Chapitre 04
Episode 06
Prendre le temps ;
POV Alejandro
Le jeune homme sourit au portier qui lui ouvrit la porte et se dirigea d'un pas vif vers l'ascenseur, le bruit de ses pas absorbés par le tapis épais qui parcourait le hall d'entrée. La tapisserie brune au mur, de style baroque, ne faisait qu'assombrir le tout, s'ajoutant aux boiseries avec une lourdeur qui lui était à la fois détestable et rassurante. Les portes de la cage montante s'ouvrirent dans un tintement mélodieux et il grimpa dedans, appuyant en même temps sur le dernier bouton de la liste. Quelques secondes plus tard, les portes se refermaient et la machine se mettait en marche, montant toujours plus haut. Le jeune homme, appuyé contre le mur du fond, les jambes croisées, regarda sa montre. Elle annonçait sept heure deux. Une heure parfaite. Le soleil s'était levé voilà une petite demie-heure, l'air au dehors était encore frais, ce qui justifiait son trench noir, et la cohue du matin ne commencerait véritablement que dans quelques minutes. De nouveau, le tintement de l'ascenseur se fit entendre en même temps que les portes s'ouvraient. Le jeune homme s'avança dans le petit hall sombre alors que les lumières s'allumaient sur son passage. Il n'y avait qu'une seule et unique porte à cette étage : celle de son appartement. Il tourna la clé et ouvrit la porte...
Autant tout était sombre dans les parties communes, autant son penthouse était lumineux. Le hall d'entrée, entièrement blanc, donnait sur une immense baie vitrée qui faisait le tour de l'appartement, excepté la cuisine. Le soleil, juste au dessus de la ligne des buildings, inondait la pièce d'une lueur dorée typique du matin. Cette lueur donnait aux objets une teinte brillante et hypnotique qu'il adorait. Il déposa ses clés dans le bol prévu à cet effet sur la desserte de l'entrée et passa dans la pièce de gauche pour poser le sac en papier qu'il tenait sur la table. Il débordait de viennoiseries en tout genre. Il enleva doucement son trench pour aller le pendre dans le placard de l'entrée et fixa un instant la une du New York Times que le livreur avait du déposer durant son absence. Il soupira à la vue des catastrophes du monde et retourna dans la salle à manger pour aller dans la cuisine mettre la cafetière en marche. L'odeur du café réveillerait peut-être la maisonnée. Pour l'instant, l'appartement tout entier était plongé dans le silence, si ce n'était le bruit qu'il faisait lui. A priori, les autres dormaient encore. Peu importe ; il prépara tout de même le petit déjeuner, s'affairant à poser sans trop faire de bruit tout ce qu'il fallait sur la table de la salle à manger. Et lorsque le café eut fini de couler, la tête encore un peu endormie d'Izikel s'encadra dans l'encadrement de la porte. Il portait un jogging gris et rien d'autre. Il avait les bras croisés sur son torse, les cheveux ébouriffés et encore de petits yeux. Alejandro interrompit un instant son bol en l'air et lui sourit chaleureusement.
Ale — Bonjour ! Bien dormi ?
L'éthologue secoua positivement la tête et passa ses mains sur son visage, histoire de se réveiller un peu mieux.
Walig — Salut... Ouai... Ça va...
Alejandro sourit de nouveau et alla décrocher la cafetière de son socle.
Ale — Café ?
Walig — S'il te plaid.
Ale — Mug ou bol ?
Walig — Mug...
Sans attendre plus longtemps, le tueur à gage servit une tasse de café au garçon et lui tendit une petite assiette.
Ale — Sers-toi en viennoiserie, il y en a pas mal.
Le moniteur regarda le sachet en papier et plongea la main dedans pour remonter un croissant qu'il déposa dans son assiette avant de secouer ses mains.
Walig — Ils sont chaud ! T'as été les chercher ce matin ?
Ale — Oui j'en viens. Ils venaient de les sortir du four.
Walig — Sympa...
Ale — J'aime bien recevoir.
Le châtain sourit et se retourna en remontant ses manches pour remplir une carafe de jus d'orange qui venait de se presser. Il ajouta quelques glaçons dedans et posa le tout sur la table. Izikel pour sa part avait prit sa tasse de café et s'était dirigé vers la grande baie vitrée de la salle à manger. La baie, allant du sol au plafond, offrait une vue exceptionnelle sur la ville et plongeante vers le bas et Central Park. Perché au trentième et dernier étage, avec aucun autre immeuble aussi grand alentour, il ne pouvait pas y avoir meilleure vue. Et Izikel en était époustouflé. Ils étaient arrivé la veille de nuit et n'avait pu profiter de la vue. Découvrir au petit matin cette imprenable panorama ne pouvait que le ravir.
