourit, avec un air véritablement gentil et content de lui. Mais Izikel n'était pas vraiment dans cette optique ; au nom de Louna, une rage flamboyante avait illuminé son regard. Il s'était contenté de serrer les dents et avait soupiré en détournant les yeux, pour se concentrer un instant sur un pick-up qui se garait dehors. Le sourire de Dean disparu aussitôt et il grimaça un peu. Il allait reprendre la parole mais Izikel le coupa, lui adressant aussi un sourire rassurant ; après tout, ce n'était pas de sa faute, l'américain ne lui avait rien fait.
Walig — Et bien... En tout cas ça fait plaisir de voir autant d'enthousiasme chez toi ! Tu te plais au Haras ?
Dean — Oui... Beaucoup. Je... Je n'ai pas l'impression d'être très apprécié par tout le monde mais... Liam est vraiment un type bien, il fait tout pour que tout aille pour le mieux pour moi... Et puis je connaissais déjà Logan donc bon... Je ne suis pas tout seul.
Il sourit doucement et bu une gorgée de sa bière. Izikel pour sa part fronçait les sourcils. Pas très apprécié ? Lou l'avait plus ou moins prévenu qu'il y avait une certaine méfiance à son égard, mais il ne voyait absolument pas sur quoi elle se fondait maintenant qu'il avait le maréchal en face de lui. D'autant plus que c'était Logan qui avait conseiller le garçon et le moniteur de saut n'était pas du genre à traîner dans des choses louches et avait plutôt d'excellentes connaissances. Ce ressentiment général était donc bien étrange...
Walig — Comment ça pas apprécié ?
Dean — Oh c'est pas grave... On ne peut pas être aimé de tous non ?
De nouveau il sourit doucement. Izikel voyait maintenant ce que Liam devait apprécié chez Dean. Sa franchise et son enthousiasme sans faille... Lui, avant de vivre toutes les horreurs qu'il avait surmonter en quelques années...
Walig — Ne t'inquiète pas. Une fois que Kwaï aura trouvé que tu as un passé aussi clean que celui d'un poussin, ils t'apprécieront tous à ta juste valeur...
L'éthologue leva son verre et Dean l'imita, avant de boire une gorgée. Il était plaisant de discuter avec l'américain, et il était content d'avoir des nouvelles du Haras. Mais il se rendait compte au fil de leur conversation, qu'il ne voulait pas rentrer au Haras dans l'immédiat. Il ne voulait pas se retrouver en face de Louna, il ne voulait pas vivre ce moment. Il la détestait pour ce qu'elle lui avait fait, même si elle ne s'en était pas rendu compte et même si elle n'en savait plus rien aujourd'hui. Il la haïssait... Et cette vérité le frappa avec tant de violence qu'il en perdit un instant le fil de la conversation. Heureusement, il saisi la dernière question de Dean dans son entier.
Dean — Et tu pense que tu rentreras quand au Haras ?
Walig — Je ne sais pas. Il faut que je vende la maison, que je décide quoi faire du champagne et que je fasse le bilan avec celui que tu m'as ramené.
Dean — Tu ne vas pas garder le champagne ?
Walig — Pour quoi faire ? J'ai déjà deux chevaux à Full Horse qui m'appartiennent... Sans compter qu'à mon retour on me confiera sans doute un cheval, et qu'il y a aussi ceux des élevages... D'autant qu'il y a de nouvelles têtes à ce que j'ai compris. Et puis il y a Arès...
Dean — Tout le monde s'attend à ce que tu rentre avec lui.
Walig — Tout le monde s'attend à beaucoup de choses de ma part... Et je crois que beaucoup de monde va être déçu.
Cette fois, le ton était un peu rageur, plein de reproches, mais pas envers Dean, et celui-ci le comprit très bien. Jusque là, l'irlandais s'était toujours plié en quatre pour tout le monde. Risquant sa vie pour les autres, et mettant la sienne entre parenthèse, allant de déception en déception. Le seul rayon de soleil dans tout ses cauchemars étaient Inna et Ezra. Il était grand temps que les choses changent.
Dean — Et bien... Je ne sais pas si c'est de bon augure ou pas pour les autres...
Izikel sourit. Rit même. Franchement. Il se calma au bout de quelques secondes cependant, et bu une nouvelle gorgée de sa bière alors que leurs burgers arrivaient. Dean afficha une mine tellement ravi qu'il fit de nouveau sourire Izikel.
Walig — Je crois que je suis en face d'un vrai amateur de burger !
Dean — Si tu savais ! Qu'est-ce que ça me manque au Haras ! Liam s'est mit en tête de nous faire manger sain... Quelle plaie ! Je l'adore hein, mais sur ce coup là...
Walig — Manger sain ? Comme si on mangeait n'importe quoi... Il a de ces idées parfois...
Dean — Hum... Je crois que c'est Ale qui a soulevé l'idée.
L'américain avait dit cela avec une pleine bouchée de burger dans les joues. Il y mettait du coeur, comme tout ce qu'il avait l'air d'entreprendre. Une bonne chose, encore une fois et Izikel appréciait cela. L'irlandais sourit, sans pour autant faire de commentaire. Tout cela leur ressemblait tellement à tous... Une part de lui aurait bien voulu vivre cela, mais elle était encore trop petite par rapport à la part qui souhaitait prendre du recul et ne pas rentrer. Il était perdu dans ses pensées quand Dean reprit la parole avant d'engloutir une rasade de bière.
Dean — Tu sais, je pense que tu devrais prendre ce cheval. Profites de ton temps ici pour construire quelque chose de solide avec lui et après ramènes-le. Il te fera penser aux semaines que tu as passé ici. Et pour l'instant, elles me semblent être positives... Alors ce cheval, ce ne serait que du bonus. Après... Tu fais ce que tu veux, je ne juge pas.
L'irlandais eu un sourire narquois. Ce petit maréchal ne disait pas n'importe quoi. Il y avait un côté ingénu et naïf dans sa façon d'être, un peu à l'image de Lou-Khyan. Mais contrairement à elle, ce qu'il disait cachait une vérité profonde dont il était conscient... Le ton n'était qu'une façade !
Walig — Je vais réfléchir encore un peu je pense.
Dean sourit et mordit à nouveau dans son burger. Izikel délaissa son verre pour imiter le jeune homme et s'attaquer enfin à son dîner...
L'éthologue regardait le camion repartir, les mains dans les poches de son blouson, immobile sur la terrasse de la maison. Dean repartait après quelques jours passé avec Izikel. Ces quelques jours avaient été enrichissants, et ils avaient apprit à se connaître un peu mieux. L'éthologue appréciait beaucoup le maréchal et il avait hâte de le retrouver au Haras. Il lui faisait penser à beaucoup de monde : la naïveté de Lou, l'enthousiasme d'Inna, l'humour et l'entente d'Ezra, les réflexes et la séduction d'Ale, l'organisation de Liam, mais aussi la discrétion de Kwaïgon quand il observait les séances d'Izikel avec les chevaux... Et lui-même aussi... Son professionnalisme et sa patience avec les équidés. Il comprenait pourquoi Liam l'appréciait tant : il l'appréciait pour les même raisons. Dean était un concentré de presque toute l'équipe, ce qui impliquait pas mal d'avantages.
L'éthologue soupira et regarda les chevaux, tous les deux à la barrière, fixant Izikel avec intensité. Ils s'entendaient à merveille, ce qui était une bonne chose. Le palomino dun -ou sooty, il avait du mal à le déterminer- était un Lusitanien, étalon de son état, certainement croisé avec autre chose, américain. Il était amaigri et portait quelques cicatrices sur les flancs et la tête, mais son passage chez Pierre en France lui avait fait du bien et il reprenait doucement du poids. C'était un cheval que Liam avait repéré l'année précédente sans l'acheter, et le voyant à nouveau dans une association, il avait regretté son choix et l'avait prit, encouragé par Dean. L'équidé demanderait du travail et de la patience, mais en s'y mettant tous ensemble -Liam, Dean et lui- ils arriveraient à vite le remettre sur pied. Le champagne quand à lui était un quarter horse pure souche. Des voisins lui avait donné ses origines et il lui avait fait faire des papiers. Il portait le doux nom officiel de "Rise of Ireland" mais l'éthologue n'allait jamais jusqu'au bout et se contentait de l'appeler "Rise" ou comme jusque là, simplement "Champ'". L'ibérique quand à lui se nommait "Insane Boy"... Nom qui ne lui allait pas selon l'éthologue mais il n'y pouvait rien.
Walig — Allez brouter les garçons ! On travaille pas maintenant.
Il fit un geste de la main dans leur direction avant de rentrer dans la maison pour se changer. Il devait poursuivre les réparations du toi aujourd'hui !
Il clouait des lattes de bois sur le toit, sous le frais soleil d'hiver, quand il aperçu une silhouette inconnue remonter doucement l'allée. Elle semblait frigorifiée, enroulé dans un sweat fin. Izikel posa son marteau et la regarda avancer doucement. Elle ne tarda pas à arriver à la hauteur de la maison et elle leva les yeux vers Izikel, qui la regardait avec une certaine curiosité, mais aussi une dureté nouvelle.
Walig — Je peux vous aider ?
Incapable de parler elle hocha de la tête et éclata en sanglot, s'écroulant sur elle même, sur le sol gelé. L'éthologue descendit du toit en passant par celui de la pergola et sautant au sol et s'approcha doucement de la jeune femme. Il s'accroupit auprès d'elle et posa une main amicale sur son épaule. Il la sentit tressaillir à ce contact et se contenta donc d'une simple pression amicale.
Walig — Hey... Ça va aller... Qu'est-ce qu'il se passe ?
Entre deux sanglots, la demoiselle releva les yeux sur lui. Elle était perdue et effrayée, cela se lisait dans ses yeux.
Naïg — Ils sont tous morts... Je... Elle m'a dit de... De venir ici, que vous pourriez m'aider...
Elle pleura de plus belle alors que le jeune homme restait perplexe. Que pouvait-elle bien raconter ? Et qui l'avait envoyé ici ?
Walig — Qui t'as dit de venir ici ?
Naïg — Ma grande soeur... Moïra Abraams...
Halloween
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