Petit à petit, tous les locataires de l'appartement se levèrent un à un. Ezra suivit Izikel de prêt et resta muet, face à la baie vitrée, durant tout son petit déjeuner. Kwaïgon aussi ne parlait pas mais il était plongé dans la lecture de ses mails. Contrairement aux autres, il était arrivé douché et habillé, comme Alejandro. Ce qui avait d'ailleurs fait sourire le propriétaire des lieux. La dernière à se lever avait été Lou-Khyan. La jeune canadienne avait le sourire et avait l'air plutôt contente d'être là. Comme si elle ne se rendait pas bien compte de la gravité de la situation. Elle passa pas mal de son temps de petit déjeuner à discuter avec Ale, essayant d'apprendre à le connaître au fil de leur conversation. Mais le ballet de la salle de bain commença et leur discussion fut couper. Ale et Kwaïgon rangèrent la table du petit déjeuner et installèrent le salon pour leur première réunion...
Tout le monde était là, installé sur les canapé du salon. Seuls Kwaïgon et Alejandro étaient debout. Le premier près de la fenêtre, les bras croisés sur son torse, face au vide ; et l'autre faisait face aux autres avec un sourire confiant. Malgré la gravité de la situation, Alejandro respirait le calme et la sérénité, ce qui n'était pas plus mal. Et puis il savait ce qu'il faisait, contrairement à la plupart d'entre eux. Le coréen lui avait confié, juste avant la réunion, qu'il avait ce voyage en horreur avant même qu'il ne commence. Mais ce n'était pas compliqué de le comprendre vu la façon dont il avait prit les choses en main à Hawaii. Il avait simplement la fâcheuse impression de retourner quelques années en arrière quand il était encore dans le gang. Et s'il était venu à Full Horse, c'était justement pour s'en échapper et pas ressauter dedans à pieds joints comme il le faisait actuellement. Ale respectait cela, mais il lui avait gentiment fait remarquer que s'ils étaient tous là, c'était de part son initiative. Il n'avait pas peur que le coréen se dérobe -il savait pertinemment qu'il irait au bout de son geste- mais il ne voulait pas que son inquiétude déteigne sur le reste du groupe... Il ne doutait pas non plus d'Ezra qui avait encore tout ses réflexes. Ni d'Izikel, bien que celui-ci ne soit pas complètement partant, à la base, il ne voulait pas venir avec eux. Mais Lou l'inquiétait plus que les autres... Tout simplement parce qu'il ne la connaissait pas. En attendant, s'ils étaient tous là, c'était pour mettre les choses au clair et monter une stratégie. Alors autant ne pas traîner... Une fois que tout le monde lui fut attentif, il prit la parole d'une voix calme :
Ale — Bon ! Alors, maintenant que l'on est tous là et bien reposer, rentrons dans le vif du sujet. Je sais que vous le savez déjà tous mais si nous sommes là, c'est pour prendre une vie et ce n'est pas rien. C'est aller à l'encontre de la loi, de l'éthique et de la morale... C'est encourir des peines très lourdes et prendre des risques. Risquer sa propre vie mais aussi celle des autres. Ce n'est pas un petit job. Ce n'est pas euthanasier un animal ou partir à la chasse... Non. C'est abattre un autre être humain. Aussi vil et mauvais soit il, c'est une personne. Une personne qui a une histoire, des sentiments, de la famille et des amis... Ce n'est donc pas une décision à prendre à la légère. Est-ce que vous êtes prêts à encourir tous les risques qu’une telle action comporte ? C’est le moment de faire demi-tour si vous n’êtes pas vraiment sûrs…
Il les regarda tous un par un. Le sourire de Lou avait disparu et ils avaient tous un air grave. Izikel et Ezra secouèrent positivement de la tête, faisant comprendre à Ale qu’ils avaient bien comprit la chose et Kwaïgon se contenta de lui faire un regarde en coin. Seule Lou resta un instant plongé dans ses pensées avant de répondre par l’affirmative.
Lou — Sûre.
Ale hocha doucement de la tête, positivement et laissa quelques secondes de silence s’écouler avant de commencer son exposer de la situation. Ils avaient du travail… Beaucoup de travail…
POV Ezra & Lou-Khyan
Ezra et Lou étaient installés sur le capot du pick-up et regardaient avec attention Kwaïgon et Izikel s’entraîner au tir sous la direction d’Ale. Il était prêt de seize heures et ils avaient passé la très grande majorité de la journée à mettre au point des plans et à fractionner avec une méthode quasi militaire leurs journées pour ne rien laisser au hasard. Alejandro les avait prévenus, il ne leur laisserait aucune seconde de répit, et il ne laisserait absolument rien passer, sauf en ce premier jour. Il fallait qu’à chaque seconde de la journée chacun sache où était les autres et ce qu’ils faisaient. Durant les trois premiers jours, ils partageraient leurs journées entre planques, observations, entraînements et réajustement des plans, jusqu’au jour J. Ils étaient en binômes, sauf Kwaïgon, qui était seul et passeraient leurs temps avec leur binôme, leur référent. Ils ne devaient en aucun cas le quitter, même pour les tâches les plus intimes de la journée. Chaque binôme aurait sa tâche et Alejandro estimait que pour bien faire les choses, ils devaient se connaître par cœur et savoir en un seul regard ce que l’autre pensait ou comptait faire. Le binôme Izikel – Ezra aurait été plus simple à mettre en place, mais il ne voulait pas être avec Lou. Il avait exposé les choses dès la réunion du matin et Lou ne s’en était pas offusquée. Elle comprenait qu’une bleue comme elle soit à des kilomètres de sa manière de faire à lui. Et même s’ils s’entendaient bien, faire un binôme n’était pas ce que voulait Ale. Décision avait donc été prise de mettre Ezra avec Lou, étant donner que le courant passait plutôt très bien entre eux. Kwaïgon ne voulait pas de binôme et l’américain avait donc tout naturellement été avec Izikel. Contrairement à ce qu’il avait craint au départ, les deux hommes s’entendaient plutôt bien. Il avait eu un peu peur que les choses ne soient pas naturelles malgré leur bonne entente au Haras, mais les choses se passaient bien. Ainsi donc étaient les choses et chaque binôme avait des temps pour lui, pour faire connaissance. Pendant ce temps là, Kwaïgon s’occupait de sa tâche à lui : la logistique. C’était à lui qu’incomberait les tâches ingrates et il fallait qu’il s’organise pour cela. Chose qu’il faisait à merveille jusque là.
Les coups de feu retentirent et firent sursauter Lou, qui ne s’y attendait pas. Elle éclata de suite d’un rire cristallin et se colla à Ezra qui la prit dans ses bras en riant à son tour. Les trois autres restaient concentrés sur leur exercice. Doucement la demoiselle se calma et se remit droite, laissant sa tête retomber sur l’épaule du métisse. Ils avaient déjà eu leur tour de tir et la demoiselle avait réussi l’exploit d’impressionner Ale, ce qui n’était pas jouer d’avance ! Un fin sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’elle regardait Izikel recharger son arme.
Lou — Ça me fait penser à quand j’étais plus petite… Quand mon père nous a apprit à tirer au fusil avec mes grands frères.
Ezra — C’est ton père qui t’as apprit à tirer ?
Lou — Oui ! Comme je partais souvent toute seule à cheval et que dans notre région il y avait des ours, il préférait…
Le jeune homme eut un petit rire avant de reposer le regard sur les autres. Ils étaient tous parfaitement concentré. Ceci dit, le jeune homme s’ennuyait un peu. Il se pencha doucement sur Lou et lui murmura.
Ezra — Ça te dirait pas qu’on bouge un peu ? Qu’on aille boire un verre ou je sais pas…
Il entendit la petite rousse sourire. Elle balança ses jambes sous elle et haussa des épaules, sans pour autant enlever sa tête de la où elle était posée.
Lou — Tu crois que le big boss sera d’accord ?
Ezra — On peut toujours demander.
Lou — Ok !
La demoiselle se redressa avec un sourire aux lèvres. Elle n’était pas contre. Ezra sourit et avisa Alejandro d’un signe de la main. Ce dernier tourna la tête et l’interrogea du regard.
Ezra — On a le droit d’aller boire un verre avec ma binôme ?
Cette fois c’est Ale qui sourit et hocha positivement de la tête. Il fouilla dans sa poche et lança les clés du pick-up à Ezra. Ils prendraient la Prius qui était garé à côté. En un clin d’œil les deux loustics étaient dans la voiture noire et roulait de nouveau vers New York, à une heure et demi de là…
Après être brièvement passé à l’appartement, les deux jeunes gens étaient assit au bar le plus proche, chacun une bière à la main. Lou riait presque pliée en deux alors qu’Ezra lui racontait l’état dans lequel Izikel s’était retrouvé à cause d’un pari perdu. Doucement elle se calma alors qu’Ezra riait doucement et reprit la parole après une gorgée de sa bière.
Lou — Vous aviez l’air proche tout les deux… Plus que ce que vous ne l’êtes au Haras, non ?
Ezra — On n’a pas l’air proche au Haras ?
La demoiselle haussa des épaules en lui faisant un petit sourire mutin.
Lou — Non pas trop… Enfin je ne trouve pas… Vous ne faites pas de blagues comme ça entre vous ni rien…
Ezra sourit avec une pointe de tristesse. Elle n’avait pas tord. Au Haras, dans la journée, ils avaient tout de même peu de contact et prenaient rarement le temps de rester ensemble. Ils n’avaient plus ces longues discussions qu’ils avaient avant. Mais il savait parfaitement pourquoi. Le jeune homme soupira et se prit à expliquer le tout à Lou.
Ezra — C’est un peu à cause de moi… On était tout le temps fourré ensemble à Dublin, et puis je suis parti après mes études pour intégrer Interpol. A partir de ce moment là, on ne s’est quasiment plus vu. J’ai commencé les missions dangereuses et je ne pouvais plus me permettre d’aller le voir quand bon me semblait. On a perdu le contact sans le perdre… Et quand je suis revenu et que je suis arrivé au Haras, il s’était passé pas mal de choses dans sa vie… Et je sais que depuis un moment, il n’est plus le même quand Louna est dans les parages. Tu verras, d’ici quelques jours il arrivera peut-être à se détendre et tu pourras apercevoir le vrai Izikel ! Mais c’est vrai que pour l’instant, les seuls moments durant lesquels je le retrouve, c’est quand on est avec Inna…
Lou — Inna ?
La demoiselle fronça des sourcils en buvant doucement sa bière alors que le jeune homme sourit au nom de son amie. Il releva doucement les yeux vers Lou, un sourire doux sur le visage.
Ezra — C’est une cavalière du Haras et une amie commune que j’ai avec Izikel. On la connait depuis un petit bout de temps maintenant et ça arrive, de temps en temps, que l’on passe du temps avec elle. Soit que lui ou que moi ou tous les trois –ou avec d’autres… On ne l’a pas présenter au reste du groupe mais bon… C’est notre petite Inna aussi ! On n’est pas trop partageur pour elle.
Il fit un clin d’œil à la demoiselle et rit, alors qu’elle souriait de plus belle.
Lou — Je comprends !
Ezra — Toi aussi t’as bien rencontré des cavaliers qu’on ne connait pas, non ?
La jeune femme eu un sourire malicieux. Ezra savait qu’il avait touché dans le mille.
Lou — Si… C’est vrai. Mais on connait tous des gens que les autres ne connaissent pas !
Ezra — C’est vrai ! Heureusement d’ailleurs ! Je deviendrais fou sinon. Vous avoir sur le dos tout le temps…
Lou — Oh !
La demoiselle prit un air faussement offusquée et tapa gentiment de son poing l’épaule d’Ezra qui riait. Mais ce fut de courte durée ; le téléphone du métisse vibra sur la table, affichant le nom d’Ale sur l’écran d’accueil. Il fit une grimace à Lou en prenant le petit rectangle de technologie dans sa main.
Ezra — Je crois que c’est la fin des réjouissances… Allô ?
Lou haussa les épaules et sirota sa bière en attendant que le jeune homme termine sa conversation. Ça ne dura pas bien longtemps et le verdict tomba assez rapidement.
Ezra — Faut qu’on rentre…
Lou acquiesça et laissa là sa bière, tout comme Ezra, avant de se lever. Quelques minutes plus tard ils saluaient le portier et s’engageaient dans l’ascenseur. Quand ils entrèrent dans l’appartement, ils constatèrent qu’une valise était dans l’entrée. Ale leur sourit et annonça sans détour :
Ale — On a un problème.
Halloween
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